Chapitres de 1923 à 1930
1923.
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 1: Les fonctions du langage de deux enfants de six ans
Texte PDF mis à disposition le 21.10.2012
- Présentation
[Texte de présentation - version du 13 septembre 2012.]
Ce chapitre d’un livre qui s’inscrit en complément des premières recherches de Piaget sur le développement de la logique de l’enfant vise à cerner le fonctionnement et les fonctionsdu langage et de la communication à travers une étude systématique des propos spontanés observés et catalogués pendant un mois chez deux enfants de 6 ans ½ fréquentant la Maison des Petits (institution préscolaire associée à l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève dans lequel Piaget avait été récemment engagé à titre de chef de travaux). Complétée par d’autres données recueillies une année plus tard chez l’un des deux enfants, l’analyse de leur production langagière observées lors d’activités librement choisies par chacun d’eux a permis de mettre en évidence la forte proportion, à l’âge de 6 ½ ans encore, de pensées verbalisées mais «non communicables» à autrui, par rapport à la proportion bien plus faible observée à 7 ½ ans. Près de la moitié des productions émises par chacun des deux enfants étaient en effet de type «égocentrique», en d’autres termes sans considération de ce que les autres enfants pouvaient entendre des propos émis (les pensées « non communicables » sont composées des formes « autistiques » ou non-dirigées de pensées, ainsi que des formes égocentriques, plus contrôlées). Piaget observe également que parmi les productions verbales, rares sont, toujours à 6 ans ½, celles cherchant soit à convaincre les autres enfants au moyen d’une argumentation, soit à leur fournir le pourquoi d’un phénomène (ce type de productions étant plus fréquents lors des échanges enfant-adulte).
Hormis les quelques premières statistiques prudemment exposées dans ce chapitre, ce dernier est intéressant en ce qu’il contient une description de différents types de productions verbales observées chez les enfants de la Maison des Petits: répétitions inconscientes de propos tenus par autrui, simples monologues accompagnant l’action, sans fonction sociale, monologues à la cantonade ou « collectifs » (comme les désigne Piaget), informations adaptées, questions, prières, menaces, etc. Selon leurs caractéristiques respectives, ces différents types de productions se répartissent soit en langage égocentrique, soit en langage socialisé (spontané ou non), c’est-à-dire tenant compte du récepteur du message énoncé.
Pour conclure, notons que, quand bien même cette recherche sur les fonctions du langage, comme d’ailleurs celles exposées dans les autres chapitres de ce livre, est périphérique par rapport aux questions qui sont au coeur de la psychologie génétique de Piaget, elle n’en demeurera pas moins tout au long de son oeuvre l’une des composantes importantes de la théorie générale du développement cognitif à laquelle aboutiront l’ensemble des recherches piagétiennes, leur auteur n’ayant jamais cessé de soutenir le rôle nécessaires des échanges intellectuels, et donc du langage, dans la genèse de la pensée et des opérations logiques, ces dernières étant en retour condition de la progression du langage, instrument de ces échanges.
Ce chapitre d’un livre qui s’inscrit en complément des premières recherches de Piaget sur le développement de la logique de l’enfant vise à cerner le fonctionnement et les fonctionsdu langage et de la communication à travers une étude systématique des propos spontanés observés et catalogués pendant un mois chez deux enfants de 6 ans ½ fréquentant la Maison des Petits (institution préscolaire associée à l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève dans lequel Piaget avait été récemment engagé à titre de chef de travaux). Complétée par d’autres données recueillies une année plus tard chez l’un des deux enfants, l’analyse de leur production langagière observées lors d’activités librement choisies par chacun d’eux a permis de mettre en évidence la forte proportion, à l’âge de 6 ½ ans encore, de pensées verbalisées mais «non communicables» à autrui, par rapport à la proportion bien plus faible observée à 7 ½ ans. Près de la moitié des productions émises par chacun des deux enfants étaient en effet de type «égocentrique», en d’autres termes sans considération de ce que les autres enfants pouvaient entendre des propos émis (les pensées « non communicables » sont composées des formes « autistiques » ou non-dirigées de pensées, ainsi que des formes égocentriques, plus contrôlées). Piaget observe également que parmi les productions verbales, rares sont, toujours à 6 ans ½, celles cherchant soit à convaincre les autres enfants au moyen d’une argumentation, soit à leur fournir le pourquoi d’un phénomène (ce type de productions étant plus fréquents lors des échanges enfant-adulte).
