Fondation Jean Piaget

La notion d'implication signifiante

Présentation
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Présentation

Piaget insiste sur la dimension inférentielle de la connaissance qui est au fondement même de toute logique. La connaissance prend en effet appui sur des schèmes d’assimilation qui, une fois construits, comportent des significations. En ce sens, assimiler un objet à un schème, c’est lui conférer une signification en fonction de ce que l’on peut en faire. Or, les schèmes n’existent pas à l’état isolé mais sont solidaires de sorte qu’avant même de constituer des structures opératoires, ils présentent déjà des relations locales les uns avec les autres. La notion d’implications signifiantes ou implications entre significations désigne précisément les liaisons qui s’établissent progressivement entre les schèmes et conduisent à les coordonner. C’est à partir de ces premières liaisons que vont graduellement s’élaborer les relations nécessaires caractéristiques de la logique opératoire. Cette logique propre à la pensée représentative, qui s’élabore graduellement au cours de la psychogenèse, constitue donc le prolongement d’une logique plus rudimentaire ou «protologique» que Piaget et ses collaborateurs analysent en termes de logique des significations. Celle-ci repose essentiellement sur des implications signifiantes, autrement dit sur des systèmes d’implications entre les significations des actions ou des opérations qui ne sont jamais isolées mais toujours reliées les unes aux autres sous différentes formes. Or, ces liaisons ne forment pas d’emblée des structures puisque celles-ci se construisent par différenciation, coordination et intégration hiérarchique. Sous leur formes initiales, les liaisons constituées par les implications signifiantes représentent des «fragments de structures» qui vont progressivement se coordonner en structures de groupes et de groupements. Ces «fragments de structures» consistent en des liaisons ou coordinations locales entre actions ou opérations, élaborées sur la base d’inférences implicites ou explicites. Par exemple, comprendre la relation «poser sur» et en inférer des actions possibles telles que tirer à soi la couverture pour prendre l’objet posé sur elle, c’est établir une relation d’implication et déterminer une certaine forme de nécessité. Ces implications élémentaires, sources de coordinations entre schèmes, sont donc au point de départ des structures opératoires. Piaget considère en effet que les inférences qu’elles rendent possibles sont au centre des processus cognitifs bien avant que s’élaborent les structures générales et stables propres à la logique opératoire. En somme, ce qui caractérise la logique, qu’il s’agisse de celle de la pensée naturelle, dans ses formes rudimentaires aussi bien qu’opératoires, ou de celle du logicien, c’est la recherche de nécessité, elle-même solidaire de la formation des raisons qui permet de fonder rationnellement les connaissances jugées valables.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

États de conscience
Leur caractère fondamental est de consister en significations, du point de vue cognitif et en valeurs, du point de vue affectif. Or une signification n’est pas «cause» d’une autre, mais elles s’entraînent les unes les autres par le moyen de ce que l’on pourrait appeler, faute de mieux, une sorte d’implication naïve, en prenant ce terme au sens d«’entraîne»r et non pas au sens technique. E.E.G., Vol.14, E.M.P., p.168
(…)
En bref, les faits de conscience, envisagés du point de vue du sujet, sont de nature implicatrice et comportent des aspects normatifs. E.E.G., Vol 14, E.M.P., p.168

Conscience
(…) la conscience constitue un système de significations dont les deux notions centrales sont la désignation et l’«implication» entre significations : par exemple 2 n'est pas «cause» de 4, mais sa signification «implique» que 2+2 = 4, ce qui n'est nullement pareil. Ces implications peuvent être naïves ou naturelles, mais peuvent aussi être élaborées par la pensée scientifique, ce qui donne naissance à ces sciences «pures» de l'implication que sont la logique et les mathématiques. B.C., p. 79
(…) la pensée consciente procède (…) sur de pures «significations» dont les liens d’unités ne sont pas d’ordre causal mais consistent en implications au sens large (…). S.I.P., p. 185

Implications
Sitôt qu’intervient (…) l’assimilation sensori-motrice ou intellectuelle la plus simple, c’est-à-dire l’incorporation des objets perçus ou conçus ans les schèmes antérieurs de l’activité du sujet (…) la mise en relation ainsi constituée revient à établir entre les termes ou entre leurs rapports un type de connexion, spécifique de la vie mentale : cette connexion (…) consiste toujours (…) à relier à relier des qualités entre elles d’une manière telle que l’une en entraîne une autre du point de vue de la conscience elle-même, c’est-à-dire du point de vue du sujet et non pas de l’objet. On peut alors appeler implication, au sens large, un tel produit de l’assimilation mentale. I.E.G., Vol. III, p.142

Implication signifiante
(…) le caractère le plus général des états conscients, depuis les prises de conscience élémentaires, liées aux buts et résultats des actions, jusqu’aux conceptualisation de niveaux supérieurs, est d’exprimer des significations et de les relier par un mode de connexion que nous appellerons au mieux l’«implication signifiante». R et C., p. 240.
(…) (les) schèmes (…) une fois construits comportent des significations : ces dernières étant naturellement solidaires, elles forment alors entre elles de petits systèmes locaux au sein desquels se constituent, bien avant les structures opératoires, les premières formes de nécessité à l’intérieur de ce que nous nommerons des «implications signifiantes». A.P. Archives de psychologie, Vol. XLV, p. 240
De façon générale nous dirons qu’il y a implication signifiante entre deux schèmes x et y, soit x (implique) y, si la considération (ou l’emploi) de x entraîne celle de y du fait que la signification de y fait partie de celle de x (…).A.P., XLV, p. 241

Système des implications signifiantes
(…) si les coordinations causales de actions permettent d’atteindre leurs buts matériels, ce qui est un acquis comportant une valeur, mais un acquis limité, le système des implications signifiantes fournit un élément qui n’est compris ni dans les buts ni dans les moyens employés : c’est la détermination des raisons, en dehors desquelles les réussites ne demeureraient que des faits sans signification. En un mot, comprendre consiste à dégager la raison des choses, tandis que réussir ne revient qu’à les utiliser avec succès, ce qui est certes une condition préalable de la compréhension, mais que celle-ci dépasse puisqu’elle en arrive à un savoir qui précède l’action et peut se passer d’elle. R et C., p. 241-242.

Formation du nécessaire
Nous sommes ainsi conduits à situer le point de départ du nécessaire dans la «forme» des «implications signifiantes», qui expriment les relations entre significations acquises, donc dans les coordinations les plus primitives entre schèmes, dès les plus élémentaires. A.P., XLV, p. 242

Rôle de l’inférence
(…) à tous les niveaux, c’est l’inférence qui rend compte des nécessité logiques, qu’il s’agisse du nécessaire local, débutant bien avant la constitution des structures opératoires et dans les relations entre deux schèmes, si élémentaires soient-ils, ou de la nécessité formalisée propre à l’axiomatique des implications propositionnelles. A.P., XLV, p. 242.

Établissement des raisons
(…) c’est l’établissement des raisons qui, au sein des implications signifiantes, conduira à la nécessité authentique. Or, cet établissement suppose l’intervention d’abstractions réfléchissantes tirées des activités du sujet (…). . A.P., XLV, p. 247

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[…] le sujet ordonne son temps propre en utilisant le temps physique dans lequel il intègre ses actions comme il ordonne le temps physique en utilisant sa mémoire et son activité d’organisme participant, à titre d’élément parmi les autres, aux modifications du milieu ambiant.