Fondation Jean Piaget

Les domaines de l'épistémologie génétique


Piaget a réalisé deux grands groupes de travaux en épistémologie:
    – le premier, plus technique, plus rigoureusement basé sur une méthodologie scientifique, relève de l’épistémologie génétique;

    – le second, plus philosophique, concerne l’épistémologie générale, ou, en langage plus technique, ce que Piaget a appelé l’épistémologie interne et l’épistémologie dérivée (JP67b, pp. 1172 et suivantes).
L’épistémologie des notions

Les recherches d’épistémologie génétique consistent à utiliser la méthode psychogénétique ou la méthode historique pour résoudre des problèmes épistémologiques liés à des notions particulières des différentes sciences étudiées. Les sciences qui ont fait l’objet de ces recherches sont la logique, la mathématique et la physique.

Sur le terrain de la mathématique, deux sous-domaines principaux de recherche se dégagent, l’un portant sur les notions spatiales, l’autre sur les notions numériques. Il faut noter que la coupure introduite entre les domaines n’est pas radicale. L’espace et le temps illustrent ce point.
    L’espace est en effet l’objet privilégié d’étude de la géométrie, qui elle-même se rattache à la mathématique. Mais d’un autre côté, depuis la révolution qu’a connu la physique au début du siècle, la notion d’espace est aussi devenue un objet de la physique, ce qui a modifié le statut de la géométrie; celle-ci est devenue au moins en partie une science se développant sur le terrain de la physique.

    Quant au temps, il constitue aujourd’hui, comme l’espace, un objet d’étude de la physique. Mais par ailleurs il implique une dimension psychologique importante. Cette difficulté de séparer les différentes sciences comporte elle-même une signification épistémologique que Piaget clarifie dans certaines études relevant du deuxième groupe de travaux.
Pour chacune des grandes disciplines qui font l’objet de recherches d’épistémologie génétique Piaget tire de l’étude génétique de ses notions des conclusions par rapport aux problèmes généraux qui ont classiquement été soulevés à son propos.

Par exemple l’étude du nombre lui permet d’apporter une solution nouvelle au problème de l’origine de la pensée mathématique. De même l’étude tant psychogénétique qu’historique de la notion d’espace le conduit-elle à formuler des thèses originales sur le statut particulier de la connaissance géométrique par rapport au problème des relations sujet-objet.

Les problèmes plus généraux

Si Piaget a consacré l’essentiel de ses efforts à la résolution de problèmes d’épistémologie génétique des notions, il n’en a pas pour autant abandonné son goût des problèmes les plus généraux.
    Parmi eux il y a d’abord ceux qui relèvent de l’épistémologie interne aux sciences qu’il pratique, notamment la psychologie et la biologie, mais aussi bien sûr l’épistémologie génétique, dont il convenait de décrire l’objet et les méthodes, ainsi que de classer les solutions possibles par rapport à la question centrale de l’origine et de l’acquisition des connaissances.

    Mais il y a aussi la part consacrée à des problèmes qui englobent la totalité des sciences et qui relèvent de l’épistémologie dérivée. Deux problèmes le retiendront tout spécialement, celui de la classification des sciences et celui, voisin, de leurs relations.
L’étude de ces problèmes l’a conduit à formuler la thèse de l’existence d’un cercle des sciences, qui lui-même repose sur l’existence d’un cercle sujet-objet dans lequel reste nécessairement enfermée la connaissance humaine (le sujet ne se connaît qu’en agissant sur les choses; et celles-ci ne sont connues que par leur assimilation par le sujet).

Bien que la part de la réflexion n’ait pas été négligeable dans les solutions apportées aux problèmes généraux, Piaget s’est constamment efforcé de relier ces solutions à celles apportées aux problèmes plus particuliers de l’épistémologie génétique.

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[…] si la vérité de 2 + 2 = 4 est impensable, en tant que vérité, en dehors de la conscience du mathématicien (fût-il âgé de 7 ans), il faut bien, pour qu’il reconnaisse cette nécessité, qu’un jeu de connexions neuroniques rende son activité consciente possible ; et le problème se retrouve à tous les niveaux où interviennent des états de conscience, de la perception à la pensée la plus abstraite.