Fondation Jean Piaget

Langage et naissance de l’intelligence


Devant les résultats somme toute décevants des premières études sur les rapports entre le langage et la pensée, on peut comprendre que pendant longtemps Piaget ne reviendra plus sur la question du langage. Ce n’est que lorsqu’il s’interrogera sur la formation du symbole chez l’enfant qu’il prêtera à nouveau quelque attention à cet instrument privilégié de la pensée et des échanges sociaux.

Bien que l’intérêt porté au langage reste secondaire, comparé à celui porté à la représentation imagée, les résultats partiels formulés dans l’ouvrage sur "La formation du symbole" (JP45) sont beaucoup plus importants pour l’explication psychogénétique du langage que ceux exposés en 1923 (JP23).

Ils montrent comment le développement psychogénétique du langage est triplement dépendant de la genèse de l’intelligence (ce qui ne signifie pas que cette genèse suffise à expliquer l’apparition de ce qui est avant tout un "fait social").
    D’abord, l’acquisition des matériaux du langage fait intervenir des processus d’imitation qui résultent de la construction de l’intelligence sensori-motrice.

    Ensuite, aussi limité soit-il, l’examen par Piaget des débuts du langage chez ses enfants, des premiers sons jusqu’aux premiers mots, puis de ceux-ci jusqu’aux premières "phrases", etc., montre qu’il est lié aux progrès de l’intelligence sensori-motrice, puis représentative ().

    Enfin cet examen montre aussi comment ces progrès dépendent en partie de la construction des mots et des phrases. De cette interpénétration des imitations sonores puis verbales, et de l’usage qui en est fait pour représenter la réalité extérieure et communiquer avec autrui naissent, par exemple, de premiers "schèmes verbaux" qui servent «d’intermédiaires entre les schèmes d’intelligence sensori-motrice et les schèmes conceptuels (JP45, p. 252).
Bref, les quelques pages consacrées au début du langage chez l’enfant laissent apparaître une esquisse d’analyse des relations entre la pensée et le langage qui est certainement la contribution la plus précieuse apportée par Piaget à la psychologie génétique du langage.

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Le jeu est une réalité que l’enfant veut bien croire à lui tout seul, exactement comme le réel est un jeu que l’enfant veut bien jouer avec l’adulte et tous ceux qui y croient aussi. Dans les deux cas, la croyance est ou très forte ou très faible, suivant qu’on la caractérise par son intensité momentanée ou par sa durée, mais, dans aucun des deux cas, elle ne requiert de justification intrinsèque. Il faut donc dire du jeu enfantin qu’il constitue une réalité autonome, entendant par là que la réalité « vraie » à laquelle il s’oppose est beaucoup moins « vraie » pour l’enfant que pour nous.

J. Piaget, Le jugement et le raisonnement chez l'enfant, 1924, 3e éd. et suivantes, p. 195-196