Fondation Jean Piaget

L'objet des sciences

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Présentation

La relativité fondamentale du sujet et de l'objet dans la connaissance conduit Piaget à envisager des interdépendances étroites entre les sciences en fonction précisément de leur objet d'étude. En effet, dans la perspective constructiviste de l'épistémologie piagétienne, sujet et objet ne sont pas situés sur des plans différents mais sur un seul et même plan, puisque le sujet qui connaît prolonge l'organisme biologique, c'est-à-dire le sujet comme objet de connaissance. Par ailleurs, le sujet et l'objet s'élaborent en fonction l'un de l'autre. Ainsi, si par méthode une science se doit de délimiter son objet, il n'en demeure pas moins que cette interdépendance fondamentale du sujet et de l'objet dans la connaissance conduit à relier les unes aux autres les différentes sciences. Toutefois, selon qu'on considère l'objet d'une science ou les théories portant sur cet objet, ou encore la critique de ces théories, chaque science présentera différents niveaux de connaissances et les relations entre les différentes sciences seront de divers types selon les niveaux envisagés.

Piaget établit une distinction importante entre les sciences de l'objet matériel (y compris le sujet considéré comme objet) et les sciences relatives au sujet humain, en raison du type de liaison sur lequel elles reposent. Tandis que les premières font appel à des relations de causalité, les secondes recourent à l'implication, c'est-à-dire à des liaisons entre significations. Cette dichotomie du causal et de l'implicatif renvoie donc à la dualité de l'objet et du sujet, des connaissances physiques et des connaissances logico-mathématiques, qui exprime la bipolarité des connaissances liée à leur interaction. Par ailleurs, dans la mesure précisément où le sujet et l'objet sont intimement liés, le sujet se plongeant lui-même dans l'objet par l'intermédiaire de l'organisme biologique qui en est la source, il existe divers liens entre la causalité et l'implication. Ce sont ces liens qui définissent, pour Piaget, les divers types de relations entre les sciences (voir: Les types de relations entre les sciences).

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

Objets des sciences
(...) les sciences portent ou sur le monde extérieur ou objet physique ou sur le sujet psychologique et social, ou sur les instruments déductifs permettant au sujet d'assimiler les objets (logique et mathématiques) ou sur l'organisme qui fait partie du monde physique mais constitue la source ou le siège du sujet (biologie). La question est alors de savoir s'il s'agit de formes de connaissances indépendantes ou s'il y a là un vaste cercle qui exprime l'interdépendance dialectique du sujet et de l'objet. Or, aucune connaissance ne provient de l'objet seul, puisqu'il est toujours assimilé grâce à des schémas logico-mathématiques, ni du sujet seul puisque celui-ci ne se connaît qu'à travers les actions qu'il exerce sur les objets. La connaissance procède donc à partir d'une interaction indissociable entre le sujet et les objets et tend à s'en libérer par la double construction corrélative et complémentaire d'un univers objectif et d'instruments internes de déduction ou d'interprétation. L.C.S., p. 1179.

Sciences de l'objet matériel et des faits de conscience
Les sciences de l'objet matériel (physiques et biologiques) reposent sur la liaison essentielle de causalité, qui s'étend jusqu'aux parties de la psychologie portant sur les comportements. Par contre, (...) les faits de conscience ne relèvent pas de la causalité (faute de structure spatiale, de substance, de masses, de forces, d'énergies, de travail, etc., si l'on prend ces notions en leur acceptation authentique et métrique et non pas métaphorique): ils sont essentiellement caractérisés par le fait de comporter des «significations», et l'on ne peut pas dire qu'une signification soit cause d'une autre, car elle l'entraîne ou l'implique ce qui est tout différent. De même, un sentiment, une valeur, une obligation, etc., ne sont pas des causes en tant qu'état de conscience, mais ils entraînent d'autres sentiments ou valeurs par une sorte d'implication entre valeurs (...). Nous dirons donc que les faits de conscience relèvent d'une implication au sens large, dont les diverses formes d'implication logique (p ⇒ q etc.) sont des cas particuliers. Notons d'emblée que l'ensemble des sciences logiques et mathématiques ignorent également la causalité (...): elles reposent tout entières sur des relations d'implication, ce qui est déjà une raison suffisante pour soupçonner qu'elles présentent des attaches avec le sujet! L.C.S., p. 1181

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[…] une opération est essentiellement une action réversible, puisqu’à une opération donnée (comme +A ou +1) on peut toujours faire correspondre son inverse (–A ou –1): c’est cette réversibilité qui fait comprendre à l’enfant la conservation d’une quantité ou d’un ensemble en cas de modification de leur disposition spatiale, puisque, quand cette modification est conçue comme réversible, cela signifie qu’elle laisse invariante la quantité en question.

J. Piaget, Problèmes de psychologie génétique, 1964, (1ère publication en russe, en 1956), in Six études de psychologie, p. 149