Kurt Gödel (1906-1978). Mathématicien et philosophe austro-hongrois puis américain

Professeur à l’Institute for Advanced Studies de Princeton à partir de 1953, Gödel a profondément marqué la notion de réalité mathématique en démontrant deux théorèmes fondamentaux qui, simultanément, limitent la toute puissance accordée dans le passé à la mathématique comme branche sur laquelle tout l’édifice des sciences rationnelles était supposé pouvoir se fonder de manière définitive, et lui ouvrent des perspectives nouvelles en y insufflant l’idée d’une construction future illimitée de systèmes mathématiques de plus en plus puissants.

La mathématique était dans le passé conçue comme la science des vérités éternelles; cette idée subsiste, mais à condition de relativiser la portée des vérités acquises à chaque étape de construction de la réalité mathématique, et surtout à condition de compléter l’idée d’éternité ou plutôt d’atemporalité liée à la notion de mathématique par une idée de création continue qui dépasse de loin ce que les anciens mathématiciens et philosophes (Kant inclus) pouvaient imaginer, puisque cette création porte sur le fondement même sur lequel sont basées les vérités reconnues de la mathématique.

Les deux théorèmes qui ont bouleversé la conception de la mathématique portent sur l’incomplétude des systèmes mathématiques (hormis les plus élémentaires, qui ne suffisent pas à fonder l’arithmétique), et sur l’impossibilité de prouver la consistance de ces systèmes (dont l’arithmétique), sauf en utilisant des systèmes plus puissants, qu’il s’agit dès lors de créer (ou de découvrir), et dont la consistance ne peut alors à son tour être prouvée que par la découverte de systèmes encore plus puissants, et ainsi de suite.

Il est évident que Piaget trouvera dans les résultats de Gödel un soutien majeur à la théorie constructiviste de la connaissance qu’il développait par ailleurs en étudiant la genèse des notions scientifiques chez l’enfant et l’adolescent. Gödel apporte une sorte de confirmation mathématique à la thèse constructiviste (notons pourtant, sans nous y arrêter, que la découverte de Gödel n’invalide pas forcément une conception platonicienne des mathématiques). Le psychologue généticien apporte de son côté des éclaircissements sur les processus par lesquels la pensée de l’enfant et de l’adolescent, sinon la pensée du mathématicien professionnel actuel, construit de nouveaux êtres mathématiques (comme le système des opérations numériques à partir des systèmes opératoires agissant les uns sur les classes, et les autres sur les relations logiques asymétriques). Les deux démarches sont complémentaires et essentielles pour toute théorie de l’intelligence et de la connaissance.

Les deux théorèmes de Gödel sont exposés, et le premier formellement démontré, dans un article paru en 1931: "Über formal unentscheidbare Sätze der Principia Mathematica und verwandter Systeme I".

Liens URL:
http://kgs.logic.at/index.php?id=23
http://www-history.mcs.st-andrews.ac.uk/Mathematicians/Godel.html

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