Fondation Jean Piaget

Stades 1 et 2


Lors des semaines qui suivent sa naissance, l’enfant n’a vraisemblablement aucune notion des relations temporelles pouvant exister entre ses actions ou entre les "tableaux sensoriels" qui se succèdent dans son champ perceptif.

Cela ne signifie pourtant pas que le temps ne soit pas présent sous une forme ou sous une autre. Piaget admet deux types d’intervention de la temporalité, la première possible, la seconde certaine.

Le temps senti de la durée de l’action

La première manière sous laquelle le temps intervient dans la vie psychologique initiale est celle de la durée des actions:
    «Le temps se confond [...] en son point de départ, avec les impressions de durée psychologique inhérentes aux attitudes d’attente, d’effort et de satisfaction, bref à l’activité du sujet» (JP37, p. 282).
Piaget est ici en accord avec des auteurs tels que Bergson et Husserl qui ont prêté une grande attention à la temporalité des actions psychologiques.

L’ordre temporel attaché aux actions

Cependant le temps qui intéresse principalement l’auteur n’est pas celui-ci, mais celui utilisé ou traité par l’enfant à travers ses actions (et donc par conséquent connu et constitué en tant que forme primitive de temporalité), ainsi que le temps représenté qui plus tard permettra à l’enfant de repérer les phénomènes dans le temps, et de concevoir leurs relations temporelles.

C’est dans cette seconde sorte d’intervention du temps dans les conduites psychologiques que Piaget recherche l’origine de la notion de temps qui permettra à l’enfant plus âgé de reconnaître la temporalité de la durée psychologique.

Ce qui, dans les deux premiers stades de la naissance de l’intelligence, prépare la capacité d’utiliser les relations temporelles n’est pas la durée psychologique liée par exemple à l’attente, mais les relations temporelles existant de fait dans les actions de l’enfant ou entre ses perceptions, et dont celui-ci n’a probablement pas conscience (ou, du moins, dont il n’est pas nécessaire de lui attribuer la conscience).

Un exemple, non pas de la durée psychologique liée à l’attente, etc., mais du temps inscrit dans les premiers comportements de la vie est celui de l’enfant qui «sait ouvrir la bouche et chercher le contact avant que de sucer», ou encore qui «sait diriger sa main vers sa bouche et même diriger sa bouche vers son pouce avant que d’introduire celui-ci entre les lèvres» (JP37, p. 282).

Le statut du temps incorporé à l’action

Si une relation temporelle telle que la succession, voire l’écart temporel, de deux mouvements peut être une condition de la réussite d’une action, cela ne signifie pourtant pas que le sujet a conscience de cette relation.

La succession ou la durée est inscrite dans son action ou dans l’enchaînement des perceptions sans pour autant qu’il ait conscience de cette succession ou de cette durée qu’il utilise pourtant pour réussir son action.

En effet, comme Claparède et d’autres l’avaient déjà affirmé, l’existence d’une succession fonctionnelle d’événements psychologiques ou de perceptions n’est pas la garantie automatique de l’existence d’une prise de conscience ou d’une "perception" de la relation de succession ou de la durée:

Une succession de perceptions n’implique pas la perception de cette succession.

Une perception peut certes mettre le sujet en position d’attente par rapport à une autre. Mais, si cette attente s’accompagne d’un sentiment dans lequel le sujet d’un stade ultérieur pourra reconnaître une indication temporelle, cela ne signifie pas que le bébé des deux premiers stades la reconnaisse déj.

Dans les termes de Piaget: «le temps primitif est donc non pas un temps perçu du dehors, mais une durée sentie au cours de l’action elle-même».

Le temps comme "série pratique"

Par analogie avec le groupe pratique (ou "physiologique") présent au début de la construction de l’espace sensori-moteur, Piaget appelle "série pratique" la forme prise par les propriétés ou les relations temporelles qui apparaissent dans les premières organisations du comportement et de la perception, relations dont le sujet n’a vraisemblablement nullement conscience.

Leur construction n’est pas le résultat d’une activité psychologique, mais celui de mécanismes biologiques (ou "subpsychologiques" et "subcognitifs") qui "précèdent" et sous-tendent l’apparition des activités psychologiques, et en particulier des futures conduites et notions temporelles.

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[…] la psychologie ne consiste pas à traduire le fonctionnement nerveux en termes de conscience ou de conduite, mais à analyser l’histoire de ces conduites, c’est-à-dire la manière dont une perception, par exemple, dépend des précédentes et conditionne les suivantes.