Fondation Jean Piaget

Présentation

1936.
La naissance de l'intelligence chez l'enfant.
 Chap. 5: Le cinquième stade: La «réaction circulaire tertiaire» et la «découverte des moyens nouveaux par expérimentation active»
Texte PDF mis à disposition le 29.09.2008



Deux traits majeurs caractérisent ce 5e stade du développement de l'intelligence sensori-motrice: (1) la recherche active de nouveautés propre à ce que Piaget appelle la "réaction circulaire tertiaire", et (2) la recherche active de nouveaux moyens pour atteindre un but non directement atteignable, recherche qui est le propre de l'intelligence sensori-motrice pratique parvenue à l'avant-dernier stade de son développement et procédant par tâtonnements successifs dirigés.

En ce qui concerne la première caractéristique, l'enfant ne produit pas seulement des réactions circulaires, et donc ne crée pas seulement de nouveaux schèmes, lorsque des effets imprévus de ses actions aboutissent à des résultats intéressants (= réaction circulaire secondaire), ou lorsqu'une particularité du réel aboutit à différencier un schème préalablement acquis (= réaction circulaire primaire). Se trouvant dans une situation dans laquelle il ne cherche à atteindre aucun but particulier, il active l'un ou l'autre de ses schèmes familiers, avec pour seul mobile d'engendrer des effets inattendus et intéressants. Ayant provoqué un résultat intéressant, il répète aussitôt —comme dans le cas des réactions circulaires primaires et secondaires— l'action qui a abouti à ce résultat, mais alors en la modulant ou en la modifiant intentionnellement, de manière à observer les effets de ces modifications sur l'objet qui est au centre de son attention. Par là, il crée —par différenciation (des anciens schèmes mis en œuvre) et combinaison (entre schèmes activés au cours de la répétition circulaire tertiaire)— de nouveaux schèmes et prend connaissance des propriétés physiques et spatio-temporelles des objets sur lesquels porte son action. Piaget rapproche cette manière de procéder de "l'expérience pour voir" que l'on trouve dans le fonctionnement ultérieur de la pensée.

La seconde caractéristique principale de ce 5e stade est semblable à la première à la différence près que le choix d'un ancien schème acquis et les modifications qui lui sont apportées par le sujet ne sont plus orientées par l'intérêt général que manifeste le sujet pour la nouveauté en tant que telle (soit, la production d'effets inattendus), mais par un but très précis (par exemple saisir tel ou tel objet) non directement atteignable. À la différence de ce qui se passe au 4e stade, où sont apparues les premières coordinations moyen-fin, aucun des schèmes acquis ne lui permettant d'atteindre le but qu'il s'est fixé, le sujet se voit contraint de modifier, par tâtonnement orienté, l'un de ces schèmes, en créant ainsi, s'il y réussit, le moyen recherché. Ainsi sont créées, par tâtonnement dirigé, ces conduites typiques du 5e stade que sont les conduites du support, de la ficelle, et du bâton, et que Piaget découvre chez chacun de ses trois enfants (vers l'âge d'une année).