Fondation Jean Piaget

Les doctrines pré-évolutionniste

Présentations
Citations


Présentations

Les deux premières de ces doctrines se caractérisent par une conception des rapports entre l’organisme et le milieu sous la forme d’une harmonie préétablie. Les théories fixistes, antérieures à l’évolutionnisme ou opposée à celui-ci après sa formulation, attribuent aux espèces un caractère immuable, les êtres vivants se présentant comme une hiérarchie stable et immuable. Pour le créationnisme, l’espèce est considérée comme façonnée avec tous ses caractères par une cause première externe, qu’il s’agisse d’un créateur ou d’une finalité ajustant du dehors l’organisme à son milieu. Dans le cas du fixisme, l’espèce incréée possède d’emblée les caractères qui lui permettront de s’adapter à un milieu extérieur invariable. Cette hiérarchie admise par le créationnisme ou le fixisme en général présente une parenté avec la hiérarchie des formes de l’univers caractérisant la représentation du monde chez les grecs. Qu’elles soient considérées comme immanentes (Aristote) ou comme transcendantales (Platon), ces formes représentent l’essence d’un réel directement accessible à l’intelligence. Le fixisme évoque également la conception d’une intelligence faculté excluant toute genèse. Chaque être vivant est alors doté d’une organisation physiologique et mentale préétablie permettant son adaptation au milieu qui l’entoure. Les perspectives vitalistes (fixistes ou créationnistes) présentent ainsi la caractéristique d’être statiques et réalistes. En effet, les formes étant considérées comme statiques, elles ne peuvent qu’exister en soi, à titre de réalité indépendante du sujet. Elles se caractérisent aussi par leur formalisme, la forme étant considérée comme une cause première externe, une force vitale attachée à chaque organisme et non comme le produit d’une construction.

Le fixisme se prolonge en préformisme lorsqu’il est obligé de reconnaître la réalité d’un développement. Tentant de concilier la permanence des formes avec le fait de l’évolution, il considère celle-ci comme simplement apparente, les formes spécifiques étant préformées virtuellement les unes dans les autres. Tout en s’inscrivant dans le prolongement du fixisme, le préformisme ne fait appel qu’à des facteurs internes, indépendants du milieu, les structures préformées se manifestant simplement à l’occasion des modifications du milieu mais non sous leur pression. C’est ainsi que le préformisme de Weismann soustrait l’évolution aux actions du milieu en l’expliquant par la combinaison de caractères préexistants. Le préformisme trouve son pendant épistémologique dans l’apriorisme qui explique les structures les plus générales de l’esprit par les idées innées chez Descartes ou les a priori chez Kant pour qui la formation des notions relève d’une activité synthétique de l’esprit préexistant à l’expérience qu’elle permet d’appréhender.

Quant à la théorie de l’émergence, elle conçoit les caractère nouveaux comme émergeant des précédents tout en leur étant irréductibles. Dans cette perspective, non seulement le domaine de la vie est irréductible au domaine physico-chimique, mais au sein même de la vie, toute forme nouvelle constitue une totalité originale se superposant aux précédentes. La problème de l’adaptation ne s’y présente pas alors sous la forme d’une harmonie préétablie comme dans les doctrines précédentes, mais d’une totalité harmonisant l’ensemble des influences simultanées, qu’elles soient internes ou externes. Piaget établit un parallèle entre cette approche et la théorie de la forme en psychologie (Gestalt) qui découle elle-même de la philosophe phénoménologique. Les doctrines de l’émergence, de la Gestalt et de la phénoménologie ont ainsi en commun de considérer les totalités comme indécomposables et s’expliquant par elles-mêmes. Or cette notion de totalité, qui s’impose effectivement dans tous les domaines vitaux et mentaux, ne constitue par pour Piaget une solution mais un problème puisqu’il reste à expliquer la construction au sein même des totalités dont les qualités d’ensemble sont les plus spécifiques. En somme, il faut rendre compte des transformations constructives à l’origine de ces nouvelles totalités, ce qui conduit à rétablir une certaine continuité entre elles.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

Haut de page

Citations

Doctrines pré-évolutionnistes
La notion fondamentale propre aux doctrines pré-évolutionnistes concernant les rapports entre l’organisme et le milieu est (…) celle d’une harmonie préétablie, et non d’une harmonie ou d’une adaptation établies graduellement. Ce concept se retrouve identiquement en ce qui concerne l’intelligence-faculté puisque ici également il y a simples découvertes ou utilisation d’un accord préétabli entre le sujet et les objets. B.C., p. 149-150.
(…)
Or, l’harmonie préétablie n’est en réalité qu’une doctrine de subordination de l’organisme ou de l’intelligence à un monde tout fait, ce qui revient bien à éliminer toute activité constructive. B.C., p. 150.

Le vitalisme et le finalisme
(…) la force vitale, tout en fournissant (verbalement) le principe de l’organisation interne, est avant tout celui d’un ajustement héréditaire à toutes les situations du milieu (…). B.C. p. 150
Quant au finalisme (…) ses partisans modernes, en général hostile au lamarckisme (…), se doutent peu du fait que chaque explication finaliste revient à attribuer à l’organisme le pouvoir de prévoir les exigences extérieures, donc à conférer une large action au milieu, mais par intermédiaires psychologiques ou plutôt psychomorphiques et non pas physicochimiques. B.C., p. 150

Le préformisme et le fixisme
(…) l’attitude préformiste en biologie dérive historiquement de l’attitude fixiste, mais elle en diffère par le recours à deux sortes de considérations. En premier lieu le préformisme admet le changement ou la transformation des espèces les unes dans les autres. Seulement il réduit cette variation à l’état de transformation apparente, les caractères nouveaux étant en réalité déjà présents avant de se manifester, mais présents sous une forme virtuelle. En second lieu et surtout, le préformisme ne fait appel qu’à des facteurs internes. IEG., Vol.III., p. 91

Haut de page







[…] le but de l’enseignement des mathématiques reste toujours d’atteindre la rigueur logique ainsi que la compréhension d’un formalisme suffisant, mais seule la psychologie est en état de fournir aux pédagogues les données sur la manière dont cette rigueur et ce formalisme seront obtenus le plus sûrement.