Fondation Jean Piaget

Présentation de l'œuvre: Préambule

Un éclairage toujours actuel sur la psychologie de l’intelligence
Intérêt de l’oeuvre du point de vue philosophique
... et du point de vue épistémologique
Une oeuvre complexe


Introduction

Il y a deux mille cinq cents ans environ, savants et philosophes de l’Asie mineure et de la Grèce antique ont posé un certain nombre d’interrogations fondamentales sur l’homme et sur la connaissance de l’univers qui seront à l’origine de la "pensée occidentale". «Qui sommes-nous?», «Que pouvons-nous connaître?», «Peut-on se fier à la raison humaine?», mais aussi bien sûr «Que devons-nous faire?», «Que pouvons-nous espérer?» - De telles interrogations ont nourri l’esprit des plus grands savants et philosophes, de Platon à Kant, d’Aristote à Darwin, et ce sont certaines d’entre elles qui apportent la clé de l’oeuvre de Piaget. Le présent document a pour but de faciliter l’accès à cette dernière, dont chaque partie ne se comprend bien que si elle est reliée à chaque autre. Tout jeune, l’auteur s’est d’abord passionné pour des problèmes touchant la biologie, puis la philosophie. Sa double formation et l’état général d’évolution des problèmes en biologie et en philosophie l’ont conduit au projet d’établir une épistémologie ou une théorie de la connaissance basée sur la biologie et ses méthodes, puis sur la psychologie. Les décennies de recherche qu’il consacrera à la réalisation de ce projet l’entraîneront à proposer une conception nouvelle de la connaissance, le constructivisme, basée sur des réponses originales apportées aux questions sur la genèse des formes vivantes et des formes de la pensée (*).

* [Cette présentation de l'œuvre fait l'objet d'une mise à jour progressive associant à certaines de ses sections des extraits vocaux permettant d'écouter Piaget ou ses plus proches collaborateurs s'exprimant sur un thème voisin des passages concernés].

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Un éclairage toujours actuel sur la psychologie de l’intelligence

En cherchant à résoudre des problèmes formulés par les philosophes de l’Antiquité au moyen de la psychologie, Piaget n’a pas seulement fortement contribué à leur apporter des solutions plausibles. Il a tout autant contribué à éclairer les comportements humains. Appliquée au domaine des conduites humaines, l’interrogation épistémologique permet de mieux comprendre leur pourquoi et leur comment. Tout parent qui a fait l’effort de lire les ouvrages, certes difficiles, que Piaget a consacré au développement de l’intelligence enfantine, reconnaîtra mieux l’extraordinaire travail intellectuel de ses enfants, et cela dès les semaines qui suivent la naissance.

Il comprendra par exemple combien le simple fait de se mouvoir dans l’espace ou y déplacer des objets, comme celui de coordonner son action et celle d’autrui, ou de coordonner ce que l’enfant pense et ce que pense autrui, sont en réalité des activités compliquées qui exigent la construction lente et progressive de connaissances et de savoir-faire de différents niveaux de difficulté. Il comprendra aussi que le monde de l’enfant n’est pas donné d’avance, mais qu’il est le résultat de cette construction dont l’oeuvre psychologique de Piaget décrit l’impressionnante organisation.
L’intelligence de l’enfant est aussi remarquable, dans son ingéniosité et sa créativité, que celle des plus grands savants, et c’est elle qui lui permet de devenir un être humain à part entière, un adulte libre et autonome pouvant répondre aux exigences éthiques de la raison humaine. C’est cela que l’oeuvre de Piaget révèle, et c’est par cela qu’elle peut enchanter toute personne qui fera l’effort de l’assimiler, sans pour autant acquiescer forcément à toutes ses affirmations.

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Intérêt de l’oeuvre du point de vue philosophique

Les questions qui sont au coeur de l’entreprise piagétienne trouvent pour la plupart leur source directe dans la philosophie. C’est notamment le cas du problème de l’origine et de la nature de la raison humaine. Et c’est aussi le cas des questions portant sur la signification, l’origine ou la valeur des différentes sortes de connaissances scientifiques. Toute personne intéressée par ce type de problèmes ne devrait pas manquer de prendre connaissance des solutions apportées par Piaget. Pour ne pas se méprendre à leur sujet, il faudra pourtant qu’il sache constamment les rattacher à ces réponses d’enfants que l’auteur ne perd jamais de vue lorsqu’il avance une thèse. Mais l’extraordinaire détour que Piaget a fait pour apporter des éléments de solutions un tant soit peu fiables aux questions sur l’origine, la signification ou la valeur des connaissances est à lui seul une leçon de sagesse.

Piaget a peu écrit sur la philosophie. Celle-ci est pourtant sans cesse présente entre les lignes de ses textes d’épistémologie, de psychologie, de sociologie, voire même de biologie. Ceci donne à son oeuvre une saveur, une valeur humaine et une dimension éthique que les philosophes sauront reconnaître.

