La construction du réel chez l'enfant – Observation 158

[p.258] A 1;8 (11), Jacqueline apercevant de sa fenêtre des brouillards au flanc des montagnes dit «Brouillard fumée papa». Le lendemain, en face du même spectacle, elle dit «Brouillard papa». Les jours suivants, [p.259] en me regardant fumer la pipe elle dit «Fumée papa». Il me paraît donc difficile de ne pas traduire les premiers de ces propos par une relation causale pouvant se formuler comme suit: «C'est papa qui a produit ces brouillards avec sa pipe» ou plus prudemment: «Il y a dans ces brouillards quelque chose qui s'apparente à la fumée que fait papa avec sa pipe». Comme les jours suivants, jusque vers 1;9 (10), Jacqueline a constamment répété «Nuages papa» en présence des nuages eux-mêmes, la première interprétation nous paraît la plus probable. Mais, quoi qu'il en soit de cet artificialisme, sur lequel nous n'avons pas à insister ici, il semble évident que de tels propos impliquent un effort de représentation causale, c'est-à-dire de reconstitution mentale d'une causalité non immédiatement donnée dans le champ de la perception. C'est sur ce point seulement que nous voulions insister.