Hormis les quelques premières statistiques prudemment exposées dans ce chapitre, ce dernier est intéressant en ce qu’il contient une description de différents types de productions verbales observées chez les enfants de la Maison des Petits: répétitions inconscientes de propos tenus par autrui, simples monologues accompagnant l’action, sans fonction sociale, monologues à la cantonade ou « collectifs » (comme les désigne Piaget), informations adaptées, questions, prières, menaces, etc. Selon leurs caractéristiques respectives, ces différents types de productions se répartissent soit en langage égocentrique, soit en langage socialisé (spontané ou non), c’est-à-dire tenant compte du récepteur du message énoncé.
Pour conclure, notons que, quand bien même cette recherche sur les fonctions du langage, comme d’ailleurs celles exposées dans les autres chapitres de ce livre, est périphérique par rapport aux questions qui sont au coeur de la psychologie génétique de Piaget, elle n’en demeurera pas moins tout au long de son oeuvre l’une des composantes importantes de la théorie générale du développement cognitif à laquelle aboutiront l’ensemble des recherches piagétiennes, leur auteur n’ayant jamais cessé de soutenir le rôle nécessaires des échanges intellectuels, et donc du langage, dans la genèse de la pensée et des opérations logiques, ces dernières étant en retour condition de la progression du langage, instrument de ces échanges.
1923.
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 3: Les types et les stades de conversation entre enfants de 4 à 7 ans
Texte PDF mis à disposition le 02.11.2012
1923.
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 4: La compréhension et l'explication verbales entre enfants…
Texte PDF mis à disposition le 19.11.2012
1923.
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 5: Quelques particularités de la compréhension verbale chez l'enfant de 9 à 11 ans
Texte PDF mis à disposition le 03.12.2012
1923.
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 6: Les questions d'un enfant de 6 ans
Texte PDF mis à disposition le 10.12.2012
1923(1948).
Le langage et la pensée chez l’enfant.
Chapitre 2 (de la 3e éd.): La mesure du langage égocentrique…
Texte PDF mis à disposition le 10.11.2012
- Présentation
[Texte de présentation - version du 17 septembre 2012.]
Ce chapitre met en lumière la diminution progressive du "langage égocentrique », mais de manière différenciée selon les milieux dans lesquels les enfants verbalisent. Mais l’intérêt principal de ce chapitre publié dans la 3e édition de «Langage et pensée chez l’enfant» publiée en 1948 est qu’il permet de prendre connaissance de la progression de la notion piagétienne d’égocentrisme (dès lors différenciée avec insistance de la notion commune d’égoïsme) ainsi que de l’explication proposée par Piaget de la diminution voire de la disparition de l’égocentrisme intellectuel et de l’égocentrisme social (dont la diminution de l’égocentrisme verbal est un indice). Si la plus grande partie de ce chapitre semble avoir été rédigée au début des années trente et répond à des critiques formulées dans les années qui ont suivi la publication, en 1923, de la première édition de «Langage et pensée», les derniers paragraphes rattachent l’explication du dépassement de l’égocentrisme intellectuel et social à la découverte (par Piaget, vers la fin des années trente puis surtout dans les années 1940) des structures opératoires de l’intelligence — en d’autres termes de certains groupements et groupes d’opérations logico-mathématiques qui sous-tendent les activités et jugements intellectuels des enfants à partir de 6-7 ans environ.
