Fondation Jean Piaget

Fonction sémiotique


Si, sur le terrain de la psychologie génétique, Piaget a pris comme objet premier d’étude l’intelligence et les connaissances de l’enfant, il n’en a pas moins réalisé des recherches importantes sur des dimensions de la vie psychologique nécessaires au fonctionnement cognitif, et notamment sur différentes formes de la fonction sémiotique.

Un essai de définition

Par fonction sémiotique on peut, en psychologie génétique et en première approximation, entendre l’ensemble des processus constitutifs de signes d’une réalité appartenant ou non au champ perceptif actuel, ou qui permettent au sujet de se représenter cette réalité.

Plus précisément, l’étude de la genèse des différentes formes de cette fonction (du signal et de l’indice, présents dès les premiers mois de la vie postnatale, voire même avant, jusqu’aux symboles et aux signes les plus élaborés qu’un sujet peut créer pour concevoir ou se représenter une réalité absente ou imaginaire) nécessite de distinguer entre un usage large de la notion de fonction sémiotique, et un usage étroit, qui cerne de plus près la réalité psychologique.

Au sens large, on peut parler de fonction sémiotique dès que l’on détecte l’usage de signaux ou d’indices dans le fonctionnement des organisations biologiques.

Très tôt en effet le bébé utilise des parties de la réalité perçue pour signifier la totalité de cette réalité (la vision d’un morceau "représente" la totalité de la pomme), ou pour déclencher des comportements lors desquels d’autres composantes du réel seront alors considérées (comme dans le cas du réflexe conditionné).

L’usage plus strict de cette notion limite cette application aux seuls cas où la fonction sémiotique repose sur des conduites ou des schèmes spécialisés, qui la réalisent. La fonction sémiotique n’est présente, en ce sens, que là où le bébé utilise des procédés qui lui permettent de représenter une réalité qu’il sait par ailleurs être absente. C’est ce second sens que Piaget a privilégié dans ses travaux.

Le problème génétique

Il faut souligner l’importance de la distinction précédente, essentielle pour toute explication génétique des compétences représentatives que manifeste la pensée humaine. Ne pas le faire, c’est passer à côté de la question génétique.

Il faut également souligner que cette distinction n’implique pas que la fonction sémiotique, entendue dans son sens le plus strict, soit le résultat d’une psychogenèse qui démarre dans les mois qui suivent la naissance d’un enfant.

Il se pourrait très bien que des "organes" de représentation psychologique aient en effet été créés lors des dernières étapes du processus phylogénétique qui a conduit à l’hominisation des primates (en d’autres termes, la fonction psychologique de représentation pourrait être innée).

Selon les travaux de Piaget sur la naissance et le développement de la fonction sémiotique, cette hypothèse, qui déléguerait à la biologie de l’évolution et à l’anthropologie biologiques la charge de l’explication génétique, n’est pourtant nullement nécessaire.

Les recherches réalisées par Piaget sur la fonction sémiotique (psychologique) sont doubles.
    D’un côté se trouvent les études ayant pour objet central la naissance de cette fonction, et que nous avons considérées en résumant les travaux sur le développement de l’intelligence sensori-motrice à laquelle elle est intimement liée (JP45).

    De l’autre côté se trouvent les travaux, non plus sur la naissance de la fonction générale de représentation, mais sur la genèse des capacités des enfants de maîtriser les caractéristiques transformationnelles de deux instruments de la pensée représentative: l’image mentale et le langage.
Précisons d’ailleurs d’emblée que, exception faite de quelques travaux effectués au début de sa carrière de psychologue, les études sur le langage n’ont pas été réalisées directement par Piaget, mais par plusieurs de ses collaborateurs, dont H. Sinclair.

La leçon principale des études sur la naissance de la fonction symbolique, puis sur l’image mentale, est le lien qu’elles révèlent entre les progrès de cette fonction et ceux de l’intelligence.

Haut de page







[…] les notions mathématiques commencent par être indifférenciées des notions physiques […]. Il en résulte que les notions mathématiques procèdent d’une abstraction à partir de l’action, abstraction due à une prise de conscience progressive des coordinations comme telles et que provoque la différenciation croissante entre elles et les actions physiques particulières qu’elles coordonnent. Réciproquement, nous voyons […] cette même différenciation aboutir à dissocier graduellement les notions physiques de vitesse et de temps des coordinations spatiales qui les dominent d’abord avec excès et de façon déformante, puis les coordonnent simplement dans la suite.