Fondation Jean Piaget

La constitution des notion cinématiques et mécaniques



La constitution des notions cinématiques et dynamiques illustre bien, pour Piaget, le caractère mobile de la frontière entre le physique et le mathématique, puisqu’elle procède d’une interaction indissociable entre le sujet et l’objet au sein de laquelle les éléments subjectifs et objectifs demeurent initialement indifférenciés pour ne se dissocier que secondairement. Alors que se constitue graduellement un espace mathématique, distinct de l’espace physique, les notions de temps, de vitesse, de force et de mouvement, bien qu’elles supposent une élaboration déductive, constituent des notions de caractère physique liées à des actions particulières si bien qu’elles font toujours intervenir une part liée au sujet et une part due aux objets. Autrement dit, tout en faisant appel aux actions du sujet et à leur coordination, elles ne relèvent pas exclusivement de celles-ci, mais impliquent l’intervention de l’expérience et de l’objet. Naissant de l’action exercée par le sujet sur les objets, les notions physiques élémentaires se caractérisent par leur égocentrisme initial qui rend particulièrement difficile la distinction entre ce qui relève du sujet et ce qui appartient à l’objet. La différenciation des aspects physiques et logico-mathématique de l’action va donc s’effectuer graduellement et c’est pourquoi les premières notions cinématiques et dynamiques se traduisent par des intuitions globales et indifférenciées où interviennent autant les composantes psychomorphiques et spatiales de l’action que l’action au sens physique du terme.

Piaget distingue deux types de concepts utilisés par la physique : les notions composées à partir de notions plus élémentaires ou supposées plus simples (ex : la vitesse par rapport à la durée et à l’espace parcouru ou encore la force par rapport à la masse et à l’accélération) et les notions composantes dont on suppose qu’elles sont données antérieurement aux précédentes. Il constate néanmoins que d’un point de vue psychogénétique les notions apparemment composées sont plus primitives dans la mesure où elles correspondent justement à des intuitions indifférenciées alors que leur composantes résultent d’une différenciation et d’une coordination s’effectuant graduellement à partir des premières. Pour que ces intuitions initiales puissent se constituer à titre de notions physiques, une différenciation devra en effet s’opérer entre les coordinations générales de l’action (espace géométrique) et les actions spécialisées relatives aux objets ou à leurs propriétés (régulation des vitesses et coordinations temporelles). Les notions de temps, de mouvement, de vitesse et de force, initialement liées à une action insuffisamment décentrée, ne deviennent donc rationnelles qu’en éliminant la finalité initiale et le sentiment de l’effort liés à leur prise de conscience incomplète. Nées de l’action propre, elles sont d’abord conditionnées par l’égocentrisme initial de cette action et ce n’est que graduellement, par un processus de prise de conscience de l’action et de décentration, que va s’effectuer leur mise en relation opératoire.

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[…] les notions mathématiques commencent par être indifférenciées des notions physiques […]. Il en résulte que les notions mathématiques procèdent d’une abstraction à partir de l’action, abstraction due à une prise de conscience progressive des coordinations comme telles et que provoque la différenciation croissante entre elles et les actions physiques particulières qu’elles coordonnent. Réciproquement, nous voyons […] cette même différenciation aboutir à dissocier graduellement les notions physiques de vitesse et de temps des coordinations spatiales qui les dominent d’abord avec excès et de façon déformante, puis les coordonnent simplement dans la suite.