Fondation Jean Piaget

Stade 5 et 6

Stade 5: Le (re)groupement des déplacements perçus
Stade 6: L'espace sensori-moteur et le début de l'espace représentatif


Stade 5: Le (re)groupement des déplacements perçus

L’une des caractéristiques de ce cinquième stade est que l’enfant parvient maintenant à composer les déplacements successifs visibles des objets extérieurs proches pour agir de manière appropriée par rapport à ces déplacements. Par exemple:
    – Il ne recherchera ainsi plus en une place A un objet dont il a vu qu’il a été successivement déplacé de A à B, puis de B à C, puis caché (obs. 53[CR], JP37, p. 61).

    – De même il saura se retourner à gauche pour prendre un objet qu’il a fait disparaître derrière son dos en se tournant à droite, puis en le poussant (obs. 104[CR], JP37, p. 161).

    – Ou encore il apprend à se déplacer en tenant compte des modifications entre sa position et la position des objets induite par ses propres déplacements (obs. 108[CR], JP37, p. 165). Il conçoit ainsi sa position comme une parmi l’ensemble des positions des objets considérés par lui et il sait composer de manière opératoire ses déplacements (obs. 117[CR], JP37, p. 172).
L’étude par l’enfant des relations spatiales entre les objets

De plus il procède maintenant à des conduites systématiques, à des "réactions circulaires tertiaires", pour découvrir les relations spatiales qui existent entre les objets ou certaines de leurs propriétés spatiales, telles que posséder un intérieur.

Il place un objet dans une position, puis dans une nouvelle position, il le lance pour en étudier les trajectoires, il met des objets dans d’autres objets, les ressort, il pose des objets les uns sur les autres, etc. Il range les objets selon des configurations spatiales particulières (obs. 109[CR], JP37, p. 167).

Bref contrairement à l’enfant du quatrième stade dont les regroupements d’actions et les mises en relations spatiales restaient élémentaires, celui du cinquième stade réalise des mises en relations et des regroupements complexes, en coordonnant par exemple la position d’un objet par rapport à un autre pour réussir à produire un certain effet (obs. 115[CR], JP37, p. 171).

Les limites du cinquième stade

Ce que l’enfant de ce stade ne parvient pas encore à faire, c’est intégrer au groupe des relations ou des déplacements visibles des relations ou des déplacements représentés (nouveaux et non directement perceptibles). Il ne parvient donc pas encore à prévoir ou déduire ce qui va se passer sur le plan spatial, sauf s’il l’a déjà expérimenté.

A ce stade, les groupements objectifs de relations et de dplacements spatiaux restent encore de portée empirique, de même que les notions qui leurs sont rattachées.

Le caractère empirique des mises en relations réalisées par le bébé et des notions qui les accompagnent se manifeste dans des comportements qui font sourire les adultes, ou parfois les énervent.
    – C’est par exemple Jacqueline qui, à une année et demie, alors que son père a fait sortir des objets qu’elle avait mis dans sa barboteuse en les extrayant à partir du bas de l’habit, ne comprend pas comment ces objets ont pu sortir, manifeste son étonnement, et regarde à l’intérieur de sa barboteuse pour s’assurer qu’ils n’y sont plus!

    – Ou bien c’est Laurent qui, vers une année et trois mois retourne une planchette sur laquelle il a placé des objets dans le but manifeste de les voir de dessous cette planchette, conduite qu’il répète deux fois de suite, ce qui montre qu’il ne s’agit pas d’une simple maladresse ou distraction!

    – Enfin, dernier exemple dont tout parent est également familier, c’est Jacqueline qui cherche à déplacer un coussin sur lequel elle se tient dans le but de trouver une balle cachée sous lui (obs. 121[CR], JP37, p. 176), cela alors que par ailleurs elle sait enlever un objet se trouvant sur un autre pour atteindre un troisième (obs. 55[CR], JP37, p. 62).
Ce dernier cas est intéressant parce qu’il montre que, même si l’enfant sait établir des relations entre ses propres déplacements et les positions des objets, il ne parvient pas encore à se représenter lui-même du dehors pour se considérer comme un objet parmi les autres.

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Stade 6: L'espace sensori-moteur et le début de l'espace représentatif

L’enfant du sixième stade, contrairement à celui du cinquième, tient compte des déplacements invisibles d’un objet qu’il considère dans son activité actuelle pour en déduire les nouvelles positions. Lorsqu’une balle disparaît derrière un meuble, il sait sans problème aller rechercher cet objet là où le déplacement invisible l’a emporté.

De plus, s’il veut atteindre un objet, et que le déplacement direct qui lui permettrait de l’atteindre n’est pas possible, l’enfant contourne également sans problème les obstacles en employant un chemin indirect qui le conduit à cet objet (obs. 123[CR], JP37, p. 178).

L’enfant du sixième stade a donc acquis la conduite de détour la plus élaborée. Il sait déduire les déplacements auxquels il doit procéder pour atteindre un objet se trouvant dans une chambre, si le chemin le plus direct pour accéder à cette chambre est barré. Ce faisant, il compose en un seul groupe spatial des positions et des déplacements visibles et invisibles.

La possibilité qu’il a acquise de se représenter objectivement les placements et déplacements des objets (lui-même compris) dans l’espace familier signifie qu’il a acquis pour la première fois l’intuition d’un espace homogène qui n’est plus centrée de manière privilégiée et déformante sur l’action ou le corps propre.

On notera cependant que, alors que l’enfant du sixième stade parvient à se représenter des relations et des déplacements invisibles entre les objets, il lui faudra encore plusieurs années pour qu’il acquière une représentation (opératoire) de l’espace en tant que tel.

La représentation qui commence à être utilisée pour l’action vers le milieu de la deuxième année n’est pas encore une représentation d’un espace abstrait, mais la représentation des placements et des déplacements invisibles d’objets dans un espace qui est engendré au fur et à mesure des activités de placements et de déplacements visibles et invisibles.

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L’hérédité de l’intelligence comporte […] à la fois beaucoup plus et beaucoup moins que celle de l’instinct : beaucoup plus parce que c’est la transmission d’un fonctionnement susceptible de conduire très loin et d’apprendre à peu près indéfiniment (jusqu’à présent) ; mais beaucoup moins parce que ce n’est donc la transmission d’aucune structure particulière.