schème
"Un schème est la structure ou l'organisation des actions telles qu'elles se transfèrent ou se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances semblables ou analogues" (La psychologie de l’enfant, p. 11).
"Le schème d'une action n'est ni perceptible (on perçoit une action particulière mais non pas son schème) ni directement introspectible et l'on ne prend conscience de ses implications qu'en répétant l'action et en comparant ses résultats successifs" (Etudes d’épistémologie génétique, volume 14, p. 251).
"Nous appelons schèmes sensori-moteurs les organisations sensori-motrices susceptibles d'application à un ensemble de situations analogues et témoignant ainsi d'assimilations reproductrices (répétition de mêmes activités), récognitives (reconnaître les objets en leur attribuant une signification en fonction du schème) et généralisatrices (avec différenciations en fonction de situations nouvelles)" (Etudes d’épistémologie génétique, volume 2, p. 46).

La notion de schème, que l'on trouve déjà chez Kant et chez Bergson, est l'une des plus importantes de la conception piagétienne des activités psychologiques. Elle est riche de significations que les esquisses de définition proposées en divers ouvrages de l'oeuvre de Piaget n'expriment pas complètement.

La définition la plus simple, mais aussi la plus réductrice, est celle identifiant le schème au “canevas des actions répétables”, ou à “l’ensemble structuré des caractères généralisables d’une action”, ou enfin, selon Apostel, Mays, Morf et Piaget , “la structure commune qui caractérise une classe d’actions équivalentes” (ces formules sont extraites du dictionnaire d’épistémologie génétique de A. Battro, sous l’article "schème"). Cette première définition rapproche le schème de la notion informatique d’organigramme. Elle permet de capturer l’ordre logico-mathématique inhérent à toute activité psychologique, mais elle laisse échapper la dimension biologique ou cybernétique des entités visées par Piaget dans ses diverses recherches.

Le schème est en effet non seulement une structure, mais aussi un organe réalisant des transformations matérielles et logico-mathématiques finalisées sur les objets de sa “niche écologique”. Pour prendre un exemple dans la classe des conduites sensori-motrices, le schème de la succion est la totalité psycho-biologique organisée qui permet à un enfant de s’alimenter physiquement au début de sa vie. Outre son incorporation biologique, ce schème, comme tout autre, comprend aussi bien des savoir-faire que des savoirs, une dimension motivationnelle et affective, qu’une dimension cognitive.

La psychologie génétique a mis en lumière un grand nombre de schèmes accomplissant des fonctions variées (organisation de l’univers de l’action, organisation de l’univers de la pensée, organisation des relations interpersonnelles, schèmes de contrôle ou de régulation, etc.). A ce jour il n’existe pourtant que des ébauches d’une systématique raisonnée de ces entités et d’établissement d’une théorie des schèmes. Piaget a par exemple montré comment, lors de son fonctionnement, un schème tend à assimiler les éléments de son milieu en leur fournissant du même coup leur signification fonctionnelle, et s’adapte ou s’accommode à leurs particularités. Dans son étude de 1936 sur la naissance de l’intelligence, il a également montré comment des schèmes peuvent se différencier, généraliser leur champ d’application, se coordonner en des organes supérieurs d’assimilation et de transformation matérielles et logiques des objets auxquels ils s’appliquent, etc. Mais il reste beaucoup à faire pour que nous ayons une idée plus exhaustive et précise de l’organisation d’ensemble des schèmes propres aux êtres vivants, autant aux différentes étapes de l’évolution des espèces qu’aux différentes étapes de développement des individus de ces espèces.


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