Fondation Jean Piaget

Présentation

1929.
L'adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de la Suisse romande: étude biométrique et génétique. II. Le génotype en aquarium
Revue suisse de zoologie, 36, fasc. 17, pp. 399-446.
Texte PDF mis à disposition le 07.09.2011



[Texte de présentation — version du 11 août 2011.]

Alors que la 1ère partie portait sur l’étude taxonomique et biométrique des limnées peuplant les régions littorales, sublittorales et d’eaux profondes des lacs et autres étendues d’eau de Suisse romande et d’ailleurs —étude conduite dans le but de confirmer la réalité de l’adaptation des mollusques aux différents milieux avec lesquels ils interagissent—, la deuxième partie rapporte les résultats d’une expérience d’élevage en aquarium (durée 3 ans) et de mesure de caractéristiques biométriques de générations de différentes variétés de Limnaea stagnalis. Cette expérience a pour but de départager autant que faire se peut les accommodations phénotypiques, individuelles et non prédéterminées, de variétés de limnées colonisant différents milieux, du génotype héréditaire propres à chacune de ces variétés (c’est-à-dire de l’ensemble des phénotypes préadaptés ou non de chaque lignée pure et non pas mélangée de limnées dans chacun des milieux qu’elle est susceptible de peupler, que ce soit activement ou par accident), et de découvrir ainsi si les formes phénotypiques particulières observées dans les milieux lacustres appartiennent à des variétés héréditairement adaptées à ces milieux, ou bien sont seulement le résultat d’une accommodation développementale actuelle des individus ayant colonisé ces milieux lacustres, sans modifications de leur patrimoine génétique ni, donc, du génotype de la variété à laquelle chacun appartient (patrimoine et génétype qui prédétermineraient donc, si modification du patrimoine il y avait eu dans le passé) la forme finale typiques de ces organismes indépendamment du milieu colonisé).

Les résultats de cet élevage en aquarium (dans les conditions ou l’eau n’est pas agitée par quelque procédé mécanique) montre que, de manière très générale, les phénotypes d’individus appartenant à des variétés de limnées typiquement observées dans les milieux non-lacustres et lacustres se conservent lorsque ces individus et leurs descendants (jusqu’à 5 ou 6 générations) sont placés dans ces conditions artificielles (eau calme des aquarium), ce qui démontre la permanence des génotypes et donc le caractère héréditaire des variétés lacustres et non-lacustres utilisées dans l’expérience.

Cette expérience révèle en particulier et surtout l’existence de deux variétés héréditaires de Limneae stagnalis vivant sur le littoral, dont l’une dans des régions très exposées au vent du lac de Neuchâtel ainsi que d’autres lacs offrant les mêmes conditions de vie. Elevées en aquarium, plusieurs générations de cette variété se caractérise par la très forte contraction des coquilles, alors que les limnées vivant en nature dans des régions non lacustres (mares ou étangs) sont plus allongées (une expérience complémentaire, procédant par croisement puis ségrégation mendéliens de cette variété à forme très contractée avec une autre variété non lacustre et de forme très allongées, confirme le caractère héréditaire de cette très forte contraction des coquilles de la première, comme d’ailleurs de la forme très allongée de la seconde). Selon Piaget, cette très forte contraction (qui se conserve en aquarium) provient vraisemblablement de l’accommodation ancienne de générations de limnaea stagnalis au littoral lacustre très exposé aux vents, et plus précisément des efforts répétés de générations de ces mollusques pour s’agripper aux roches ou aux cailloux du littoral lorsque les eaux du lac sont agitées par les vents,efforts qui se traduisent par une modification de forme de leur coquille — une thèse qui sera au centre de la troisième et dernière partie de l’article dans laquelle sont présentées les différentes théories biologiques susceptibles de rendre compte de l’origine des variétés héréditaires de limnées lacustres.