Ce chapitre met en lumière la diminution progressive du "langage égocentrique », mais de manière différenciée selon les milieux dans lesquels les enfants verbalisent. Mais l’intérêt principal de ce chapitre publié dans la 3e édition de «Langage et pensée chez l’enfant» publiée en 1948 est qu’il permet de prendre connaissance de la progression de la notion piagétienne d’égocentrisme (dès lors différenciée avec insistance de la notion commune d’égoïsme) ainsi que de l’explication proposée par Piaget de la diminution voire de la disparition de l’égocentrisme intellectuel et de l’égocentrisme social (dont la diminution de l’égocentrisme verbal est un indice). Si la plus grande partie de ce chapitre semble avoir été rédigée au début des années trente et répond à des critiques formulées dans les années qui ont suivi la publication, en 1923, de la première édition de «Langage et pensée», les derniers paragraphes rattachent l’explication du dépassement de l’égocentrisme intellectuel et social à la découverte (par Piaget, vers la fin des années trente puis surtout dans les années 1940) des structures opératoires de l’intelligence — en d’autres termes de certains groupements et groupes d’opérations logico-mathématiques qui sous-tendent les activités et jugements intellectuels des enfants à partir de 6-7 ans environ.
1924.
Le jugement et le raisonnement chez l'enfant.
Chap.1: Grammaire et logique
Texte PDF mis à disposition le 08.02.2013
- Présentation
[FJP/25 janvier 2013]
Ce chapitre a pour objet d’étude l’emploi des conjonctions de connexion causale et logique, ainsi que des « conjonctions de discordance » chez l’enfant. La double analyse à la fois grammaticale et logique des réponses des enfants de différents âges à des problèmes de compréhension et d’expression verbales révèle les conditions sociales et logiques qui conditionnent la compréhension et la maîtrise des conjonctions grammaticales exprimant des rapports logiques et de causalité (parce que, puisque, donc, quoique, etc.).
Bien que Piaget ne découvrira les structures opératoires sous-tendant la pleine maîtrise des opérations logico-mathématiques que dans la seconde moitié des années 1930 (pour la pensée concrète) et la fin des années 1940 (pour la pensée formelle), sa connaissance initiale de l’algèbre logique, et ses premières recherches sur le développement de la pensée logique de l’enfant lui permettent déjà de découvrir, en 1923-24, le rôle déterminant d’opérations telles que la multiplication logique, du réglage du général et du particulier (du tous et du quelques, condition logique de la déduction), mais aussi celui des décentrations intellectuelles imposées par la confrontation avec la pensée d’autrui dans la compréhension et la maîtrise de ces formes grammatico-logiques. Chez le jeune enfant au contraire, la pensée prélogique procède par juxtaposition des éléments considéré, avec simplement un sentiment peu différencié de relation entre ceux-ci (syncrétisme).
Ce chapitre a pour objet d’étude l’emploi des conjonctions de connexion causale et logique, ainsi que des « conjonctions de discordance » chez l’enfant. La double analyse à la fois grammaticale et logique des réponses des enfants de différents âges à des problèmes de compréhension et d’expression verbales révèle les conditions sociales et logiques qui conditionnent la compréhension et la maîtrise des conjonctions grammaticales exprimant des rapports logiques et de causalité (parce que, puisque, donc, quoique, etc.).
Bien que Piaget ne découvrira les structures opératoires sous-tendant la pleine maîtrise des opérations logico-mathématiques que dans la seconde moitié des années 1930 (pour la pensée concrète) et la fin des années 1940 (pour la pensée formelle), sa connaissance initiale de l’algèbre logique, et ses premières recherches sur le développement de la pensée logique de l’enfant lui permettent déjà de découvrir, en 1923-24, le rôle déterminant d’opérations telles que la multiplication logique, du réglage du général et du particulier (du tous et du quelques, condition logique de la déduction), mais aussi celui des décentrations intellectuelles imposées par la confrontation avec la pensée d’autrui dans la compréhension et la maîtrise de ces formes grammatico-logiques. Chez le jeune enfant au contraire, la pensée prélogique procède par juxtaposition des éléments considéré, avec simplement un sentiment peu différencié de relation entre ceux-ci (syncrétisme).
1924.
Le jugement et le raisonnement chez l'enfant.
Chap.2: La pensée formelle et le jugement de relation
Texte PDF mis à disposition le 18.02.2013
1924.
Le jugement et le raisonnement chez l'enfant.
