Fondation Jean Piaget

Conclusions

La place de la sociologie dans le système des sciences
Sociologie et histoire


La place de la sociologie dans le système des sciences

L’examen par Piaget de l’explication sociologique confirme manifestement à ses yeux ce que l’examen de leur objet révèle: la proximité de la psychologie et de la sociologie au sein du système des sciences.

Contrairement aux relations dissymétriques qui relient chacune d’elles à la biologie (elles ont toutes deux à un titre ou à un autre besoin de la biologie générale sans que l’inverse soit vrai, sauf pour des classes particulières de faits biologiques), la psychologie et la sociologie dépendent étroitement l’une de l’autre dans l’explication qu’elles sont amenées à donner de leur objet. Par ailleurs, toutes deux ont affaire au problème central et difficile des rapports entre la causalité et les faits de conscience.

Cette proximité de la psychologie et de la sociologie n’empêche pourtant pas l’existence de profondes différences, qui tiennent pour l’essentiel à la façon dont les équilibres que l’on y constate sont ou non le résultat d’un processus d’équilibration majorante.

Alors que sur le plan du développement de l’individu ce processus intervient de façon assez massive, puisqu’il explique l’évolution de ses structures intellectuelles ainsi que de son affectivité, il n’agit dans le domaine de la société que sur le plan de l’évolution des règles ou des normes sociales.

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Sociologie et histoire

Pour Piaget, la sociologie appartient, comme la psychologie, au groupe des sciences nomothétiques, c’est-à-dire des sciences dont le but principal est la découverte et l’explication de régularités dans leur objet d’étude. Il n’inclut pas les sciences historiques dans ces disciplines dans la mesure où l’histoire, qu’elle porte sur la terre, sur la vie, sur une société ou sur la pensée d’un individu, etc., n’a pas pour but de dégager des lois générales, mais au contraire d’utiliser les lois découvertes par les sciences nomothétiques, ainsi que leurs concepts, pour expliquer la genèse de l’objet considéré.

L’opposition entre ces deux groupes de sciences n’est pourtant pas absolue. Elle dépend de la place occupée par le mélange statistique de différentes actions au sein du phénomène étudié (JP50, II, p. 189).

Dans le cas d’un système de pur mélange, dont la meilleure illustration est fournie par le processus d’entropie, comme dans le cas inverse d’un système dominé par des processus auto-organisateurs, le développement de l’intelligence individuelle ou la formation d’une nébuleuse par exemple, les évolutions observées s’expliquent directement soit par des lois statistiques, soit par des lois ou des mécanismes généraux (par exemple, pour l’intelligence, l’équilibration majorante et les processus qui la réalisent). L’explication de l’histoire d’un système se réduit alors pour l’essentiel aux lois ou aux mécanismes généraux caractéristiques de l’ensemble dont il est membre.

Ce n’est que dans les situations intermédiaires où l’on a affaire à la fois à un processus de mélange statistique et à des processus obéissant à des lois ou à des mécanismes généraux, que la description et l’explication historiques se distinguent de la description et de l’explication nomothétiques. En ce dernier cas, qui est le domaine des sciences historiques au sens strict, le travail historique, en cherchant non pas à atteindre des lois ou des mécanismes généraux, mais à décrire et à expliquer «un processus concret en toute sa complexité et par conséquent en son originalité irréductible» (JP70_4, p. 4), aboutit à des explications qui se distinguent clairement de celles recherchées par les sciences nomothétiques, notamment par leur portée (le particulier).

Il paraît toutefois assez évident que la différence concerne avant tout l’approche adoptée par le chercheur, soit qu’il privilégie l’étude du général, soit qu’il vise plutôt l’explication d’un système dans sa singularité. Par exemple, dans le cas d’un système obéissant aux lois du hasard, comme celui du mélange des billes étudié dans les recherches sur le hasard (JP51) rien n’empêche de s’interroger en historien sur l’évolution d’une séquence particulière d’essais. Mais bien sûr le résultat de la recherche ne serait alors d’aucun intérêt.

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[…] le caractère le plus remarquable de la connaissance humaine quant à son mode de formation, comparé aux transformations évolutives de l’organisme et aux formes de connaissance accessibles à l’animal, est sa nature collective autant qu’individuelle. L’ébauche d’un tel caractère s’observe certes chez plusieurs espèces animales et en particulier le Chimpanzé. Cependant la nouveauté chez l’homme est que la transmission extérieure ou éducative (par opposition à la transmission héréditaire ou interne de l’instinct) a abouti à une organisation telle qu’elle a pu engendrer des civilisations.