Fondation Jean Piaget

Niveau 2: des souvenirs-images "préopératoires"

Le souvenir d’une sériation
Le souvenir d’une correspondance terme à terme


Le souvenir d’une sériation

Les réponses des enfants du deuxième stade (de cinq à six ans environ) au problème de la sériation (fig. 53) confirment dans les grandes lignes le parallélisme entre la progression dans la tâche de reconstruction du souvenir-image et le développement des capacités opératoires correspondantes. Voyons d’abord ce qui se passe une semaine après la mise en présence de la série à reconstruire.

Le sujet de ce stade dessine généralement une série de couples ou de trios (conduite plus avancée), ou bien encore il dessine plusieurs bâtons de même grandeur d’un côté, et plusieurs petits de l’autre, etc. Lorsqu’on lui pose ensuite le problème classique de sériation des baguettes, il procède là encore en plaçant des couples composés chacun d’un petit et d’un grand bâton l’un à côté de l’autre. Le parallélisme est ainsi complet, sauf chez certains enfants qui donnent des dessins montrant une avance plus ou moins grande du dessin par rapport au stade atteint au problème de sériation.

Cette avance du dessin sur la sériation effective des baguettes ne surprend pas Piaget et Inhelder, qui avaient déjà montré dans de précédentes recherches qu’il est plus facile de construire par le dessin des traits de plus en plus grands que de sérier effectivement des baguettes (dans le second cas, il faut recourir soit à des tâtonnements, soit à la notion opératoire selon laquelle une baguette peut être à la fois plus grande qu’une seconde, et plus petite qu’une troisième).

Par le recours probable à une image anticipatrice, intériorisation de l’activité d’aligner des traits dessinés, cette réussite précoce trouvée chez quelques sujets confirme elle aussi «le rôle de l’action dans l’image-souvenir» (JP68a, p. 47).

Pour illustrer ce que devient le souvenir lorsque l’on interroge les enfants plusieurs semaines après, observons les réponses des enfants dans une seconde recherche portant sur la mémoire d’une configuration de type sériation (la configuration initiale montrée aux enfants est une série en M de baguettes: fig. 55).

Les réponses obtenues confirment le résultat le plus marquant de cette étude sur la mémoire: le progrès que l’on constate chez des enfants lorsqu’on les interroge plusieurs semaines après leur perception des baguettes disposées en M. Tous les résultats convergent en montrant que, lors de la troisième séance, lorsque les dessins ne sont plus de même niveau que celui observé lors de la deuxième séance, ils présentent toujours des modifications qui les font classer à un stade supérieur.

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Le souvenir d’une correspondance terme à terme

En ce qui concerne la situation de remémoration de collections égales en nombre de jetons numériques (fig. 54), mais différentes de par la distribution spatiale des jetons, on retrouve le retard de l’image-souvenir par rapport au niveau préopératoire des sujets observé lors du premier stade.

Sur le plan du développement de l’intelligence ils affirment en effet la conservation de la quotité mais pas encore celle de la quantité, ce qui est une conduite typique du troisième stade: lorsqu’on écarte une rangée d’oeufs, il y a selon eux toujours le même "nombre", mais plus la même quantité d’oeufs.

Par contre sur le plan du souvenir-image, leur sensibilité à la dimension numérique du problème leur fait produire des dessins qui privilégient les procédés figuraux utilisés au second stade du problème de l’égalisation des collections: ils répartissent approximativement des jetons entre les deux extrémités de chaque rangée supposée correspondre à la rangée initiale.

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[…] La fécondité du raisonnement mathématique dépasse sans commune mesure celle du raisonnement logique pour cette raison bien simple qu’au lieu d’emboîter sans plus la partie dans le tout ou de ne relier les parties entre elles que par complémentarité ou intersection (celle-ci étant à nouveau une inclusion), le raisonnement mathématique construit un ensemble toujours plus riche de relations entre les parties, considérées en elles-mêmes et sans passer par l’intermédiaire du tout.