Fondation Jean Piaget

La parenté des problèmes biologiques et cognitifs

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Réfutant l'antithèse bergsonienne du rationnel et du vital et considérant la raison comme un produit indirect de la vie qui une fois constituée continue son propre développement, Piaget souligne à plusieurs reprises la parenté des problèmes biologiques et cognitifs de même que la continuité des processus de développement en jeu à ces différentes échelles. L’organisme vivant étant considéré comme un système ouvert aux échanges avec son environnement, la question centrale de la biologie lui paraît être celle de la coordination entre les transformations évolutives de source endogène et les actions exogènes du milieu nécessitant des adaptations variées. Or, une telle problématique se retrouve dans le domaine de l'évolution de l'intelligence et de la formation des connaissances où il s'agit d'expliquer comment les interactions adaptatives exogènes avec le milieu, c'est-à-dire les relations entre les schèmes d'actions ou d'opérations du sujet et les objets sur lesquels ils portent, donnent lieu à une évolution endogène des structures de la pensée. Piaget prête en effet au système cognitif les mêmes propriétés fonctionnelles que celles de l’organisme biologique qui représente le prototype d’un système à la fois ouvert aux échanges avec l’environnement et fermé en tant que cycle de processus interdépendants. L’ouverture propre aux systèmes cognitifs se traduit par la complémentarité fonctionnelle de l’assimilation et de l’accommodation. Tout schème, toute conduite est en effet susceptible de s’appliquer à des objets variés et représente à cet égard une source de modifications potentielles du milieu par assimilation (par exemple, la saisie d’un objet entraîne un changement de sa position dans l’espace). Mais le milieu offrant un certain nombre de résistances à l’activité du sujet, il lui impose en retour des accommodations sources de modifications plus ou moins importantes des schèmes de départ, pouvant se traduire par des différenciations et coordinations variées entre schèmes puis par leur intégration progressive dans des structures. Dans une telle perspective, il y a continuité entière du biologique au cognitif, de l’organisation vivante à l’organisation cognitive, le problème central de la connaissance, qui est celui de l'adéquation des structures logico-mathématiques de la pensée à la réalité physique, apparaissant comme un cas particulier d'un problème plus large : celui de l'adaptation d'un fonctionnement interne (celui de la pensée ou de l'organisme) aux caractères des objets ou du milieu. Cette adaptation n’étant pas statique mais dynamique, elle s’avère indissociable de la construction de nouvelles structures s’effectuant par paliers.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

Notion de développement
(…) un développement est une organisation progressive et implique donc la notion d’une construction de structures totales et d’une filiation de ces structures, celles d’un stade n dérivant de celles d’un stade n-1. B.C., p. 122.
(…) cette construction de structures organiques est apparue comme une équilibration progressive grâce à un jeu d’autorégulations, d’abord structurales (…) puis fonctionnelles (…). Les stades de développement apparaissent ainsi comme les paliers d’une équilibration progressive, avec son double aspect diachronique (homéorhésis) et synchronique (homéostasis finale). B.C., p. 122.

Notion de système
Un «système» se définit d‘abord par l’existence d’une «totalité unitaire» et c’est en fonction de sa dynamique globale que s’explique les réactions, même en cas d’enchaînements linéaires. Le propre d’un système est en outre la capacité de répondre à l’altération exogène d’un état d’équilibre par une réaction endogène conduisant à un nouvel équilibre. C.M.E., p. 84.
(…) s’il y a système, il intervient quelque chose qui ressemble à une fermeture et qui doit être concilié avec l’ouverture. (…) l’ouverture, c’est le système des échanges avec le milieu, mais cela n’exclut en rien la fermeture au sens d’un ordre cyclique et non pas linéaire. B.C. p. 220.
(…) la notion d’un ordre cyclique semble indispensable à la permanence du système ouvert, sinon cette permanence ne saurait comporter de mécanismes régulateurs (invoquées depuis avec raison par Bertalanffy) et se réduirait à un équilibre en tant que balance de forces opposées, ce qui n’est plus spécifique de l’organisation. B.C., p.221.
Le caractère cyclique du système est en particulier nécessaire dès que l’organisation se prolonge en adaptation et en assimilation. B.C., p.221.

Caractère circulaire des systèmes biologique ou conceptuel
(…) ce caractère nécessairement circulaire et non pas seulement hiérarchique du système (par différenciation de la structure en sous-structures possibles) caractérise l’organisation cognitive spontanée autant que l’organisation biologique. Un système conceptuel est un système tel que les éléments s’appuient inévitablement les uns sur les autres, en même temps qu’il est ouvert à tout échange avec l’extérieur. B.C., pp. 221-222.
(…) tout système de connaissance est en réalité circulaire et l’extension de la connaissance consiste seulement, d’un tel point de vue, à élargir autant que possible le domaine compris entre ses frontières. B.C., p. 223

Organisme vivant en tant que système
Un organisme, nous dit Bertalanffy, est un «système ouvert», en ce sens précisément qu'il ne conserve sa forme qu'au travers d'un flux continu d'échanges avec le milieu. Or, un système ouvert est un système sans cesse menacé et ce n'est donc pas pour rien que les aspects fondamentaux de la survie, la nutrition et la reproduction, se prolongent en comportements ayant pour résultats d'étendre le milieu utile. Cette extension (…) est essentiellement une recherche de la fermeture du système, et cela justement parce qu'il est trop «ouvert». (…) fermer le système consisterait (…) à circonscrire un champ tel que la probabilité des échanges soit suffisante à la conservation. (…) B.C., p.484.
On voit alors aussitôt que la fermeture du système constitue sous cet angle une limite constamment poursuivie mais jamais atteinte. B.C. p. 484.
Tout organisme constitue un système ouvert, au sens de Bertalanffy, c’est-à-dire ne se conservant que moyennant de constants échanges avec le milieu quant au besoin de nutrition et de protection contre les prédateurs. Or un tel système est sans cesse menacé par ses limitations et, même si le milieu actuel suffit momentanément quant aux besoins immédiats, le développement des conduites les plus élémentaires de précaution et d’anticipation aboutit à l’élargir ; d’où la tendance à une fermeture du système «organisme x environnement» et il va alors de soi que cette fermeture ne peut qu’être sans cesse reculée, d’où l’extension progressive du milieu, mais en tant que milieu connaissable même si non aussitôt utilisable, donc du milieu propre au comportement et non pas aux échanges physiologiques actuels. C.M.E, p. 34.

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[…] si la biologie est essentiellement, et presque passivement, soumise à son objet, cet objet […] c’est-à-dire l’être vivant, n’est autre chose que le sujet comme tel ou du moins le point de départ organique d’un processus qui, avec le développement de la vie mentale, aboutira à la situation d’un sujet capable de construire les mathématiques elles-mêmes.