La construction du réel chez l'enfant – Observation 115

[p.171] Laurent est déjà parvenu, au cours du quatrième stade (voir obs. 92 et 93), à retourner les objets lorsque ceux-ci présentaient deux faces principales (en particulier un envers et un endroit). Deux progrès s'ajoutent à cela au cours du cinquième stade.

En premier lieu, l'enfant devient capable de retourner des objets à plusieurs faces équivalentes pour trouver l'une d'entre elles. Par exemple, à 1;0 (20), Laurent sait retrouver d'emblée le couvercle d'une boîte à peu près cubique. Dès 1;1 (24), il sait découvrir l'un des deux côtés sur lesquels il faut presser pour ouvrir une boîte d'allumettes ordinaire. A 1;3 (18), il retourne une pomme pour en retrouver la queue, etc. - Chacune de ces rotations nous parait impliquer plus qu'un simple «groupe» d'opérations réversibles: c'est en cela qu'elles sont supérieures à celles du quatrième stade.

En second lieu, Laurent est devenu capable, non pas seulement de retourner par rapport à lui les objets, même à plusieurs faces, mais encore de leur imprimer une rotation relative à d'autres objets ou à leurs supports. Lorsque, par exemple, à 1;0 (17), Laurent (obs. 110), pose une boîte en hauteur sur le sol pour la faire ensuite tomber, il lui arrive à plusieurs reprises de devoir la retourner avant de la poser: cette rotation est donc relative non pas seulement ,à lui mais au plan horizontal constitué par le sol.

[p.171] Il en est de même lorsqu'à 1;1 (24) ii met de petits meubles les uns sur les autres et surtout lorsqu'à 1;4 (0) il fait tenir en équilibre un plot allongé.

Mais voici quelques nouveaux faits. A 1;2 (25), il met une pomme dans une petite tasse pour renverser celle-ci aussitôt après. Même exercice avec un seau. A 1;5 (25), ii retourne un couvercle pour le poser sur une théière en cuivre, pour la renverser ensuite et faire tomber le couvercle. La rotation du couvercle est donc relative à sa position sur la théière et le renversement de celle-ci est destiné à faire chuter le couvercle: il y a donc ici deux mouvements de rotation relatifs l'un à l'autre.

A 1;6 (1), de même, Laurent retourne un chien en peluche, tombé sur le sol, pour le poser sur un coussin (en équilibre sur les pieds), puis il se penche lui-même pour voir le chien de face. N'y parvenant pas entièrement, il imprime au coussin une légère rotation, de 15° environ. Il y a donc ici encore un ensemble de mouvements «groupés» en fonction des relations des objets eux-mêmes.