La construction du réel chez l'enfant – Observation 141

[p.226] Nous avons déjà décrit (vol. I, obs. 124) les opérations élémentaires au moyen desquelles Jacqueline écartait les obstacles. A 0;8 (8), elle repousse ma main qui saisit son canard en même temps qu'elle et à 0;8 (17), elle repousse la main qui lui tend un remède désagréable. Elle prête donc à la main ou à la personne d'autrui une causalité spatialisée distincte de la sienne propre.

Bien plus, les actes simples ont donné lieu assez vite à des séries plus complexes au cours desquelles l'enfant attribue sans contredit une causalité propre aux mains et aux bras d'autrui. A 0;11 (19), par exemple, je retiens avec ma main les pieds de Jacqueline cachés sous une couverture. Elle ne voit donc ni ses pieds ni ma main. Elle essaie d'abord de se dégager sans plus, mais, n'y parvenant pas, elle se penche et repousse la partie visible de mon bras. Il n'est pas nécessaire d'invoquer ici une représentation des contacts, puisqu'ils sont sentis tactilement, mais on peut, à coup sûr, conclure que mon bras est conçu par Jacqueline comme cause de la rétention de son pied.