Fondation Jean Piaget

Environnement en biologie


Quelle que soit l’importance accordée à l’activité du sujet dans la construction des conduites psychologiques et des systèmes cognitifs, il est bien évident, même du point de vue du constructivisme, que le développement d’une pensée se fait toujours au cours d’échanges avec les multiples réalités avec lesquelles cette pensée interagit. La compréhension que l’on peut se faire d’un système cognitif est d’autant plus complète que l’on s’efforce de comprendre dans quel contexte ce système s’est construit. Il est vrai que selon les systèmes considérés, on peut plus ou moins faire abstraction de cette exigence de connaître le milieu de développement d’un tel système. La règle est en principe simple: plus l’environnement intervient de façon massive, et plus il est important d’en prendre connaissance.

Deux chapitres de l’oeuvre de Piaget méritent à cet égard une attention particulière. Ce sont les chapitres de la biologie et de la philosophie. C’est en effet par eux que l’adolescent a accédé aux problèmes et aux concepts fondateurs de son oeuvre. Or lorsqu’il rejoint ainsi les grands courants sociogénétiques de l’évolution de la biologie et de celle de la philosophie, son esprit est encore vierge de toute influence scientifique, exception faite des savoirs de base que tout enfant apprend à l’école primaire et auprès de ses proches. Bien que condition nécessaire de la construction de son oeuvre, ce savoir de base ne saurait expliquer la direction prise par celle-ci, puisque il aurait tout aussi bien conduire Piaget vers les activités de mathématicien ou de physicien.

Bien sûr un certain nombre de traits personnels font que l’enfant va développer des intérêts préférentiels pour la biologie, puis la philosophie, plutôt que pour le sport, la peinture ou la fabrication technique (encore que le jeune Piaget ait été intéressé un temps par des questions de mécanique, JP76a, p. 2). Mais le facteur essentiel pour expliquer son parcours original réside bien dans le concours de circonstances qui lui a permis de se passionner durablement pour la biologie.

Nous n’allons pas présenter ici un examen exhaustif des environnements intellectuels dans lesquels le jeune Piaget s’est formé à l’histoire naturelle, puis à la biologie, mais seulement faire ressortir les traits principaux de ces environnements. On peut considérer que, pour l’essentiel, cette formation s’est déroulée entre 1907, année lors de laquelle il prend contact avec le directeur du musée d’histoire naturelle de Neuchâtel, Paul Godet, qui guidera ses premiers pas en science naturelle, et, disons, 1919, année où il donne la priorité aux enquêtes psychologiques dans la résolution d’un certain nombre de problèmes qui, initialement, s’inscrivaient dans le projet d’établir une épistémologie biologique.

Deux grandes phases dans le rapport avec l’environnement

De 1907 à 1919, et peut-être en partie encore entre 1920 et 1929, on peut considérer que l’environnement cognitif joue un rôle de premier plan dans la construction de sa pensée biologique. Pendant cette période, Piaget reprend à son compte les problèmes, notions et solutions qu’il peut trouver chez les biologistes de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle (des formes renouvelées de lamarckisme).

Par contre, il est vraisemblable que dès les années vingt les pièces principales de la problématique, des notions, et de l’orientation générale de la solution piagétienne aux problèmes de l’adaptation et de l’évolution, seront élaborées, à une exception près qui concerne le problème des régulations cybernétiques. La balance sera dès lors plus équilibrée entre l’apport des facteurs intérieurs et des facteurs extérieurs dans la construction de la conception originale que Piaget élabore peu à peu, depuis la fin des années vingt jusqu’aux années septante, conception que l’on pourrait appeler le "constructivisme biologique", par référence aux théories psychologiques et épistémologiques sur lesquelles l’auteur s’appuie. Au lieu d’apprendre la biologie en y apportant de son cru, il ira surtout rechercher dans les travaux théoriques et expérimentaux réalisés par d’autres auteurs de quoi renforcer les solutions qu’il suggère au grand problème de l’origine des espèces.

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[…] le temps qualitatif conserve, lorsqu’il devient opératoire, un rôle pratique beaucoup plus grand, en marge du temps métrique, que ce n’est le cas, par exemple, du poids qualitatif par rapport à la mesure des poids. Mais cette différence s’explique par l’existence de la durée interne, liée à la mémoire de nos actions passées ou aux péripéties de l’action actuelle, alors que l’action courante ne s’intéresse pas aux poids qualitatifs intérieurs au corps propre.