Fondation Jean Piaget

Objet de l'épistémologie génétique


Les connaissances auxquelles s’intéresse l’épistémologie génétique sont les connaissances dites "valables" (JP67b, p. 6). Il ne revient pas à l’épistémologie de décider quelles sont ces connaissances.

L’accord sur leur validité provient des sujets de la connaissance eux-mêmes (dont naturellement l’épistémologue généticien fait partie pour ce qui est de sa science). Ce sont eux qui décident, à chaque niveau de développement, ou à chaque étape d’évolution de la science, ce qui est considéré comme une affirmation ou une conception valable par rapport aux objets de connaissance.

Bien sûr il est des domaines où l’accord semble plus facile sur la valeur des connaissances en jeu. C’est le cas des sciences classiques, et plus particulièrement, des sciences logiques, mathématiques et physiques. Leur objet étant moins changeant et plus universellement accessible que celui de la biologie ou des sciences sociales et humaines, il n’est pas étonnant que Piaget ait adopté le choix des philosophies classiques de la connaissance, en traitant en priorité les connaissances de types logico-mathématique et physique.

Mais dans son principe, rien ne contraint l’épistémologie génétique à s’y arrêter et elle pourrait à la limite prendre pour objet d’étude les sciences les plus ésotériques, en s’efforçant là aussi de répondre à la question de la constitution des connaissances considérées comme valables par ceux-là mêmes qui les soutiennent...

Si l’épistémologie génétique est l’étude de la genèse des connaissances valables, qu’en est-il alors des recherches sur le bébé?

Il est évident que lorsque Piaget a étudié la naissance de l’intelligence et la construction du réel chez le bébé, c’était en grande partie pour résoudre un problème d’épistémologie. Certes il n’a pas "demandé" à ses trois enfants quelles étaient selon eux les connaissances valables. Mais l’étude de la genèse des catégories de la pensée le conduisait imparablement à se pencher sur leur possible source psychologique, et son enquête eût pu même reculer plus loin encore, et provoquer la naissance d’une éthologie phylogénétique s’il avait partagé une vision plus darwinienne de l’évolution biologique.

A l’autre extrémité, en ce qui concerne la connaissance adulte et la sociogenèse des idées, notons que Piaget les a abordées par le biais d’études d’histoire des sciences qui inscrivent en partie son oeuvre dans le prolongement de l’épistémologie historico-critique de langue française (Brunschvicg, Meyerson, Reymond, etc., pour ce qui est de la génération du début du vingtième siècle, Bachelard, Koyré, Canguilhem, et autres, pour ce qui est de leurs successeurs).

Observons enfin que les études d’épistémologie génétique sont complétées chez Piaget par des travaux qui relèvent de l’épistémologie interne aux sciences ou de ce qui subsiste de la véritable philosophie des sciences. C’est le cas en particulier de l’épistémologie de la psychologie (avec le délicat problème de la conscience ), mais aussi de l’épistémologie génétique elle-même, et plus généralement des sciences humaines.

Toute science en train de se faire exige de ses créateurs des clarifications, voire des choix, quant à la nature de ses objets et des notions de base utilisées pour les décrire ou les expliquer. Piaget n’a évidemment pas failli à cette obligation.

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[…] de même que l’individu se libère de son égocentrisme intellectuel en prenant conscience de son point de vue propre pour le situer parmi les autres, de même la pensée collective se libère du sociocentrisme en découvrant les attaches qui la relient à la société et en se situant dans l’ensemble des rapports qui unit celle-ci à la nature elle-même.