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... et du point de vue épistémologique

Les recherches consacrées soit à l’histoire des sciences, soit surtout à la psychogenèse des notions scientifiques chez l’enfant et l’adolescent ont considérablement enrichi notre compréhension de ces connaissances dites élémentaires (l’arithmétique élémentaire, la géométrie élémentaire, etc.), mais dont les mathématiciens de la fin du dix-neuvième siècle ont découvert qu’elles continuent à donner sens et pour certaines à fonder les sciences les plus avancées. Souvent des savants ne comprennent pas que l’on puisse perdre du temps à étudier l’intelligence de l’enfant pour comprendre le sens des connaissances scientifiques. Mais d’autres, qui ne confondent pas la profondeur d’une explication avec sa complexité, ont su apprécier l’éclairage que les résultats de l’épistémologie génétique, si simples soient-ils, peuvent jeter sur leur science.

Outre cet apport, l’épistémologie génétique est susceptible de contribuer d’une toute autre façon à l’essor des sciences. Ses thèses les plus importantes portant sur le problème du rapport entre les sciences, il en résulte une défense de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité qui pourrait progressivement se voir concrétisée dans le fonctionnement même des institutions universitaires.

Qui se rappelle aujourd’hui que Piaget est le premier à avoir formulé cette notion de transdisciplinarité qui marque peu à peu de son empreinte le fonctionnement des sciences? Certes l’épistémologie génétique est aujourd’hui relayée par les sciences cognitives dans cette défense d’une autre conception de l’organisation universitaire. Mais tout indique que l’oeuvre de Piaget est une source d’inspiration pour ces sciences, et qu’elle le deviendra de plus en plus si celles-ci continuent à unir dans un commun effort les interrogations et les méthodes des biologistes, des éthologues, des psychologues, des sociologues, des linguistes, des logiciens, des mathématiciens, des physiciens, des ingénieurs, etc., pour aboutir à une compréhension meilleure de la "cognition", et donc de l’intelligence et des connaissances.

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Une oeuvre complexe

Les quelques considérations précédentes le suggèrent; l’oeuvre de Piaget est complexe non pas tant par les thèses qui y sont proposées (seuls les travaux de logique offrent une difficulté qui en rend la lecture plus ardue) que par la multiplicité des domaines qu’elle recouvre (la biologie, la psychologie, l’épistémologie, la logique, la sociologie, la philosophie, pour ne mentionner que les principaux), ainsi que par l’organisation qui les attache les uns aux autres. En ceci cette oeuvre est proche des organisations biologiques, psychologiques et sociales qui constituent son objet d’étude principal, et c’est un peu avec les mêmes méthodes que l’on utilise pour comprendre le vivant qu’il faut l’approcher si on veut la saisir dans toute son ampleur et sa profondeur.

C’est en partie pour rendre un peu plus accessible la structure organique de l’oeuvre que ce document a été conçu. Aussi l’utilisateur est-il invité à en visiter les différentes parties, découpées selon les caractéristiques de l’oeuvre: la structure (les domaines de recherche dans lesquels Piaget s’est investi), la genèse (les étapes de l’oeuvre), l’interaction (l’environnement cognitif ou intellectuel dans lequel l’oeuvre s’est développée).

Ce que l’utilisateur découvrira ainsi, c’est une image de l’oeuvre en miniature. Il pourra se faire une certaine idée de ses parties, de son évolution, de l’environnement dans laquelle elle s’est construite. A partir de là, s’il souhaite pénétrer et comprendre davantage tel ou tel chapitre de cette oeuvre, des indications bibliographiques lui indiqueront les ouvrages ou les articles de Piaget qui ont servi de base pour la construction de cette image (ces indications sont loin d’être systématiques et exhaustives; des compléments utiles pourront être trouvés à ce sujet dans l’ouvrage de R. Droz et de M. Rahmy "Lire Piaget", publié chez Dessart en 1972).

Un certain nombre d’outils d’information sont par ailleurs offerts tels que des repères biographiques, des glossaires d’auteurs et de notions, ou encore des liens hypertextes vers de brèves définitions, ou vers des références bibliographiques... L’utilisateur pourra également imprimer la section du texte dans laquelle il se trouve afin d’en permettre une lecture plus soutenue.

Bien sûr le voyage intellectuel auquel nous invitons le lecteur de ce document ne saurait se parcourir en un court laps de temps (sauf pour qui connaît déjà l’oeuvre de Piaget). Il y faudra du temps et un rythme de parcours adapté à la complexité de l’univers offert. Mais il est toujours possible de ne chercher au sein de ce document que les indications permettant d’aller directement aux sources, c’est-à-dire aux textes originaux de Piaget, comme il est possible de brièvement se remettre à l’esprit tel ou tel chapitre de son oeuvre (les six stades de l’objet permanent par exemple).

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[…] les opérations spatiales telles que les réunions et partitions, les placements et déplacements, les mesures, etc., […] engendrent l’espace "intuitif" (au sens des mathématiciens), de la même manière que les opérations de classement engendrent les classifications logiques et que l’opération + 1 engendre la suite des nombres entiers.<