Fondation Jean Piaget

Présentation

1946.
Le développement de la notion de temps chez l'enfant.
Introduction 3e partie, et Chapitre 9: La notion d'âge
Texte PDF mis à disposition le 24.08.2012



[Texte de présentation, version complétée le 24 août 2012.

Ce 9e chapitre compose, avec le 10e, la troisième partie du livre sur "Le développement de la notion de temps chez l'enfant". Alors que les chapitres composant la deuxième partie ont pour objet le temps physique, la troisième partie porte sur le temps vécu, en d'autres termes le temps psychologique.

Le texte de présentation du chapitre 9 reproduit ci-dessous a été rédigé en 2010 par Frank Jamet, Maître de Conférences en psychologie à l'IUFM de Versailles, membre du laboratoire Laboratoire Paragraphe de l'Université de Paris 8. Nous remercions Frank Jamet pour nous avoir suggéré de mettre à disposition ce chapitre, ce qui nous a incité à placer sur le site de la Fondation et d'ici la fin 2012 tous les autres chapitres du livre de Piaget sur "Le développement de la notion de temps chez l'enfant".]

Résumé rédigé par Frank Jamet:
L’enfant se représente-t-il d’emblée le vieillissement comme une marche continue dans le temps ? Ce temps est-il commun à tous les individus ? Les différences d’âge se conservent-elles nécessairement, ou bien un individu plus jeune est-il susceptible de rattraper dans le temps son aîné ? telles sont les questions qui sont à la base de ce chapitre. Sachant que la notion d’âge est de celles qui donne lieu à le plus à des connaissances apprises, Piaget, dans ce chapitre interrogera les enfants sur l’âge des plantes et des animaux. Il est d’emblée frappé par le caractère statique et presque discontinu de la notion d’âge de l’enfant. L’âge est un changement qui tend vers un état puis s’arrête de s’écouler. Piaget remarque que cette conception rappelle celle du devenir des Grecs.

L’évolution de la notion d’âge traverse trois stades. Durant le premier stade, les âges sont indépendants de l’ordre des naissances et les différences d’âge peuvent se modifier avec le temps. Le temps n’est donc pas homogène. Le temps débute du point de vue du sujet avec sa propre mémoire. Avant sa naissance, ses parents n’existaient pas. Piaget parle alors d’égocentrisme temporel. A ce stade, l’âge c’est la taille et vieillir c’est croître. Pour l’enfant, il est donc possible d’annuler ou inverser une différence d’âge en grandissant plus vite. Avec le second stade, deux type de raisonnement apparaissent : 1) les âges dépendent de l’ordre des naissances, mais les différences d’âge ne se conservent pas au cours de l’existence. « plus âgé » signifie être né « avant » et « plus jeune » être né « après ». Cette relation n’a de sens que pour l’âge actuel des personnes, pas pour l’avenir. L’âge, la durée se confond toujours avec la taille. La durée vécue ou l’âge sont discontinus. 2) les différences d’âge se conservent, mais elles ne dépendent pas de l’ordre des naissances. La conservation des différences d’âge est fondée sur une intuition articulée tandis que l’ordre des successions s’établit sur une intuition simple. Au troisième stade, les durées et les successions sont coordonnées entre elles et de ce fait leurs rapports se conservent. L’ordre de succession (ordre des naissances) et les durées (l’âge) sont reliés par une nécessite logique. Elle se traduit par la déduction de la conservation des différences d’âge sur la base de l’ordre des naissances.

Pour comprendre le mécanisme par lequel l’enfant va distinguer l’âge de la taille, Piaget interroge une quarantaine d’enfants âgés de 4 à 10 ans sur l’âge de deux arbres d’espèce différente et de grandeur différente. Au stade I, l’âge est proportionnel à la taille. Cependant, on peut être également « plus petit » et « plus âgé ». Au stade II, on observe un début de relativité. C’est par la notion de vitesse de croissance que va se produire la différenciation âge et taille. Il observe que : dès 7-8 ans, la notion de vieillissement commence à se dissocier de celle la croissance. C’est entre 8 et 9 ans que les enfants réussissent ce type de tâche (stade III).

Piaget constate qu’il y a une concordance et une synchronie remarquables entre l’évolution de la notion d’âge (temps biologique) et celles du temps physique. La croissance équivaut aux trajectoires. De la même manière que l’enfant du stade I confond la durée avec le chemin parcouru (temps physique), il définit l’âge par la taille (temps biologique). Au stade II, c’est grâce à la différenciation des vitesses que la durée se dissocie de l’espace (temps physique) et que l’âge se distingue de la taille. Dès qu’intervient la notion de vitesse différente pour la croissance, l’âge est alors conçu comme proportionnel à la taille relative à la vitesse. De la même manière que t = e/V, l’âge = taille/ vitesse de croissance. La raison de cette parfaite évolution entre temps physique et temps biologique tient au fait que dans les deux cas le temps est une coordination des mouvements et de leurs vitesses.