Fondation Jean Piaget

La connaissance scientifique

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Présentation

Pour Piaget, le critère de la connaissance scientifique est l'objectivité. Celle-ci suppose un certain consensus, c'est-à-dire un accord des esprits entre eux qui ne peut être atteint que par un processus de décentration du sujet par rapport à son point de vue particulier (égocentrisme) et par rapport aux aspects les plus immédiats de l'objet (phénoménisme). La connaissance scientifique, ou connaissance objective, repose donc sur une délimitation des problèmes permettant de subordonner leurs solutions à des constatations accessibles et vérifiables par tous. C'est ainsi que les différentes sciences se sont peu à peu dégagées du tronc commun de la philosophie en délimitant leur objet et en définissant leurs méthodes.

Piaget identifie deux grandes directions du développement de la pensée scientifique, liées à l’interaction sujet/objet. La première traduit la tendance idéaliste puisqu’elle renvoie à une assimilation de l’objet au sujet par l’intermédiaire des cadres de pensée intervenant dans la connaissance du réel. Elle correspond à l’élaboration des connaissances logico-mathématiques, de nature essentiellement déductive, qui conduisent à une mathématisation croissante du réel. La seconde exprime la tendance réaliste puisqu’elle consiste à subordonner le sujet à l’objet, le sujet faisant partie de la réalité qu’il étudie. Elle est source de ce que Piaget qualifie de connaissances physiques ou empiriques dans la mesure où elles portent sur les objets au sens large, y compris le sujet considéré à titre d’objet qu’étudient la biologie et la psychologie. Ces connaissances sont de nature à la fois expérimentales et déductives

Il constate que la constitution des sciences expérimentales a marqué un retard sur les disciplines déductives et attribue ce retard à trois raisons principales. La première est que l'expérimentation implique un soumission à des instances extérieures qui exige un travail d'adaptation plus grand. La seconde tient au fait que, sur le terrain déductif, les opérations les plus élémentaires ou les plus primitives sont en même temps les plus simples, alors que dans les domaines expérimentaux, le donné immédiat est d'une grande complexité et nécessite de dissocier les facteurs au sein de cet enchevêtrement. La troisième raison est qu'il est impossible d'atteindre un fait expérimental sans un cadre logico-mathématique. Il faut donc déjà disposer de cadres déductifs pour pouvoir expérimenter.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

Connaissance scientifique
La connaissance scientifique comporte deux modes fondamentaux: l'interprétation expérimentale et la déduction algorithmique, pouvant d'ailleurs être tous deux selon le cas plus ou moins statiques ou dialectiques. En un mot, les sciences supposent des faits et des normes et elles se chargent de découvrir ou d'élaborer les deux. S.I.P., pp. 153-154
(...) la connaissance scientifique ne saurait être réduite à un schéma unique mais (...) diffère singulièrement d'un genre de disciplines à un autre. Même l'épistémologie «unitariste» est obligée de débuter par une grande coupure : celle qui sépare les sciences dites tautologiques, avec pour prototype la mathématique (...) et les sciences expérimentales dont la plus typique est la physique. I.E.G., Vol. III, p. 273

Connaissance scientifique et objectivité
Le caractère propre de la connaissance scientifique est de parvenir à une certaine objectivité, en ce sens que moyennant l'emploi de certaines méthodes, soit déductives (logico-mathématiques), soit expérimentales, il y a finalement accord entre tous les sujets sur un secteur donné de connaissance. L.C.S., p.14

Directions de la pensée scientifique
(...) la pensée scientifique est constamment engagée en deux directions simultanées et complémentaires, qui tiennent au cercle fondamental du sujet et de l'objet. Par les mathématiques et la psychologie, la science assimile le réel aux cadres de l'esprit humain et suit ainsi une direction idéaliste. D'une part, en effet, les mathématiques assimilent les données sensibles à des schémas spatiaux et numériques et soumettent ainsi la matière à un système d'opérations toujours plus complexes et plus cohérentes, qui permettent à la déduction de dominer l'expérience et même de l'expliquer. D'autre part, la psychologie analyse les opérations et dégage, à leur propos, l'activité du sujet, qui reste irréductible à une simple soumission aux données de la réalité extérieure. Mais si c'est là l'une des deux directions constantes de la pensée scientifique, l'autre n'en est pas moins nette: par la physique et la biologie, la science obéit à une tendance réaliste, qui subordonne à son tour l'esprit à la réalité. I.E.G., Vol. I, p. 48

Science
Une science ne débute qu'avec une délimitation suffisante des problèmes susceptibles de circonscrire un terrain de recherches sur lequel l'accord des esprits est possible, et (...) c'est bien ainsi que sont nées les sciences qui avaient à se dissocier de la métaphysique. Mais en quoi consiste cet accord et au moyen de quel critère les adeptes d'une science naissante sont-ils parvenus au sentiment d'avoir réussi à constituer un consensus de nature différente de celui qui réunit les membres d'une même école philosophique ou d’un même parti politique ou artistique ? Ce qui a fait l'unité de nos sciences dès leur période de formation, c'est la volonté commune de vérification dont la précision augmente précisément en fonction des contrôles mutuels et des critiques elles-mêmes. E.S.H., pp. 41-42. (...) la phase scientifique de la recherche débute lorsque, dissociant le vérifiable de ce qui n'est que réflexif ou intuitif, le chercheur élabore des méthodes spéciales adaptées à son problème, qui soient simultanément des méthodes d'approche et de vérification. E.S.H, p. 42.

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[…] l’histoire nous enseigne que les mots « toujours » ou « jamais » sont à exclure du vocabulaire de l’épistémologie génétique.