Chap.3: La relativité progressive des notions
Texte PDF mis à disposition le 17.01.2010
- Présentation
[Texte de présentation ; version au 17 janvier 2010 ; nous remercions Frank Jamet, de l’IUFM de Paris-Versailles, pour l’aide apportée à l’édition numérique de ce chapitre et à la rédaction du présent texte de la notice de présentation.]
Dans ce chapitre III, Piaget cherche à identifier les obstacles que rencontre l’enfant lorsqu’il doit raisonner sur des notions relatives comme celles de «frère», de «sœurs», «à droite», «à gauche». Il interroge 240 enfants de 3 à 12 ans en leur posant six questions relatives aux relations fraternelles ou sororales (combien de frères as-tu ? combien de sœurs, combien de frères a ton frère, etc). Six questions relatives à la place (gauche ou droite) de différents objets les uns par rapport aux autres leur sont également posées. Les résultats montrent qu’il faut attendre l’âge de 10-11 ans pour que 75% des enfants répondent correctement tant à l’ensemble des questions relatives aux relations fraternelles qu’à celles ayant trait aux notions de «droite» et de «gauche». Ces résultats conduisent l’auteur à étendre son investigation à l’évolution de la notion de «famille», maîtrisée également seulement vers 10-11 ans, ou encore aux notions de «pays», de «ville» et de «canton», et aux liens entre ces entités géographiques (avec des questions du type : «peut-on être Suisse et Genevois?» dont les difficultés de réponse sont mises en rapport avec une recherche précédente sur la notion de partie). Toutes ces recherches aboutissent à des conclusions similaires. L’évolution de l’intelligence enfantine passerait de l’égocentrisme et du réalisme, — étape de pensée où les objets sont considérés du seul point de vue de l’enfant, et comme des singuliers ou des absolus, non mis en relation les uns avec les autres — à une étape intermédiaire où des relations commencent à être établies entre ces objets, mais toujours du seul point de vue de l’enfant interrogé, pour aboutir enfin, lors d’une troisième étape à un relativisme désubjectivisé, ceci grâce à une mise en réciprocité de l’ensemble des points de vue à partir desquelles les relations en jeu peuvent être considérées (comme l’exemple classique de la maîtrise des notions relatives de gauche et de droite le révèle : d’un certain point de vue un objet peut être à gauche d’un autre tout en étant à droite d’un troisième, alors que du point de vue qui lui est opposé, les relations de gauche et de droite sont inversées).
Dans ce chapitre III, Piaget cherche à identifier les obstacles que rencontre l’enfant lorsqu’il doit raisonner sur des notions relatives comme celles de «frère», de «sœurs», «à droite», «à gauche». Il interroge 240 enfants de 3 à 12 ans en leur posant six questions relatives aux relations fraternelles ou sororales (combien de frères as-tu ? combien de sœurs, combien de frères a ton frère, etc). Six questions relatives à la place (gauche ou droite) de différents objets les uns par rapport aux autres leur sont également posées. Les résultats montrent qu’il faut attendre l’âge de 10-11 ans pour que 75% des enfants répondent correctement tant à l’ensemble des questions relatives aux relations fraternelles qu’à celles ayant trait aux notions de «droite» et de «gauche». Ces résultats conduisent l’auteur à étendre son investigation à l’évolution de la notion de «famille», maîtrisée également seulement vers 10-11 ans, ou encore aux notions de «pays», de «ville» et de «canton», et aux liens entre ces entités géographiques (avec des questions du type : «peut-on être Suisse et Genevois?» dont les difficultés de réponse sont mises en rapport avec une recherche précédente sur la notion de partie). Toutes ces recherches aboutissent à des conclusions similaires. L’évolution de l’intelligence enfantine passerait de l’égocentrisme et du réalisme, — étape de pensée où les objets sont considérés du seul point de vue de l’enfant, et comme des singuliers ou des absolus, non mis en relation les uns avec les autres — à une étape intermédiaire où des relations commencent à être établies entre ces objets, mais toujours du seul point de vue de l’enfant interrogé, pour aboutir enfin, lors d’une troisième étape à un relativisme désubjectivisé, ceci grâce à une mise en réciprocité de l’ensemble des points de vue à partir desquelles les relations en jeu peuvent être considérées (comme l’exemple classique de la maîtrise des notions relatives de gauche et de droite le révèle : d’un certain point de vue un objet peut être à gauche d’un autre tout en étant à droite d’un troisième, alors que du point de vue qui lui est opposé, les relations de gauche et de droite sont inversées).
