Fondation Jean Piaget

Des suggestions pour l’éducation morale


Toujours basées sur le résultat de ses recherches psychogénétiques, les suggestions formulées par Piaget à l’adresse des pédagogues peuvent être classées en deux catégories, selon qu’elles portent sur l’éducation morale ou sur l’éducation intellectuelle des enfants.

Vu l’intérêt prioritaire accordé aux problèmes épistémologiques, il est évident que c’est avant tout sur ce second terrain que ces suggestions seront les plus originales. Néanmoins ce serait fausser la perspective que de tenir pour négligeables les considérations relatives à l’éducation morale.

Que, à partir des années cinquante, Piaget n’ait plus réalisé de recherches sur le développement du jugement moral chez l’enfant, ne signifie pas que les résultats précédemment acquis n’aient plus de valeur et que l’école ne puisse s’en inspirer. En 1949 encore, Piaget affirme que si le rôle de l’éducation est de favoriser le «plein épanouissement de la personnalité humaine» plus que de façonner des individus «selon un modèle conforme aux générations antérieures» (JP72b, p. 84), alors il convient d’adopter des formes de scolarité permettant une «vie sociale entre élèves, c’est-à-dire un self-government poussé aussi loin qu’il est possible et constituant le parallèle du travail intellectuel en commun» prôné par ailleurs par l’auteur. Seulement, à la différence du recours au simple bon sens, l’auteur a des arguments de fait à faire valoir.

Les études sur le développement moral réalisées tant par Piaget que par d’autres auteurs montrent comment une morale autonome, basée sur la liberté de jugements et sur le respect mutuel, naît non pas dans des formes de vie sociale fondées sur la contrainte ou sur l’autorité, mais dans des situations favorisant la réciprocité des échanges entre les membres d’un groupe social.

Est-ce à dire qu’il faille négliger le rôle de l’adulte dans l’éducation de l’enfant? Non, car avant de construire un ensemble de conduites et de jugements basés sur le respect mutuel et la réciprocité morale, l’enfant passe par un stade où il acquiert le sentiment d’obligation morale, sans lequel il n’y aurait pas d’éthique.

Ce sentiment est, selon Piaget, la synthèse de trois autres sentiments que l’on peut découvrir chez le jeune enfant, notamment dans ses rapports avec ses parents ou ses éducateurs: l’amour, la crainte et le respect, troisième sentiment fait d’un mélange des deux premiers.

Chez le jeune enfant, le sentiment d’obligation sera ainsi fondateur d’une morale essentiellement hétéronome. Mais très vite, si les conditions sociales le permettent, l’enfant en arrivera à construire à partir de cette première morale une seconde, basée non plus sur le respect "unilatéral", mais sur le respect mutuel.

Ce n’est pas le lieu d’exposer en détail les résultats des enquêtes et des réflexions de Piaget sur le développement du jugement ou du sentiment moral chez l’enfant. Il s’agit seulement de souligner par ce bref rappel la façon dont ces résultats viennent conforter le choix d’une certaine forme d’enseignement et permettent de donner une signification beaucoup plus complète à des formules telles que celle prônant le "self-government" (les "conseils de classe", etc.) au sein des institutions scolaires. Cela dit, c’est avant tout sur le terrain de l’éducation intellectuelle que l’auteur a apporté le plus de suggestions.

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Le développement [historique] des cosmologies comme celui de la représentation physique individuelle est […] caractérisé par le passage de l’égocentrisme à la décentration et à la coordination opératoire, donc de l’égocentrisme à la mise en relation et au relativisme.