Fondation Jean Piaget

Naissance de l'intelligence


Un organisme vivant réalise un comportement adaptatif lorsqu’il accomplit une action (ou une suite d’action) satisfaisant une finalité. Cette finalité et l’action correspondante peuvent appartenir à des niveaux très différents de l’évolution des conduites.

Ainsi, dans le cas d’un réflexe ou d’un instinct, la finalité résulte en dernière instance du mécanisme phylogénétique constitutif de l’évolution biologique, ou bien d’un mécanisme d’apprentissage de bas niveau, tel que le conditionnement opérant, par lequel une finalité seconde (par exemple celle d’écarter un obstacle) est attachée à la finalité biologiquement prédonnée à l’organisme (par exemple celle d’atteindre de la nourriture).

D’autres comportements adaptatifs appartiennent à des niveaux supérieurs de conduite.

C’est le cas du comportement intelligent: la capacité d’atteindre un but en coordonnant de façon plus ou moins arbitraire, mais de manière intentionnelle, ce qui est alors perçu par l’organisme comme moyen d’atteindre le but visé.

Tel qu’il se manifeste dans les derniers stades du développement de l’intelligence sensori-motrice, ce comportement devient de plus en plus efficace en fonction des compétences nouvelles qui le sous-tendent et que Piaget a mises en évidence en étudiant ses trois enfants.

Il est évident que la multiplication des comportements de tout niveau conduit à relativiser la notion d’adaptation.

Un comportement qui satisfait une finalité primitive d’un organisme (telle que la nutrition ou la reproduction sexuelle) peut contrecarrer une fin intentionnellement poursuivie par le même organisme. Inversement, certaines conduites de niveau supérieur peuvent contrecarrer les finalités primitives inscrites dans l’organisme et qui assurent la survie de l’espèce à laquelle cet organisme appartient.

La longue et minutieuse étude que Piaget, avec l’aide de sa femme, a réalisée sur l’évolution des comportements adaptatifs chez ses trois enfants a abouti à l’une des descriptions et analyses les plus systématiques, fouillées et exhaustives qui soient des multiples actions par lesquelles le bébé agit sur son milieu et apprend à le connaître, à l’apprivoiser et à le modifier (à l’exception des comportements spécifiquement sociaux, seulement effleurés dans cette étude).

Réalisées entre 1925 et 1935 environ, ces descriptions et ces analyses restent encore aujourd’hui les plus éclairantes que nous possédions sur la naissance de l’intelligence à partir des comportements adaptatifs les plus élémentaires.

Notons enfin que, même si Piaget a limité son étude aux comportements sensori-moteurs du bébé, la portée de celle-ci dépasse largement le cadre des deux premières années de la vie. Les procédés adaptatifs et constructifs mis en évidence chez le bébé s’appliquent aussi bien aux actions qui s’acquièrent tout au long de la vie, à la différence qu’ils seront alors complétés et le plus souvent subordonnés à des procédés acquis par la suite et qui mettent en jeu l’intelligence représentative.

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Dans la mesure où l’action propre est réfléchie, et non plus seulement vécue intuitivement, dans la mesure, pourrait-on presque dire, où il y a analyse réflexive et non plus seulement introspection, les résultats de cette action, sa rapidité ou cadence et les divers événements dont elle est constituée s’intègrent en une totalité cohérente dans laquelle l’ordre de succession, d’une part, et l’emboîtement des durées, d’autre part, s’appuient l’un sur l’autre exactement de la même manière que dans la construction du temps physique.