Fondation Jean Piaget

Présentation approfondie

Georg W. F. Hegel (1870-1831). Philosophe allemand

Hegel est, avec Fichte et Schelling, le créateur de l’idéalisme allemand, puissant mouvement de pensée qui a profondément marqué l’essor de la philosophie au dix-neuvième siècle. En prenant le contre-pied de la critique kantienne qui posait des limites à la pensée humaine dans sa prétention à connaître l’être en soi, Hegel identifie celui-ci et la pensée en concevant l’être comme le développement logique de l’idée ou du concept. Pour Hegel, qui donne un pouvoir de connaissance démesuré à la déduction logique, l’être est le produit d’un mouvement dialectique qui, pour toute idée, se compose des trois moments de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse. Ce triple moment créateur peut être constaté aussi bien dans le monde extérieur, et par exemple dans la production des êtres vivants, que dans le monde de l’esprit. L’histoire de la réalité absolue, qui s’achèverait avec l’idéalisme allemand et la doctrine de Hegel, montrerait l’extériorisation d’une pensée pure et inconsciente se faisant nature (temps et espace), puis le mouvement inverse par lequel la réalité, la pensée, se retournerait sur elle-même pour devenir conscience de soi et savoir absolu.

Aussi difficile soit-elle à lire et comprendre, et aussi extravagante qu’elle apparaisse à bien des égards, il y a peu de doute que la philosophie de Hegel a profondément marqué l’essor des idées au dix-neuvième siècle en faisant contrepoids à un matérialisme simpliste qui se développait dans la foulée du progrès des sciences physico-chimiques. La description, certes en bonne partie enrobée dans une construction métaphysique et logique débridée, que Hegel donne du développement de la pensée à travers l’histoire alors connue de l’humanité paraît indéniablement avoir préparé les travaux, plus modestes et mieux empiriquement fondés, des sociologues et des psychologues généticiens (en particulier les travaux de Baldwin).

Piaget lui-même n’a probablement pas lu Hegel. Mais parmi les auteurs qu’il découvre dans les années dix et dans les années vingt, plusieurs sont marqués plus ou moins profondément par cette prise de conscience aiguë du développement dialectique de la pensée à travers les siècles. Aussi on ne saurait être surpris que, lorsque Piaget posera explicitement comme problème premier de l’épistémologie génétique celui des mécanismes de construction cognitive, il ne manquera pas de se référer à Hegel. Probablement poussé dans cette direction par plusieurs de ses collaborateurs du Centre d’épistémologie, il lui empruntera d’ailleurs le terme de "dialectique" pour l’incorporer à sa propre conception et souligner à son tour, ce faisant, les sauts qualitatifs et les multiples dépassements découverts par la psychologie génétique dans le développement de la pensée logico-mathématique et de la pensée physique chez l’enfant.

Parmi les nombreux ouvrages de Hegel, mentionnons "La phénoménologie de l’esprit" de 1807, traduite en français par Jean Hyppolite. Hegel y retrace l’histoire de l’esprit, de la conscience sensible, jusqu’à la raison et au savoir absolu.