1924.
Le jugement et le raisonnement chez l’enfant.
Chap.4: Le raisonnement chez l’enfant
Texte PDF mis à disposition le 04.03.2013
- Présentation
[FJP, 11 février 2013]
Ce chapitre a pour objet principal de déterminer, sur la base de plusieurs ensembles d’observations, les étapes ou stades par lesquels passe le raisonnement logique chez l’enfant, ainsi que les facteurs ou mécanismes qui permettent à celui-ci de franchir ces étapes. Alors que le raisonnement prélogique du jeune enfant se caractérise, jusque vers 6-7 ans en moyenne, par ce que Piaget appelle des « transductions », c’est-à-dire des séries irréversible d’affirmations pour l’essentiel simplement juxtaposées ou reliées « syncrétiquement » les unes aux autres, il faut attendre 11-12 ans en moyenne pour que la pensée parvienne à relier déductivement c’est-à-dire opératoirement (notamment par additions et multiplications logiques) les propositions énoncées. Dans la période intermédiaire, l’enfant parvient déjà à esquisser des raisonnements logiques sur des réalités qu’il peut concrètement percevoir ou imaginer, mais il ne peut le faire sur des propositions verbales purement hypothétique. Les caractéristiques des liaisons que les jeunes enfants établissent entre les faits observés s’expliquent par les deux traits apparemment contradictoires de leur pensée et de leur attitude intellectuelle: l’égocentrisme (c’est-à-dire le défaut de décentration par rapport au point de vue propre), ainsi que le défaut de prise de conscience de soi et de sa propre activité (défaut qui est la conséquence de cette absence de décentration, absence que les échanges avec autrui contribueront à réduire peu à peu).
Il faudra cependant attendre le résultat des nombreuses enquêtes en cours et à venir sur le développement de la pensée concrète des enfants telle qu’elle se manifeste entre 6-7 et 10-11 ans pour que Piaget découvre, dans la deuxième moitié des années 1930, que cette forme de pensée comporte déjà une logique partiellement composée des mêmes opérations, mais ne pouvant opérer sur les contenus verbaux de propositions hypothétiques ou formelles (quoique faisant sens pour les sujets interrogés), mais seulement sur la réalité sur laquelle porte la pensée de ces enfants, réalité composée d’objets pouvant effectivement ou même imaginairement être manipulés par eux. Cette découverte ultérieure aura pour effet, sinon de rendre caduque la conception du développement logique exposé dans cet ouvrage de 1924, du moins d’en relativiser la portée descriptive et explicative, et de démontrer la présence, entre 6-7 et 10-11 ans, d’une forme de pensée déjà capable de « réversibilité complète » et d’accord logique avec elle-même, en d’autres termes de normativité logique reposant alors sur une forme limitée (ou concrète) et non pas encore généralisée (ou formelle) d’ « implication nécessaire entre les opérations en tant que telles » (p. 157).
Ce chapitre a pour objet principal de déterminer, sur la base de plusieurs ensembles d’observations, les étapes ou stades par lesquels passe le raisonnement logique chez l’enfant, ainsi que les facteurs ou mécanismes qui permettent à celui-ci de franchir ces étapes. Alors que le raisonnement prélogique du jeune enfant se caractérise, jusque vers 6-7 ans en moyenne, par ce que Piaget appelle des « transductions », c’est-à-dire des séries irréversible d’affirmations pour l’essentiel simplement juxtaposées ou reliées « syncrétiquement » les unes aux autres, il faut attendre 11-12 ans en moyenne pour que la pensée parvienne à relier déductivement c’est-à-dire opératoirement (notamment par additions et multiplications logiques) les propositions énoncées. Dans la période intermédiaire, l’enfant parvient déjà à esquisser des raisonnements logiques sur des réalités qu’il peut concrètement percevoir ou imaginer, mais il ne peut le faire sur des propositions verbales purement hypothétique. Les caractéristiques des liaisons que les jeunes enfants établissent entre les faits observés s’expliquent par les deux traits apparemment contradictoires de leur pensée et de leur attitude intellectuelle: l’égocentrisme (c’est-à-dire le défaut de décentration par rapport au point de vue propre), ainsi que le défaut de prise de conscience de soi et de sa propre activité (défaut qui est la conséquence de cette absence de décentration, absence que les échanges avec autrui contribueront à réduire peu à peu).
