Fondation Jean Piaget

Niveau 1: des souvenirs-images très frustes

Le souvenir d’une sériation
Le souvenir d'une correspondance terme à terme


Le souvenir d’une sériation

Lorsque, après une semaine, on demande à des enfants âgés environ de quatre ans de dessiner ce qu’on leur a montré la semaine précédente (une rangée de baguettes sériées de la plus petite à la plus grande), le type de dessin que l’on peut obtenir est simplement une rangée de traits de longueurs à peu près égale.

On peut alors se demander si le problème de ces enfants n’est pas simplement de compréhension de la consigne. Mais ce qui est tout à fait spectaculaire est que certains d’entre eux, qui ont pu être réinterrogés huit mois après la première séance, progressent dans leur réponse, en donnant des réponses similaires à celles d’enfants plus avancés qui, une semaine après avoir vu la série, dessinaient par exemple des couples de bâtons!

La découverte de cette progression de la qualité des dessins d’une séance à l’autre, qui se retrouve à tous les niveaux et pour toutes les expériences ou presque, est très importante pour la théorie générale du développement. Elle rend tout simplement vaines les objections qui font appel aux arguments de mauvaise compréhension ou de suggestion pour expliquer les différences entre les réponses apportées par des enfants d’âge différent aux questions des psychologues piagétiens!

Pour quelle raison en effet un enfant donne-t-il huit mois après une réponse "meilleure" que celle donnée une semaine après, alors que la tâche est la même? Pour quelle raison cette réponse "meilleure" s’inscrit-elle sur la même échelle de progression que celle que l’on rencontre dans les réponses au problème classique de sériation? Pour quelle raison la progression à laquelle le psychologue assiste présente-t-elle une direction qui va effectivement dans le sens d’une intervention de préopérations de plus en plus puissantes pour aboutir, finalement, à l’intervention manifeste du schème opératoire de sériation?

A ce jour, il n’est pas d’autres réponses que celle offerte par la théorie générale du développement cognitif élaborée par Piaget et ses plus collaborateurs. La vingtaine de problèmes créés pour étudier les rapports entre mémoire et intelligence chez l’enfant confirmera d’ailleurs les résultats de cette première recherche sur la mémoire d’une configuration ordinale, chaque solution obtenue pouvant par ailleurs apporter des informations supplémentaires précieuses pour une théorie qui, comme souvent chez Piaget, se construit au fil de l’analyse des réponses des sujets.

Illustrons ce dernier point par l’expérience de la mise en correspondance terme à terme de trois séries de jetons (fig. 54; il s’agit donc du problème classique de la conservation du nombre, mais adapté à l’étude de la mémoire: on demande aux enfants de bien regarder la configuration assez complexe et inhabituelle de jetons qu’on leur présente, et on leur pose par ailleurs la question classique de la conservation du nombre).