Henri Bergson (1859-1941). Philosophe français

Bergson a suivi la carrière classique d’un universitaire français: agrégé de philosophie en 1881, docteur ès lettres en 1889, professeur dans différents lycées de France avant d’enseigner à l’École Normale Supérieure en 1898, puis au Collège de France en 1900. Elu à l’Académie Française en 1914, le prix Nobel de littérature vient couronner ce trajet en 1928.

Auteur français le plus connu du début du vingtième siècle, Bergson a établi sa conception philosophique à partir d’une critique des sciences psychologiques et biologiques. Dans sa thèse sur les "données immédiates de la conscience", il réfute clairement l’associationnisme de son époque en affirmant que la vie intérieure ne peut pas être considérée comme une composition faite d’éléments discrets. Il ne peut y avoir d’états de conscience radicalement séparés. Le "courant de conscience" est incommensurable et ne peut être appréhendé que par un démarche intuitive – une "intuition métaphysique" - qui s’oppose à l’intelligence de façon radicale. L’intuition, ou l’instinct chez l’animal, peut saisir le temps de la conscience au contraire de l’intelligence statique qui selon lui immobilise l’objet. L’intuition de la durée est le point central de sa philosophie.

Bergson a profondément marqué Piaget dans les années où celui-ci a élaboré un programme de recherche qui sous-tendra la totalité de son œuvre. La lecture de "L’évolution créatrice" de Bergson que Piaget a faite vers l’âge de seize ans lui a permis à celui-ci de se passionner pour la philosophie comme il s’était passionné pour la biologie. Il trouvera chez Bergson non seulement une notion très riche, bien que non scientifique, de la vie, mais aussi un rapprochement entre les problèmes de l’évolution des connaissances et de l’évolution du vivant.

On retrouve la trace de l’influence du philosophe dans plusieurs conceptions piagétiennes, dont celles qui opposent l’instinct et l’intelligence, ou la mémoire-habitude et la mémoire-souvenir. L’analyse directe ("introspective") des "données immédiates de la conscience" réalisée par Bergson l’a conduit à une conception proche de celle développée à peu près dans les mêmes années par les créateurs de la "Gestaltpsychologie". Piaget a donc pu très tôt se faire une idée des faits de conscience comme étant des totalités originales comparativement aux phénomènes physiques. Pourtant, exception faite peut-être de la toute première prise de contact avec l’œuvre de Bergson, Piaget n’a jamais suivi le philosophe français dans l’interprétation antiscientifique qu’il proposait des phénomènes biologiques autant que psychologiques, ni adopté ses hypothèses créationnistes (la vie et la conscience comme "durée créatrice"). C’est comme "biologiste en herbe" qu’il a dès le départ abordé les faits psychologiques, et il ne dérogera jamais à cette approche, tout en évitant soigneusement toute réduction appauvrissante du psychologique au biologique. A la différence du créationnisme de Bergson, le constructivisme de Piaget est compatible avec l’approche scientifique des phénomènes vivants en général, psychologiques en particulier.

Quatre livres majeurs résument l’essentiel de l’oeuvre de Bergson. Sa thèse sur "Les données immédiates de la conscience" (1889), "Matière et mémoire" (1896), "L’évolution créatrice" (1907) et "Les deux sources de la morale et de la religion" (1932).

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