Fondation Jean Piaget

Présentation approfondie

Hans Kelsen (1881-1973)

Juriste et philosophe du droit, enseignant à l’institut des hautes études internationales de Genève dès le milieu des années trente, puis à l’université de Harvard, Kelsen est l’auteur d’une théorie pure du droit qui est l’une des plus importantes contributions de ce siècle à la science juridique. Les normes, les lois, les obligations, les sanctions juridiques, etc., sont des faits normatifs autonomes par rapport aux objets des autres sciences, la morale comprise. L’étude de ces faits relève ainsi d’une science du droit appartenant certes aux sciences sociales, mais qui est libre de toute soumission par rapport aux autres disciplines.

Contrairement aux objets des sciences naturelles, dont les relations relèvent de la causalité, les faits normatifs étudiés par le droit sont produits par des actes juridiques libres. Les liens qui les relient les uns aux autres (par exemple un acte illicite et sa sanction) ne relèvent pas de la causalité, mais de ce que Kelsen appelle l’imputation. Les différents droits que le savant peut étudier étant le produit d’actes juridiques, se pose le problème de leur fondement, ou de la source ultime de ces actes. Pour Kelsen, dans nos sociétés modernes, cette source est l’Etat, considéré comme point d’imputation et comme personnalité juridique, ainsi que ceux qui, par leur fonction au sein de cet Etat, ont pouvoir de créer le droit (dans les sociétés anciennes, la source du droit est la société toute entière, qui délègue à chacun de ces membres ce pouvoir de création).

Ce bref résumé permet de comprendre en quoi Piaget et Kelsen sont proches, et en quoi ils s’opposent. Piaget trouve auprès de Kelsen une confirmation de l’attitude méthodologique qui consiste à considérer les normes comme pouvant être l’objet d’une étude positive, qui n’a pas pour but de les fonder, mais d’étudier leur fondement ou leur genèse. La distinction établie par Kelsen entre le domaine de la causalité et le domaine de l’imputation conforte également l’opposition que Piaget voit entre le domaine de la causalité et celui de l’implication logique. Mais Piaget se refuse à introduire des frontières tranchées entre les sciences, et à opposer les sciences sociales et morales aux sciences naturelles (en particulier la biologie). C’est ce qui lui permet d’éviter de suspendre dans le vide la logique, le droit ou la morale.

Parmi les ouvrages de Kelsen mentionnons sa "Théorie pure du droit" (1934; la première édition a été traduite en français en 1953, la seconde, en 1962).