Fondation Jean Piaget

Présentation

1950.
Introduction à l'épistémologie génétique (II).
La pensée physique: Chapitre VI: Le hasard, l'irréversibilité et l'induction
Paris: PUF, 1ère édition 1950, volume 2. (1ère édition 1950).
Texte PDF mis à disposition le 22.04.2011



Ce chapitre porte sur différentes notions et phénomènes physiques qui paraissent de prime abord contredire la raison opératoire. Piaget montre tout d’abord comment, chez l’enfant (JP51) comme dans l’histoire, l’intuition ou la notion du hasard n’apparaît qu’à la suite de la construction des opérations logico-mathématiques élémentaires (classes, séries, nombres, partition, etc.). La même notion n’est d’ailleurs opératoirement maîtrisée qu’une fois construites les opérations propres à la pensée propositionnelle et combinatoire (donc à une forme de pensée plus abstraite que la précédente, puisque composée d’opérations au second degré, portant sur les opérations concrètes acquises (par exemple combinaison de toutes les sériations possibles d’une série d’objet, donc de sériations et classifications de sériations concrètes). Il en d’ailleurs de même de la maîtrise en apparence paradoxale de l’irréversibilité physique (« on se baigne jamais deux fois dans la même eau »), qui est elle aussi liée à l’apparition d’une pensée devenue opératoire, donc réversible, qui seule permet la saisie puis la maîtrise de cette irréversibilité!

On trouvera également dans ce chapitre une analyse épistémologique très éclairante de la notion d’histoire (histoire de la formation des Alpes par exemple), ou encore de la genèse de l’induction expérimentale et des raisonnements inductifs, ces dimensions de la pensée physique découlant elle aussi de la rencontre de séries causales indépendantes (selon l’explication que A.A. Cournot donnait de la notion de hasard).

Enfin, les dernières pages portent sur les limitations du déterminisme absolu, c’est-à-dire sur le nécessaire recours au déterminisme statistique dans la physique moderne (en particulier avec la thermodynamique et abstraction faite de la physique quantique qui sera l’objet du chapitre 7). Ce recours inévitable de la physique moderne au déterminisme statistique trouve-t-il ses raisons dans les seules limitations de la connaissance humaine, ou au contraire dans une réalité physique qui serait elle-même, in fine, de nature probabiliste? Pour Piaget, une seule chose est certaine, si l’on prend en considération l’essor des différentes parties de la physique classique (et donc sans encore envisager les réponses apportées par la microphysique quantique): que l’usage du principe de déterminisme absolu ou au contraire du déterminisme statistique dépend du niveau d’observation des phénomènes étudiés (ce qui à un certain niveau présente une trop grande complexité pour être saisi par le déterminisme « absolu » et ses instruments de déduction peut être à un autre niveau saisi par le déterminisme statistique et ses instruments de calcul, eux aussi tout à fait rationnel). Mais encore une fois, les conclusions que l’on peut tirer en se plaçant sur l’un ou l’autre de ces deux niveaux ne disent rien du caractère fondamentalement déterministe (au sens absolu) ou non de la réalité physique ultime.