Il faudra cependant attendre le résultat des nombreuses enquêtes en cours et à venir sur le développement de la pensée concrète des enfants telle qu’elle se manifeste entre 6-7 et 10-11 ans pour que Piaget découvre, dans la deuxième moitié des années 1930, que cette forme de pensée comporte déjà une logique partiellement composée des mêmes opérations, mais ne pouvant opérer sur les contenus verbaux de propositions hypothétiques ou formelles (quoique faisant sens pour les sujets interrogés), mais seulement sur la réalité sur laquelle porte la pensée de ces enfants, réalité composée d’objets pouvant effectivement ou même imaginairement être manipulés par eux. Cette découverte ultérieure aura pour effet, sinon de rendre caduque la conception du développement logique exposé dans cet ouvrage de 1924, du moins d’en relativiser la portée descriptive et explicative, et de démontrer la présence, entre 6-7 et 10-11 ans, d’une forme de pensée déjà capable de « réversibilité complète » et d’accord logique avec elle-même, en d’autres termes de normativité logique reposant alors sur une forme limitée (ou concrète) et non pas encore généralisée (ou formelle) d’ « implication nécessaire entre les opérations en tant que telles » (p. 157).
1924.
Le jugement et le raisonnement chez l’enfant.
Chap.5: Résumé et conclusions. Les traits principaux de la logique de l’enfant
Texte PDF mis à disposition le 11.03.2013
- Présentation
[FJP, 10 mars 2013]
Dans ce chapitre de conclusion, qui résume l’essentiel des faits présentés dans les chapitres précédents ainsi que quelques faits tirés de nouvelles recherches en cours, Piaget procède à une analyse psychologique très fine des jugements et des apparences de raisonnement observés chez les jeunes enfants. Le défaut de logique que présente ces enfants se traduit par des phénomènes tels que la juxtaposition sans raison d’affirmations quant aux réalités considérées, ou encore à la façon syncrétique dont ils relient les uns aux autres les concepts et jugements successifs pour les accommoder à une signification d’ensemble, ceci de manière toute subjective et donc sans permanence ni réversibilité logique possible, faute d’avoir acquis les opérations additives et multiplicatives de classes et relations logiques.
Dans ce chapitre de conclusion, qui résume l’essentiel des faits présentés dans les chapitres précédents ainsi que quelques faits tirés de nouvelles recherches en cours, Piaget procède à une analyse psychologique très fine des jugements et des apparences de raisonnement observés chez les jeunes enfants. Le défaut de logique que présente ces enfants se traduit par des phénomènes tels que la juxtaposition sans raison d’affirmations quant aux réalités considérées, ou encore à la façon syncrétique dont ils relient les uns aux autres les concepts et jugements successifs pour les accommoder à une signification d’ensemble, ceci de manière toute subjective et donc sans permanence ni réversibilité logique possible, faute d’avoir acquis les opérations additives et multiplicatives de classes et relations logiques.
1926.
