Fondation Jean Piaget

Le problème de la connaissance

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Présentation

Dès lors que l'on considère la connaissance en tant que processus et non en tant qu'état, le problème central de la connaissance est celui de son devenir, c'est-à-dire des processus permettant le passage d'une moindre connaissance à une autre jugée meilleure et plus efficace. Il s'agit alors de comprendre en quoi consiste ce devenir, de tenter de déterminer s'il obéit ou non avec une vection particulière et si oui, à laquelle. Il s'agit également d'identifier le rôle du sujet et celui de l'objet dans le processus même de l'accroissement des connaissances. Tel est précisément l'objet de l'épistémologie scientifique et partant génétique.

Piaget envisage le processus de l'accroissement des connaissances sous l'angle d'une construction ininterrompue conduisant de l'indifférenciation du sujet et de l'objet à leur différenciation croissante. Cette différenciation progressive va conduire simultanément à l'élaboration de la pensée (constructions au niveau du sujet) et à la connaissance du réel (constructions au niveau de l'objet). Elle se manifeste par le passage progressif d'un contact immédiat et superficiel avec l'objet à un contact de plus en plus médiatisé par les actions, d'abord pratiques puis intériorisées, servant à appréhender l'objet. Ce progrès dans la médiatisation des connaissances correspond à l'élaboration de nouveaux instruments logiques et déductifs permettant d'atteindre les caractères les plus profonds et par conséquent, les moins immédiats de l'objet ou de la réalité. Il se manifeste, tant au niveau de la psychogenèse qu’à celui de la sociogenèse, par un double mouvement d'intériorisation ou de conceptualisation des actions, solidaire d'un mouvement d'extériorisation ou d'objectivation du réel. Cela signifie que le sujet connaît d'autant mieux l'objet qu'il parvient à s'en distancier. Cette distanciation croissante du sujet par rapport à l'objet correspond au phénomène de décentration sur lequel insiste Piaget, c'est-à-dire au passage de l'égocentrisme et du phénoménisme à une objectivité accrue par la coordination des actions du sujet. C'est dans la perspective d'un constructivisme dialectique que Piaget interprète ce double mouvement d'intériorisation et d'extériorisation qui traduit à la fois l'évolution de la raison et la conquête de l'objectivité dans la compréhension et l'explication du réel.

Par ailleurs, il va de soi que, la connaissance constituant pour Piaget un processus et non un état, il ne saurait exister d'état final correspondant à son achèvement absolu. Par conséquent, aussi bien la conquête du réel que l'évolution de la raison constituent des processus sans fin, c'est-à-dire ne comportant ni commencement ni fin absolus. D'où l'idée centrale de constructivisme dans l'épistémologie piagétienne. C'est dans cette problématique générale du devenir des connaissances que s'inscrit l'étude psychogénétique de la formation (ou du développement) ontogénétique de l'intelligence qui constitue l'une des méthodes de l'épistémologie scientifique.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

Problème général de la connaissance
Toute connaissance, en effet, de quelque nature qu'elle soit, soulève le problème des relations entre le sujet et l'objet et ce problème donne lieu à de multiples solutions selon qu'on attribue cette connaissance au sujet seul, à une action de l'objet, ou à des interactions de diverses formes. Or le sujet étant un aspect de l'organisme et l'objet, un secteur quelconque du milieu, le problème de la connaissance correspond d'un tel point de vue aux problèmes des relations entre l'organisme et le milieu (...). B.C. p. 81
(...) ou bien l'objet s'impose tel quel au sujet jusqu'en ses structures logico-mathématiques (origine empirique […]); ou bien le sujet impose ses structures à l'objet en tant qu'elles constituent des cadres préalables à toute expérience (apriorisme kantien […]); ou bien le sujet et l'objet sont unis de façon indissociable dans le fonctionnement des actions et les structures logico-mathématiques sont à considérer comme l'expression de leurs coordinations les plus générales. B.C., p. 147.
(...) [le] problème le plus central pour la connaissance quoique le plus difficile au point de vue biologique (est) celui de l'adaptation ou de l'adéquation cognitive des structures héréditaires au milieu extérieur. B.C., p. 377.

Problème initial de la connaissance
D'une part, la connaissance ne procède en ses sources ni d'un sujet conscient de lui-même, ni d'objets déjà constitués (du point de vue du sujet) qui s'imposeraient à lui: elle résulterait d'interactions se produisant à mi-chemin entre les deux et relevant donc des deux à la fois, mais en raison d'une indifférenciation complète et non pas d'échanges entre formes distinctes.. D'autre part et par conséquent, s'il n'existe au début ni sujet, au sens épistémique du terme, ni objets conçus comme tels, ni surtout d'instruments invariants d'échange, le problème initial de la connaissance sera donc de construire de tels médiateurs: partant de la zone de contact entre le corps propre et les choses, ils s'engageront alors toujours plus avant dans les deux directions complémentaires de l'extérieur et de l'intérieur et c'est de cette double construction progressive que dépend l'élaboration solidaire du sujet et des objets. E.G. p. 12

Devenir de la connaissance
En effet, si toute connaissance est toujours en devenir et consiste à passer d'une moindre connaissance à un état plus complet et plus efficace, il est clair qu'il s'agit de comprendre ce devenir et de l'analyser le plus exactement possible. Or ce devenir ne se déroule pas au hasard mais constitue un développement, et comme il n'existe, en aucun domaine cognitif, de commencement absolu à un développement, celui-ci est à examiner dès les stades dits de formation (...). P.E., p. 13-14.

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La pensée biologique est aussi réaliste que la pensée mathématique est idéaliste. La déduction ne joue, en effet, qu’un rôle minimum dans la construction des connaissances biologiques, et cela dans la mesure où la réalité vivante est liée à une histoire. L’observation et l’expérimentation constituent ainsi les sources essentielles du savoir biologique et il ne vient à l’esprit d’aucun biologiste de considérer l’objet de ses recherches comme le produit de ses propres opérations mentales (sauf en ce qui concerne les coupures en partie conventionnelles de la classification).