Fondation Jean Piaget

La perception spatiale : Bilan des recherches

Les solutions classiques
Solution constructiviste


Les solutions classiques

La thèse du fondement empirique des connaissances spatiales a depuis longtemps paru être une évidence, dans la mesure où notre perception extérieure ne cesse de nous mettre en présence de formes et de relations spatiales.

Bien sûr on peut immédiatement opposer à cette épistémologie spontanée une thèse contraire, innéiste, basée sur l’observation que toute sensation est foncièrement subjective. Piaget lui-même ira en partie dans cette direction en identifiant les sensations à des sortes de symboles élémentaires dont le sens est fourni par les schèmes d’assimilation.

Même si l’on fait abstraction de cette constatation relative à la nature des sensations on peut observer que l’appareil perceptif tout entier paraît préadapté à extraire les relations spatiales inhérentes au milieu, comme le montre le chat qui n’a pas beaucoup d’apprentissage à faire pour bondir sur sa proie sans la manquer, preuve qu’il perçoit correctement la distance le séparant de celle-ci.

Ceci semblerait démontrer que le fondement de l’espace est inné, puisque c’est la présence de cet appareil qui permettrait la détection des relations spatiales. Cette constatation du caractère préadapté de l’appareil perceptif donnerait ainsi partiellement raison à l’apriorisme de Kant.

D’autres arguments permettent de contrecarrer l’empirisme spontané qui nous fait croire que les relations spatiales existent toutes faites dans le milieu et que les étudier fournira le fondement des connaissances géométriques. L’existence des illusions perceptives montrent que ces relations spatiales ne sont pas aussi "vraies" qu’il n’y paraît, et que ce que nous voyons à l’extérieur comme relations spatiales pourrait ne pas vraiment s’y trouver.

Mais si l’on admet avec Helmholtz (JP50a, p. 155) que notre vision actuelle de l’espace dépend en partie de notre expérience perceptive passée et de la force des liens d’association qu’elle établit entre nos anciennes perceptions, l’empirisme peut trouver sur ce point une parade possible.

A la différence de l’associationnisme, les recherches sur la vision entreprises par la psychologie de la Gestalt ("Gestaltpsychologie") montrent la capacité qu’a notre appareil perceptif de compléter de manière purement interne ce qui est effectivement présent dans le milieu physique de telle façon que ce nous voyons s’apparente à de bonnes formes spatiales.

En définitive l’ensemble des solutions proposées en ce qui concerne la perception de l’espace paraît ainsi osciller entre l’empirisme et l’innéisme, avec comme position intermédiaire celle de l’école de la Gestalt.

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Solution constructiviste

Que permet alors de conclure l’enquête psychogénétique en ce qui concerne les phénomènes relevant de la vision? Deux choses essentielles.
    – La première est l’intervention d’activités très élémentaires (peut-être dues aux micro-mouvements oculaires) de mises en correspondance statistique des composantes sensorielles intervenant au sein d’une centration perceptive, mises en correspondance qui suffisent à expliquer l’ensemble des illusions perceptives que Piaget a étudiées dans ses études sur la perception.

    – La seconde est l’existence d’activités de niveau supérieur, qui régulent le déplacement rapide des centrations oculaires; ces régulations permettent à l’intelligence d’agir de manière inconsciente sur la constitution des formes visuelles de bas niveau et expliquent que les illusions perceptives peuvent changer au cours du développement cognitif.
Deux conclusions épistémologiques peuvent de plus être tirées des deux interprétations théoriques précédentes, élaborées dans le cadre des recherches psychogénétiques sur la perception.
    – La première est la confirmation de la place accordée par Kant et Brunschvicg à l’activité du sujet dans la genèse des connaissances: cette activité intervient au niveau de la perception spatiale déjà, et cela indépendamment de la signification que viendra ajouter l’insertion de cette perception dans une boucle plus large de fonctionnement sensori-moteur ou représentatif.

    – La seconde conclusion concerne le caractère construit de l’espace de la perception: les recherches psychogénétiques montrent que l’espace perçu est sous-tendu par un ensemble de "connaissances" implicites qui se construisent progressivement au cours du développement de l’enfant.
Le constructivisme reçoit ainsi une confirmation sur un terrain où elle était loin d’être acquise d’avance.

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[…] au cours des constructions logico-mathématiques, l’espace réel ou physique et l’espace mathématique des coordinations de l’action sont si isomorphes à notre échelle d’observation que l’abstraction à partir de l’objet interfère souvent avec l’abstraction à partir des actions ou opérations…