Paul Fraisse (1911-1996). Psychologue français

Après près de deux ans passé dans un noviciat de Jésuites (de 1928 à 1930), Fraisse a reçu une licence en philosophie et en philosophie scolastique aux facultés catholiques de Lyon et de Grenoble. Alors qu’il n’avait pas encore abandonné l’idée d’être prêtre, il fut envoyé à l’Institut de philosophie de Louvain dans le but de se spécialiser en psychologie expérimentale. C’est là, auprès d’Albert Michotte, un des grands spécialistes des recherches en perception dont il devint un collaborateur privilégié en même temps qu’il poursuivait ses études et accumulait les matériaux d’une thèse qu’il soutiendra en 1945, que Fraisse trouva sa vraie vocation. La vigueur avec laquelle il s’engagera dans ce domaine le fera très vite remarquer par Henri Piéron, alors à la tête de la psychologie expérimentale française. Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, il est nommé directeur adjoint de Piéron à l’Ecole pratique des hautes études. En 1952 il succède à ce dernier, et prend la tête d’un laboratoire où seront formés les futurs spécialistes français de la psychologie expérimentale.

Hormis le fait d’avoir imprimé à la psychologie française une forte orientation expérimentale et d’avoir complètement détaché la psychologie française de la philosophie (ce qui en France n’était pas une mince affaire!), Fraisse a réalisé d’importantes recherches, dont celles sur la perception du temps qui l’entraîna dans une polémique amicale avec Piaget. Tout en admettant la thèse selon laquelle la maîtrise opératoire du temps exige bien le genre de coordinations des successions et des intervalles mis en évidence par l’école genevoise, Fraisse montre par ailleurs que l’estimation de la durée peut dépendre de bien plus de critères que celui de la vitesse, à ses yeux trop privilégiée par Piaget. Selon le psychologue français, elle dépend également de l’espace parcouru, de la quantité de changement produits, des efforts accomplis, etc. Piaget se rangera à son tour en partie aux thèses de Fraisse, mais en soulignant le fait que la considération de chacun de ces critères doit faire chaque fois intervenir un rapport à la vitesse pour que naisse une estimation temporelle, et que c’est faute de savoir coordonner convenablement ce rapport que les jeunes enfants se trompent sur les durées en jeu dans les situations temporelles auxquelles on le confronte.

Fraisse fera par ailleurs oeuvre de pionnier en psychologie expérimentale en utilisant l’un des premiers, dès la fin des années cinquante, la mesure du temps de perception comme moyen pour apprécier la complexité des opérations mentales de traitement de l’information intervenant par exemple dans des épreuves de reconnaissance d’objets, de mots ou de dessins.

Outre de nombreux articles, Fraisse a publié sa thèse sur les conduites temporelles en 1958, sous le titre "Psychologie du temps". Il a aussi dirigé, avec Piaget, la publication du "Traité de psychologie expérimentale", dont la première édition est parue en 1963.

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