Fondation Jean Piaget

Les nombres réels

Bien que les études sur la genèse du nombre portent essentiellement sur les nombres naturels et sur les rationnels, les nombres plus abstraits ne sont pas complètement absents des travaux de psychologie génétique.

C’est le cas en particulier des nombres irrationnels, dont on sait que la découverte par les mathématiciens grecs a provoqué un choc profond chez des philosophes pour qui le nombre entier était considéré comme le fondement de la réalité.

Mais, de même que dans l’histoire des sciences, ces nombres sont associés à l’essor de la géométrie, de même est-ce dans les travaux sur la genèse de la représentation de l’espace, et plus précisément dans les travaux sur le continu ainsi que sur la mesure spatiale, que l’on trouve quelques indications suggestives relatives à la genèse de ces nombres, et donc des réels.

Ainsi, après avoir montré, au moyen de problèmes de partition de formes géométriques (fig. 11), que l’intuition opératoire du continu géométrique n’est accessible qu’au stade des opérations formelles, Piaget et Inhelder signalent que cette intuition ne s’appuie en général que sur la seule notion arithmétique de la série illimitée des nombres entiers.

Les enfants interrogés ignoreraient «l’espèce spéciale des nombres destinés à combler les lacunes subsistant entre les points dénombrables», et il leur manquerait «une théorie des limites» (JP48b, p. 179).

Seulement ces quelques indications sont plus des suggestions que de franches affirmations sur l’absence d’une intuition des nombres irrationnels au stade formel.

Seules des expériences ayant pour objet non plus la genèse du continu géométrique, mais la genèse de ces nombres, permettraient de confirmer ou d’infirmer ces suggestions; et il y a fort à parier que, de même que les enfants du quatrième stade disposent des opérations leur permettant de se faire une première notion opératoire du continu géométrique, ils disposent aussi des opérations leur permettant d’approcher la notion de nombre réel dans des situations que cette notion pourrait éclaircir.

Haut de page







[…] dès le point de départ de l’activité sensori-motrice, les actions particulières, qui donnent lieu aux premières connaissances physiques impliquent une coordination entre elles, et cette coordination, constitue la première forme de ce que seront les liaisons logico-mathématiques, en particulier spatiales. Inversement, il ne saurait y avoir, sur le plan de l’action, de coordination générale sans actions particulières à coordonner. Il y a donc dès le principe union du physique et du logico-mathématique, non pas sous la forme de deux réalités d’abord indépendantes qui entreraient en contact, mais sous la forme de deux aspects à la fois indissociables et irréductibles de la même totalité active.