Fondation Jean Piaget

Présentation

1957.
L'épistémologie de la relation
In: L'évolution humaine: spéciation et relation / par J. Anthony... [et al.]. Paris: Flammarion, pp. 145-175.
Texte PDF mis à disposition le 18.06.2007



Ce texte est issu de sessions de travail organisées par l'Institut d'Étude des Relations Humaines sur le thème "Spéciation humaine et Relation" (nous n'avons pas retrouvé trace de cet Institut, qui semble avoir aujourd'hui disparu). L'exposé sur "L'épistémologie de la relation" a eu lieu lors de la séance de clôture. Il comporte deux parties principales, l'une consacrée à la psychogenèse du développement des relations, l'autre à des questions épistémologiques posées par la notion de relation
Dans la première partie de son intervention, Piaget compare les caractéristiques des relations telles qu'elles se présentent sur les plans de la perception et de l'intelligence représentative humaines, en ajoutant quelques considérations relatives à l'intelligence animale et à l'intelligence sensori-motrice du jeune enfant. Il y distingue les "relations modifiantes" voire "déformantes" qui apparaissent sur le plan de la perception, et les "relations conservantes" qui apparaissent dès les débuts de la pensée opératoire, vers 7 ans (avec de possibles formes voisines lors de la sixième étape de développement de l'intelligence sensori-motrice) – relations conservantes qui ne recouvrent cependant pas la totalité des compositions de relations propres à la pensée représentative. Les premières modifient les termes qu'elles relient, alors que les secondes les conservent. Les faits démontrent que la relation conservante, liée la construction des structures opératoires, est propre à l'espèce humaine "et encore à partir d'un certain niveau de culture collective et de développement individuel".

La deuxième partie de l'exposé a pour objet de clarifier la notion même de relation et d'examiner les rapports entre la relation et la classe ainsi qu'entre la relation et l'opération. En particulier, il s'oppose à tous ceux qui, comme Couturat – et ce conformément au réalisme logique de Russell –, refusent de rattacher les opérations logiques et mathématiques au fonctionnement de la pensée et les réduisent à de pures et simples relations préexistant à la pensée qui les saisit. L'opération est au contraire constructrice de relations nouvelles, ce qui ne l'empêche pas de toujours appartenir à un système ou structure, et d'être ainsi toujours reliée à d'autres opérations. Piaget distingue alors la "liaison", qui intervient partout, de la relation conservante, entendue plus strictement, c'est-à-dire au sens de la logique des relations. Enfin, dans sa conclusion finale, Piaget souligne que si le domaine des relations dépasse de beaucoup les seules relations conservantes, c'est le développement de ces dernières (donc de la pensée opératoire) qui seule permet de rendre compte des propriétés probabilistes des relations déformantes propres à la perception, mais aussi à la pensée préopératoire, ou aux différents systèmes des valeurs non-normatives (économiques, etc.).