La construction du réel chez l'enfant – Observation 55

[p.62] Jacqueline, à 1;6 (8), est assise sur un tapis vert et joue avec une pomme de terre qui l’intéresse vivement (c’est un objet nouveau pour elle). Elle dit «po-terre» et s’amuse à la mettre dans une boîte vide et à la sortir. Ce jeu la passionne depuis quelques jours.

I. Je prends alors la pomme de terre et la mets moi-même, sous les yeux de Jacqueline, dans la boîte. Puis je place celle-ci sous le tapis, la renverse, laisse ainsi l’objet caché par le tapis (sans que l’enfant ait pu voir ma manœuvre) et ressors la boîte vide. Je dis à Jacqueline, qui n’a pas quitté du regard le tapis et s’est rendu compte que je faisais quelque chose par-dessous : «Donne la pomme de terre à papa.» Elle cherche alors l’objet dans la boîte, puis me regarde, regarde à nouveau la boîte en détail, regarde le tapis, etc.: mais elle n’a pas l’idée de soulever le tapis pour le retrouver dessous.

Durant les cinq essais suivants, la réaction est uniformément négative. Je recommence pourtant chaque fois à mettre l’objet dans la boîte, sous les yeux de l’enfant, à mettre la boîte sous le tapis et à la ressortir vide. Jacqueline cherche chaque fois dans la boîte, puis regarde tout autour d’elle, y compris le tapis, mais elle ne cherche pas dessous.

Il. Au septième essai, je change de technique: je mets l’objet dans la boîte et la boîte sous le tapis, mais j’y laisse la boîte pleine. Dès que je ressors la main vide, Jacqueline cherche sous le tapis, trouve et prend la boîte, l’ouvre et en sort la pomme de terre. Même réaction une seconde fois.

III. Puis je reviens à la technique primitive: vider la boîte sous le tapis et la ressortir ouverte. Jacqueline cherche d’abord l’objet dans la boîte et, ne le trouvant pas, le cherche sous le tapis. L’épreuve est donc réussie. Elle l’est une seconde fois, mais à partir du troisième essai, le résultat redevient négatif, comme en I. Est-ce la fatigue?