La représentation du monde chez l'enfant. Introduction
Texte PDF mis à disposition le 26.05.2008
- Présentation
Avec le texte publié une année plus tard sur La causalité physique chez l'enfant, l'ouvrage de 1926 sur La représentation du monde chez l'enfant est le pendant, sur le plan des relations entre sujet et objet – c'est-à-dire de la façon dont le sujet conçoit et explique le monde – des deux premiers livres de Piaget sur Le langage et la pensée chez l'enfant (1923) et Le jugement et le raisonnement chez l'enfant (1924), qui avaient pour objet la logique de la pensée enfantine et son lien avec le langage. Ces quatre ouvrages résument la première conception de l'auteur sur les étapes d'évolution de la pensée de l'enfant et de l'adolescent. Mais l'étude sur La représentation du monde chez l'enfant contient par ailleurs une importante introduction, dans laquelle l'auteur expose les principes de la méthode clinique-critique créée lors de ses premières recherches de psychologie génétique, entre 1924-1925. Par la suite, la méthode ici décrite sera complétée et modifiée de manière à mettre en évidence les particularités de la pensée concrète et non plus seulement verbale de l'enfant (l'enfant sera confronté à un matériel bien concret, qu'il pourra manipuler en fonction des problèmes posés et qui servira de base à ses jugements). Les considérées méthodologiques développées dans cette introduction s'appliquent pourtant à la totalité des démarches cliniques-critiques, que celles-ci se passent sur le plan de la pensée verbale, de la pensée concrète, voire, en un certain sens, des expériences et mises en scène qui permettront dès 1927 à Piaget de découvrir les étapes de l'intelligence sensori-motrice et de la construction du réel chez ces trois enfants, entre 0 et 2 ans.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Introduction à la section 1 et Chapitre I: Expériences relatives à la nature de l'air
Texte PDF mis à disposition le 28.11.2008
- Présentation
Le présent document contient deux parties. La première consiste en une brève introduction générale de deux pages. En plus d'esquisser le plan d'un premier ensemble d'enquêtes exposé dans la section 1 de l'ouvrage sur "La causalité physique chez l'enfant", Piaget y mentionne les trois méthodes (1. verbale, 2. mi-verbale et 3. reposant sur de "petites expériences de physique") utilisées pour déterminer les caractéristiques de l'explication physique chez l'enfant, entre 4 et 12 ans. On a là un indice — à côté d'autres — de ce que la "méthode clinique-critique" a pris très tôt, chez son inventeur, une forme concrète qui sera la voie par laquelle seront réalisées les grandes découvertes sur la genèse de la pensée opératoire chez l'enfant.
La deuxième partie de ce document contient le chapitre I de "La causalité physique chez l'enfant". Y sont rapportées les différentes conceptions que les enfants se font successivement de la nature de l'air. Après une période caractérisée par la présence massive d'explications artificialistes et animistes, on trouve, à propos du rapport qu'il peut y avoir entre l'air et le déplacement d'un objet lancé dans l'espace, l'explication par le reflux de l'air provoqué par cet objet comme cause de la prolongation de ce mouvement. Comme le relève Piaget, cette explication par le reflux de l'air était l'une de celles exposées par Aristote dans sa physique (= explication par l'antipéristasis). Piaget reviendra plusieurs fois au cours des chapitres ultérieurs, mais aussi dans son œuvre ultérieure, sur cette similitude entre l'une des conceptions qui semblaient plausibles à une étape marquante de l'histoire de la pensée humaine, et l'explication spontanée des enfants parvenus à un certain niveau de construction de leur compréhension des mouvements des corps physique.
