La formation du symbole chez l'enfant – Observation 60

[p.97] Il suffit de relire les obs. 94 à 104 du vol. N. I. pour trouver tous les exemples voulus de passage de l'assimilation propre aux réactions secondaires à l'assimilation pure caractéristique du jeu proprement dit. Ainsi, dans l'obs. 94, L. découvre la possibilité de faire balancer les objets suspendus au toit de son berceau. Au début, entre 0;3 (6) et 0;3 (16) elle étudie le phénomène sans sourire, ou souriant légèrement, mais avec une mimique d'intérêt attentif, comme si elle étudiait le phénomène. Dans la suite, au contraire, à partir de 0;4 environ, elle ne se livre plus à cette activité, qui a duré jusque vers 0;8 et même au-delà, qu'avec une mimique de joie exubérante et de puissance. En d'autres termes, l'assimilation ne s'accompagne plus d'accommodation actuelle et ne consiste donc plus en un effort de compréhension: il y a simplement assimilation à l'activité propre, c'est-à-dire utilisation du phénomène pour le plaisir d'agir, ce en quoi consiste le jeu.

On pourrait répéter ces remarques à propos de chacune des réactions circulaires secondaires. Mais il est plus curieux de noter que même les «procédés pour faire durer un spectacle intéressant», c'est-à-dire les conduites résultant d'une généralisation des schèmes secondaires (N. I., obs. 110-118) donnent lieu à une activité proprement ludique. En effet, des gestes tels que se cambrer pour conserver un tableau visuel ou un son, d'abord exécutés avec un grand sérieux et une attente presque anxieuse du résultat, sont ensuite employés en toute occasion et presque «pour rire». Non seulement, lorsque le procédé réussit, l'enfant l'utilise avec le même «plaisir d'être cause» que dans les réactions circulaires simples, mais encore il semble que, là où le procédé échoue aux yeux mêmes du sujet, celui-ci finisse par répéter le geste sans y croire et simplement pour s'amuser. Il ne faut pas confondre cet acte avec les gestes de récognition sensori-motrice dont nous avons parlé antérieurement (N. I., obs. 107): la mimique de l'enfant suffit à montrer s'il joue ou s'il cherche à reconnaître l'objet.