Fondation Jean Piaget

Constructivisme biologique et sciences cognitives


L’impressionnant édifice théorique bâti par Piaget à la fois sur le plan spéculatif, mais aussi sur le plan des expériences biologiques et psychologiques, appelle deux remarques concernant sa place dans les récentes sciences cognitives.

On relèvera d’abord que l’auteur fut le premier à entrevoir dans toute son ampleur l’existence d’une véritable "biologie cognitiviste", c’est-à-dire de l’importance de la présence au sein du vivant de mécanismes apparentés aux processus cognitifs constatés sur le terrain de l’intelligence. Dans le même sens on relèvera aussi la place qu’il accorde très tôt à la notion de régulation.

Cela signifie que l’un des grands bonheurs intellectuels de Piaget a peut-être été de constater que la biologie de la deuxième moitié du vingtième siècle a amplement confirmé la lecture logique et "précybernétique" que lui-même avait très tôt faite des processus biologiques. Contrairement à bien des biologistes antidarwiniens, il a ainsi pu trouver dans le livre "Hasard et nécessité" du néo-darwinien Jacques Monod, apparemment si contraire à son propre antidarwinisme, beaucoup plus de convergence que de divergence avec une conception constructiviste de l’évolution du vivant.

Quant à la continuité que Piaget conçoit entre les mécanismes généraux du vivant et l’intelligence humaine, elle fournit l’une des deux raisons pour lesquelles, tout en percevant bien l’étonnant parallélisme qui peut exister entre les machines logiques ou programmées de l’intelligence artificielle et les opérations de l’intelligence humaine, Piaget n’a jamais accepté l’idée que l’intelligence artificielle soit autre chose qu’une simulation, au sens strict du terme, de l’intelligence naturelle. L’intelligence artificielle n’est pas organique, n’est pas enracinée dans une organisation équivalente à l’organisation biologique. La deuxième raison est la reconnaissance de l’existence et du rôle de la conscience, qui restent encore mystérieux du point de vue de l’explication biologique.

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Dans la mesure où l’action propre est réfléchie, et non plus seulement vécue intuitivement, dans la mesure, pourrait-on presque dire, où il y a analyse réflexive et non plus seulement introspection, les résultats de cette action, sa rapidité ou cadence et les divers événements dont elle est constituée s’intègrent en une totalité cohérente dans laquelle l’ordre de succession, d’une part, et l’emboîtement des durées, d’autre part, s’appuient l’un sur l’autre exactement de la même manière que dans la construction du temps physique.