Fondation Jean Piaget

Les principaux courants de l'épistémologie dérivée des sciences

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Présentation

De même qu'il existe des tendances communes aux épistémologies internes des sciences, il est possible de dégager des tendances communes aux épistémologies dérivées. Puisque le problème fondamental de l'épistémologie dérivée d'une science concerne les relations sujet/objet dans la science considérée, les tendances propres aux épistémologies dérivée correspondent à la triade suivante:

1. Les connaissances tirées de l'objet
2. Les connaissances tirées du sujet
3. Les connaissances tirées des interactions indissociables entre le sujet et les objets

Par ailleurs, l'épistémologie dérivée faisant nécessairement appel à d'autres sciences et à leurs épistémologies internes, Piaget joint à cette triade les tendances propres aux épistémologies internes. Il propose donc la classification suivante (L.C.S, p. 1240-1241):

Antiréductionnisme (structures sans genèse) Réductionnisme (genèse sans structure) Constructivisme (structures et genèse)

Objet 1. Platonisme: recours à des «essences» indépendantes de tout sujet 4. Empirisme: empirisme classique (réduction de la connaissance à l'objet non transcendantal ou physique) et empirisme moderne développé par E. Mach 7. Dialectique de la nature: constructivisme à tendance réaliste (se centre sur l'objet sans s'apercevoir du fait qu'elle projette en lui des processus inspirés des actions humaines)
Sujet 2. Apriorisme: recours au sujet transcendental avec ses «intuitions a priori» 5. Nominalisme et
conventionnalisme: réduction de l'intervention du sujet à sa forme minimale
8. Relativisme historique: constructivisme à tendance idéaliste (le recours à l'action demeurant suspendu à un sujet déraciné faute de liens, de continuité avec le psychobiologique et le biologique)
Interactions
sujet /objet
3. Phénoménologie: recours aux deux à la fois (essences et intuitions) 6. Doctrine de l'identification: réduction des activités du sujet à l'exercice du principe d'identité. 9. Dialectique: plus de frontière entre sujet et objet, les deux étant situés sur le même plan, le sujet se prolongeant dans l'objet.


Cette classification, bien que schématique, lui apparaît «naturelle» en ce sens que, d’une part, elle met en évidence des convergences ou différences effectives et que, d'autre part, elle correspond à des interprétations soutenues réellement en des doctrines historiques ou actuelles. Elle permet du moins de situer l'épistémologie dialectique et constructiviste de Piaget au sein d'une évolution dialectique des courants épistémologiques eux-mêmes.Piaget souligne toutefois les problèmes que soulève la dernière tirade (7-9) pour cette raison que si la logique du constructivisme est d’aboutir à une interaction indissociable du sujet et de l'objet, le constructivisme peut néanmoins osciller entre les tendances réalistes, idéalistes ou d’interaction stricte entre le sujet et l’objet.

©Marie-Françoise Legendre

Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.

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Citations

Tendances antiréductionnistes (première triade)
Son caractère commun est le recours à des réalités transcendantales conçues à titre d'essence indépendamment de tout sujet (1), de sujet transcendantal avec ses intuitions a priori (2), ou les deux à la fois (3). Cette première triade s'oppose de façon évidente aux deux autres en ce sens que ces dernières (4-9) ne comportent plus d'hypothèses transcendantales. L.C.S., pp. 1240-1241.

Tendances réductionnistes (seconde triade)
La seconde triade (4-6) soulève davantage de questions. Que l'empirisme (4) constitue une réduction de la connaissance à l'objet non transcendantal ou physique cela est évident dans le cas de l'empirisme classique. Mais il demeure la variété dite «phénoménologiste» de l'empirisme moderne tel que l'a développé E. Mach en réduisant tout le donné à des ensembles des sensations. (…) L.C.S., p. 1241.
Or, faire appel aux seules sensations, ce n’est en rien faire intervenir les activités du sujet dans le mécanisme de la connaissance : c’est simplement s’en tenir à l’«expérience» immédiate et, en ce sens, l’empirisme de Mach est bien une réduction à l’objet si l’on appelle objet le «donné» indépendant des actions du sujet. L.C.S., p. 1241-1242.
Le conventionnalisme [(6)fait une place au sujet]. Mais, conformément à la logique interne du réductionnisme, cette intervention du sujet est alors «réduite» à sa forme minimale, qui est celle d'une activité exclusivement linguistique consistant à coordonner des signes conventionnels. L.C.S., p. 1242.
[La thèse de l'identification (6) enfin consiste] à trouver finalement en tout processus cognitif une interaction irréductible entre l'identique rationnel et le «divers» imposé par le réel, divers qui est réduit autant que faire se peut mais qui n'atteint jamais la limite [= la pure identité]. L.C.S., p. 1243.

Doctrines transcendantalistes et réductionnistes (première et seconde triade)
En ces deux derniers ensembles d'épistémologies, c'est-à-dire en fait dans toutes les épistémologies classiques, la connaissance est interprétée sous le mode de la contemplation ou de la pensée, et le problème des rôles de l'objet ou du sujet revient alors sans plus à déterminer si cette pensée «spéculative» (au sens propre) se borne à appréhender, sous la forme d'une sorte de copie, une réalité extérieure à elle, ou si elle tire en partie cette connaissance de son propre fonds en tant que source de structuration. L.C.S., p. 1244

Tendances constructivistes (troisième triade)
Dans une perspective antiréductionniste ou réductionniste, les frontières entre les doctrines insistant sur l'objet ou sur le sujet ou sur leur interaction comme telle sont relativement nettes, ce qui impose de toute nécessité l'intervention d'une telle triade dans la classification des épistémologies. En revanche, il est dans la logique du constructivisme, de la méthode relationnelle et de toute dialectique synthétisant de manière effective les structures et leur genèse, d'aboutir tôt ou tard à une interprétation indissociable entre les apports du sujet et ceux de l'objet dans le mécanisme, non pas seulement de la connaissance en général, mais de toutes les variétés particulières de connaissance scientifique. L.C.S., p. 1243.
Mais, en fait les intersections 7 et 8 existent également, pour cette raison, qui justifie donc dans le détail le principe de notre classification, que le constructivisme, même sous ses formes «dialectiques» les mieux authentifiées, oscille lui aussi entre les tendances réalistes, idéalistes ou d'interaction stricte entre l'objet et le sujet. Seulement, et c’est là que subsiste un problème pour cette triade 7-9, il ne s'agit ici, à proprement parler, que d'oscillations plus légères que les trichotomies claires des triades 1-3 et 4-6, et cela justement en vertu de cette logique interne à toute méthode dialectique, qui tend à réduire les oppositions après les avoirs forcées, ou plus précisément à ne les accentuer que pour mieux les réduire. L.C.S., pp. 1243-1244.

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[…] contrairement aux faits de comportement, les faits de conscience ne relèvent pas de la plupart des catégories habituelles applicables à la réalité physique : substance, espace, mouvement, force, etc., et d’une manière générale causalité.