La construction du réel chez l'enfant – Observation 108

[p.165] Nous avons vu (vol. I, obs. 140 et 141) comment Laurent, à 0;10 (10), a commencé à jeter à terre les objets, non plus pour analyser l'acte même du lâcher, mais pour étudier les trajectoires comme telles. Les semaines suivantes, il a naturellement multiplié de telles expériences. A 0;11 (28) encore, par exemple, je note que, durant plus d'une demi-heure, il fait tomber tout ce qu'il trouve, en examinant avec une grande attention la trajectoire et le point d'arrivée.

Or cet intérêt pour les mouvements de chute est allé de pair, dès 0;10 (15) environ, avec un intérêt systématique pour les déplacements des objets les uns par rapport aux autres. On se rappelle (obs. 94), que, dès 0; 9, Laurent a commencé à déplacer, à la hauteur de ses yeux, les jouets nouveaux ou [p.165] même connus, pour les «explorer». Mais on ne peut encore parler, à cet égard, de déplacements des corps les uns par rapport aux autres. Dès la seconde moitié du onzième mois, par contre, il semble étudier de tels mouvements. Lorsqu'il est assis, par exemple, à sa table, il s'amuse, non seulement à faire tomber les objets sur le sol, mais à les changer de place, à les prendre pour les poser à nouveau, etc. Que de tels gestes soient intentionnels, c'est bien ce que semble montrer leur destinée ultérieure.

A 0;11 (18), en effet, le doute n'est plus guère possible sur leur interprétation. Laurent est de nouveau assis à sa table, et à côté d'une chaise. Il a devant lui divers objets (jouets en peluche, etc.). Or, au lieu de les jeter tous à terre, il en déplace plusieurs en les posant, tantôt à quelques centimètres de l'endroit où il les a pris, tantôt sur la chaise elle-même.

A 0;11 (29), il me saisit la main pour la poser à quelque distance de l'endroit où elle était et répète cette manoeuvre plusieurs fois de suite. Il la déplace également en l'air.

A 1;0 (23), il est assis devant une table et à côté d'un plateau. Il met un plot successivement entre ses jambes, sur la table, entre un coussin et le dossier de sa chaise, sur le plateau, par terre, etc., et étudie avec attention ces déplacements.

A 1;3 (4), encore, il répète ce que faisait Lucienne presque exactement au même âge - à 1;3 (13): il pivote sur sa base en déplaçant un caillou. Plus précisément, il est assis, pose un caillou devant lui, puis le déplace sur la droite, corrige sa propre position pour se remettre en face du caillou, le déplace de nouveau à droite et ainsi de suite jusqu'à décrire un cercle presque complet.