Fondation Jean Piaget

Conclusion générale


Mise en perspective par rapport à l’évolution générale des idées de la science et de la philosophie occidentales, l’oeuvre de Piaget révèle deux apports majeurs, qui relèvent, l’un de la théorie, et l’autre de la méthode.

Deux apports majeurs de l’oeuvre

La première contribution est le constructivisme épistémologique, qui apporte sur le plan des connaissances et de leur évolution une vision et une conception d’ensemble aussi riches et novatrices que celle que les naturalistes du dix-neuvième siècle (Lamarck, Darwin, etc.) ont acquises sur le plan de l’évolution du vivant.

Mais cette première contribution ne vaudrait pas à Piaget de rejoindre les trois ou quatre grands esprits (Platon, Aristote, Kant...) qui ont marqué l’histoire des théories de la connaissance, s’il n’avait par ailleurs – et c’est le second apport majeur – été l’inventeur d’une méthode apte à répondre empiriquement, et non plus seulement théoriquement, aux grandes questions sur la nature (la composition), l’origine et la signification des catégories et des conduites par lesquelles l’être humain organise et comprend le monde: la méthode génétique (que, par souci de précision, il vaudrait peut-être mieux qualifié de "génético-critique").

Cette méthode, dont l’entretien critique est un moment clé, s’inscrit certes en prolongement de la méthode logico-critique d’analyse de la connaissance et de la méthode historico-critique qui l’a complétée. Mais, par l’appui qu’elle prend sur la psychologie génétique et sur l’axiomatisation logique, elle apporte à ces approches l’élément leur permettant de tendre à l’objectivité scientifique.

C’est en analysant les réponses d’enfants de différents âges à des problèmes cognitifs basiques que l’on découvre non seulement les compétences intellectuelles des enfants, mais aussi les connaissances générales qui organisent leurs conduites et ordonnent le monde connu. Or ces connaissances se confondent précisément, pour une large part, avec les grandes catégories épistémiques, que les philosophes et savants avaient peu à peu amenées au jour par leurs analyses réflexives et logiques de l’esprit humain, tel qu’il se manifeste aussi bien dans la pensée commune que dans la pensée scientifique. Du même coup, c’est aux questions les plus centrales de l’épistémologie auxquelles cette méthode apporte de précieux éléments de réponses.

En définitive, créé par Piaget dans les années vingt, puis développé avec ses plus proches collaborateurs dans les années trente et quarante, l’art d’observer et d’interroger les enfants (voir les films annexes) repose sur le talent du psychologue à dialoguer avec l’enfant, mais aussi sur la perspicacité épistémologique acquise en assimilant les travaux de philosophie et d’histoire des sciences.

Cette assimilation réciproque de l’art de l’entretien clinique, de la méthode génétique empruntée à la biologie et des savoirs les plus avancés acquis par les sciences, définit la méthode génético-critique grâce à laquelle Piaget a considérablement approfondi notre compréhension de la science et, plus généralement, de la raison humaine ().

Directions futures de l’épistémologie génétique

Dans quelle direction l’oeuvre laissée par Piaget est-elle appelée à se développer dans le futur proche?

Peut-être dans la direction d’une analyse toujours plus fouillée et élargie des catégories intellectuelles plus ou moins générales grâce auxquelles l’esprit humain perçoit et conçoit l’univers qui l’abrite et dont il provient. Mais aussi dans une direction, que Piaget a lui-même commencé à défricher dans la dernière décennie de son existence: une meilleure compréhension des mécanismes généraux de construction cognitive.

A ces deux orientations, qui s’inscrivent très directement dans le prolongement de l’oeuvre, on peut ajouter une troisième, dont Bärbel Inhelder et Guy Cellérier ont tracé l’esquisse dès la fin des années septante: le constructivisme psychologique, complémentaire du constructivisme épistémologique de Piaget (Inhelder, Cellérier et coll., Le cheminement des découvertes chez l’enfant, 1992).

En complétant les analyses principalement génétiques et structurales des conduites et des connaissances, l’analyse du fonctionnement en situation plus naturelle (c’est-à-dire moins "épistémologiquement épurée") de l’intelligence humaine a pour but premier le développement d’une théorie de l’organisation et du fonctionnement des schèmes. Le sujet épistémique est en effet incorporé dans l’activité de sujets psychologiques qui n’ont généralement pas pour but de construire les catégories générales de l’entendement, ce qu’ils réalisent pourtant dans les faits, comme l’ont montré les recherches classiques de psychologie et d’épistémologie génétiques.

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Pour en savoir plus

[Bibliographie à compléter...]

J.-M. Barrelet et A.-N. Perret-Clermont, 1996, Jean Piaget et Neuchâtel. Lausanne: Éditions Payot.

J.-J. Ducret, 1984, Jean Piaget, savant et philosophe: les années de formation. Etude sur la formation des connaissances et du sujet de la connaissance. Librairie Droz, Genève, 2 volumes.

J.-J. Ducret, 1984, Jean Piaget, savant et philosophe: les années de formation. Etude sur la formation des connaissances et du sujet de la connaissance. Librairie Droz, Genève, 2 volumes.

J.-J. Ducret, 2000, Jean Piaget 1968-1979: Une décennie de recherches sur les mécanismes de construction cognitive. (Genève, Service de la recherche en éducation, Cahier 7, 539p.)

J.-J. Ducret, 1990, Jean Piaget, Biographie et parcours intellectuel. Neuchâtel et Paris: Delachaux- Niestlé.

G. Henriques et al. (2004), La formation des raisons. Étude sur l'épistémogenèse. Sprimont (Belgique): Pierre Mardaga.

J. Montangero et D. Maurice-Naville, D. (1994). Piaget ou l'intelligence en marche. Liège, Mardaga.

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[…] le principe de parallélisme psycho-physiologique […] constitue […] un instrument de collaboration entre deux méthodes de pensée, ou deux langages à traduire l’un dans l’autre : le langage idéaliste de la réduction du réel aux jugements et aux valeurs de la conscience, et le langage réaliste de l’explication de l’esprit par la physiologie.