Fondation Jean Piaget

Niveau 3: des reconstitutions "opératoires"


Les réponses données par les enfants du troisième stade au problème de la sériation (fig. 53) confirment le parallélisme, sur ce point, du développement de la mémoire et celui de l’intelligence. Pour ce qui est de l’intelligence, l’enfant de ce niveau parvient à établir une sériation correcte des baguettes. Quant à la reconstruction du souvenir-image, le dessin produit est lui aussi généralement correct.

Il y a toutefois de faibles discordances possibles, dont l’intérêt est qu’elles se font en sens inverse de ce qui était constaté dans les précédents stades: après une semaine, le dessin peut manifester un léger retard par rapport à la résolution empirique du problème de la sériation (le sujet décrit une série correcte, mais qui ne contient que quatre ou cinq des neuf bâtons initiaux; ou bien il ne tient compte que de l’alignement des sommets, la base des bâtons n’étant pas alignée)!

D’autres recherches permettent de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent les progrès du souvenir-image à ce troisième stade. Lorsque, après quelques semaines, on demande aux enfants de reconstruire (c’est-à-dire d’évoquer en action), et non pas seulement d’évoquer par le dessin, une situation expérimentale qu’on leur a montré lors de la première séance, leurs résultats sont meilleurs.

Un exemple d’une telle recherche est celle de la transposition à l’étude de la mémoire de l’étude sur la conservation des liquides: on fait constater aux enfants l’égalité des quantités de liquide contenu dans deux verres avant de transvaser l’un des deux verres dans un troisième de forme différente (fig. 56).

Lorsque quelques semaines après on leur demande soit, pour certains sujets, de dessiner, soit, pour d’autres, de reconstituer ce qu’ils ont vu, il apparaît que le souvenir par reconstitution est supérieur à ce stade à l’évocation par le dessin parce qu’il est plus proche d’une réactivation du schème opératoire concerné par le problème du transvasement des liquides (JP68a, pp. 132-134).

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En vertu de l’ « innocence » de son jugement, l’enfant raisonne […] comme s’il était seul à penser : son point de vue sur sa famille lui paraît le seul possible et exclut toute autre perspective. Ce n’est donc pas pour lui un point de vue subjectif : c’est le point de vue réel et absolu. Dès lors, ne prenant pas conscience de la subjectivité de sa pensée, ou plus simplement de son moi, il se met lui-même sur un tout autre plan que ses frères : c’est ce qui l’empêche de voir qu’il est un frère pour ses frères, exactement au même titre que ces derniers sont des frères pour lui.

J. Piaget, Le jugement et le raisonnement chez l'enfant, 1924, 3e éd. et suivantes, p. 78