Fondation Jean Piaget

Description élargie

régulation
"Nous appelons régulations les compensations partielles dues aux décentrations qui tendent à modérer les déformations inhérentes à chaque centration. La régulation est donc engagée sur la voie de la réversibilité et constitue bien l'intermédiaire entre l'assimilation déformante (centration) et l'assimilation opératoire" (Le développement des notions de mouvement et de vitesse chez l’enfant, p. 170).

Une régulation est un processus spécialisé grâce auquel un système (ou un sous-système) finalisé tend à atteindre l’un de ses états d’équilibre. L’équilibre visé peut être "statique", comme la température d’un organisme vivant, ou dynamique, comme une succession régulière et canalisée d’états (en ce dernier cas, le réglage peut porter, par exemple, sur la vitesse de transformation d’un état à un autre).

Empruntée aux constructeurs de machines cybernétiques, la notion de régulation est l’une des plus importantes catégories élaborées par la science du dix-neuvième siècle et du vingtième pour rendre compte du fonctionnement des organisations vivantes et des réalités psychologiques et sociologiques qui s’y attachent. Elle est l’une des notions de base qui permettent de distinguer le règne de la vie (y compris les artefacts construits par les organismes intelligents) du règne de la matière et de l’énergie, support du premier.

La régulation est en effet, et notamment, ce qui permet de distinguer la causalité circulaire que l’on trouve au sein de la matière, de la causalité cybernétique, également circulaire, que l’on trouve à l’oeuvre au sein de la vie et qui fait intervenir la notion de finalité. Il n’y a de régulation que par rapport à une fin ou un but. Elle est le processus qui, étant donné une fin, agit sur les actions ou les moyens permettant de l’atteindre de telle manière que le but fixé soit atteint.

Les régulations interviennent à tous les niveaux au sein du vivant. Il peut s’agir par exemple des processus qui assurent le maintien d’une température acceptable au sein de l’organisme, ou encore, à une échelle inférieure, des régulations génétiques qui agissent sur la synthèse des protéines au sein d’une cellule. Mais il peut s’agir aussi, à l’autre extrême, de l’activité complexe, pouvant elle-même faire intervenir une foule de micro-régulations, par laquelle un sujet cherche à gérer son comportement de manière à vivre à peu près confortablement (matériellement ou mentalement). La notion de régulation rejoint alors la notion de règles directrices de l’action que les philosophes, et spécialement Kant, avaient introduite dans leur conception des rapports entre la raison et l’action.

Il peut s’agir enfin, et ce sont plus particulièrement ces régulations qui ont intéressé Piaget, des actions de décentration ou de compensation par lesquelles le sujet corrige les effets trompeurs d’une centration, ou cherche à combler les lacunes de son système cognitif. S’il est aujourd’hui assez facile de décrire, au moyen de modèles cybernétiques, les processus de régulation agissant dans un contexte précis et limité, il est beaucoup plus difficile, et peut-être impossible vu l’entrelacement et la complexité des systèmes en jeu, de modéliser de façon satisfaisante les régulations intervenant au niveau supérieur de la conduite humaine.