Fondation Jean Piaget

Présentation

1990 Gil Henriques.
Morphismes et transformations dans la construction d'invariants
Chapitre 13 de Jean Piaget, Gil Henriques et Edgar Ascher, Morphismes et Catégories. Comparer et transformer. Paris et Neuchâtel: Delachaux et Niestlé.
Texte PDF mis à disposition le 31.03.2008



Rédigé par Gil Henriques, philosophe et mathématicien, ce chapitre théorique à la fois très abstrait, synthétique et éclairant se base sur la distinction, introduite par l'auteur, entre invariant de remplacement et invariant de transformation. Les premiers, qui concernent les comparaisons d'objets ou de formes de tout niveau et donc en particulier les morphismes, ont leur source dans le processus d'assimilation et dans l'activité comparative qui en découle. Un même schème s'applique à différents objets qui, sous réserve des accommodations qu'ils nécessitent, offrent une équivalence fonctionnelle, une même "forme" par rapport au schème activé; d'où la notion d'invariant de remplacement proposée par Henriques pour caractériser ces objets, qu'ils concernent les réalités matérielles qui s'offrent aux schèmes d'action les plus élémentaires du sujet, ou les objets sur lesquels portent les morphismes mathématiques.

Quant aux invariants transformationnels, ils ont leur source dans l'action elle-même en tant que celle-ci n'entraîne pas seulement une assimilation d'un objet au schème d'action concerné, mais une modification ou une transformation de cet objet. Cette activité de transformation (et non pas simplement de comparaison), ainsi que les coordinations que le sujet est amené à introduire entre les transformations qu'il fait subir aux objets, sont à la source des structures opératoires et des invariants de transformation qu'impliquent nécessairement leur fermeture opérationnelle (comme l'illustre la construction des notions de conservation des quantités physiques et logico-mathématiques étudiées en épistémologie et en psychologie génétiques).

Mais ces deux familles d'activité assimilatrice et comparative, d'un côté, et de transformation, de l'autre, ne se développent pas sans que des liens s'établissent entre elles. L'application de l'activité comparative aux structures opératoires donnera en particulier naissance, au niveau de la science mathématique, à la théorie des structures mathématiques. Et en sens inverse, l'application des transformations opératoires (et des structures qu'elles composent) aux activités comparatives productrices des morphismes conduira dans les années 1940-1950 à la théorie mathématique des catégories. Par ailleurs, Henriques prend appui sur les résultats des enquêtes psychogénétiques exposées dans "Morphismes et catégories" pour souligner que de tels liens croisés entre activités de comparaison et leurs produits, d'un côté, et les activités de transformation et leurs produits, de l'autre, peuvent déjà se produire lors de la psychogenèse de la pensée opératoire chez l'enfant et l'adolescent.