La deuxième partie de ce document contient le chapitre I de "La causalité physique chez l'enfant". Y sont rapportées les différentes conceptions que les enfants se font successivement de la nature de l'air. Après une période caractérisée par la présence massive d'explications artificialistes et animistes, on trouve, à propos du rapport qu'il peut y avoir entre l'air et le déplacement d'un objet lancé dans l'espace, l'explication par le reflux de l'air provoqué par cet objet comme cause de la prolongation de ce mouvement. Comme le relève Piaget, cette explication par le reflux de l'air était l'une de celles exposées par Aristote dans sa physique (= explication par l'antipéristasis). Piaget reviendra plusieurs fois au cours des chapitres ultérieurs, mais aussi dans son œuvre ultérieure, sur cette similitude entre l'une des conceptions qui semblaient plausibles à une étape marquante de l'histoire de la pensée humaine, et l'explication spontanée des enfants parvenus à un certain niveau de construction de leur compréhension des mouvements des corps physique.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre II: L'origine du vent et de la respiration
Texte PDF mis à disposition le 01.12.2008
- Présentation
Ce chapitre apporte un complément à l'examen de la nature de l'air traité précédemment. Les explications sur cette origine traversent les mêmes stades que celles données pour la nature de l'air. Pour le cas du vent, ces explications procèdent d'une sorte d'artificialisme initial (le vent créé pour les besoins de l'être humain), à une capacité attribuée aux choses (les arbres, etc.) ou même, étape plus avancée, au vent lui-même, de produire du vent, toutes explications alors teintées d'animisme. Ce n'est que chez un seul sujet de 13 ans que sera trouvée une explication qui cherche à rester sur un plan purement mécanique et ne cherche plus à attribuer des forces substantielles aux objets physiques. Par ailleurs, l'examen des réponses apportées par les enfants sur l'origine de la respiration —en plus de montrer là aussi une progression de l'artificialisme vers des explications qui ne sortent pas du cadre mécanique— permet à Piaget de discuter la conception que des psychanalystes proposent de l'origine de la notion d'âme.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre III: Le mouvement des nuages et des astres
Texte PDF mis à disposition le 09.12.2008
- Présentation
L'examen des explications du mouvement des nuages et des astres conduit à distinguer 5 étapes. Les premières explications relèvent de la "pensée magique". Ce sont les êtres vivants eux-mêmes qui, en se déplaçant, font que les nuages ou les astres les suivent. La deuxième étape est une combinaison d'animisme et d'artificialisme (nuages et astres ont une capacité interne de se mouvoir, mais ils le font parce que les humains ou d'autres entités pensantes le veulent). Lors du troisième stade, les nuages et les astres se meuvent toujours d'eux-mêmes, mais non plus selon des fins fixées extérieurement, mais selon des fins propres aux choses elles-mêmes ("l'artificialisme est transféré sur les choses elles-mêmes"; les nuages se déplacent selon des contraintes fixées par d'autres êtres, par exemple les astres). Avec le quatrième stade on retrouve l'explication par "antiperistasis": les nuages produisent le vent qui les pousse en avant). Enfin, vers 9 ans, le mouvement des corps inertes reçoit une explication entièrement mécanique, sans plus aucune trace de dynamisme et de finalisme interne.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre IV: Le courant de l'eau et les mouvements dus à la pesanteur
Texte PDF mis à disposition le 22.12.2008
- Présentation
Dans ce chapitre, les questions posées aux enfants de 5 à 11 ans environ portent sur le mouvement des vagues (sur un lac), ou encore de l'eau dans les rivières, mais aussi sur ce qui fait que les nuages ou les astres ne tombent pas, ou au contraire sur la chute d'un objet (un caillou, etc.) lorsqu'on le lâche. A quelques nuances près, on retrouve toujours la même progression entre des explications qui, au départ, sont un mélange d'animisme (force intérieure) et d'artificialisme (cause externe), teinté de finalisme, pour aboutir à la recherche d'une causalité purement mécanique (physique) ne faisant intervenir que le poids et l'inertie, avec des stades intermédiaires dont celui dans lequel on voit à nouveau certains enfants évoquer un double moteur à la fois interne et externe qui rappelle l'antiperistasis d'Aristote.
Un point retient particulièrement l'attention dans ce chapitre. Il concerne une première notion de poids que l'on voit apparaître chez les enfants. Dans le contexte de la chute des corps et plus généralement de la pesanteur, les jeunes enfants ne font pas appel à ce qui apparaît évident aux enfants plus avancés: le poids physique (absolu ou relatif) des objets considérés. Si le soleil, les nuages, etc., ne tombent pas, c'est pour des raisons artificialistes, ou animistes ou les deux: ils le veulent bien, ou ils sont assez fort pour rester en haut. Si, dans ce contexte, le poids peut être évoqué par un jeune enfant, c'est précisément dans le sens où être lourd signifie avoir la force de rester en l'air. Et si c'est la chute d'un caillou qu'il s'agit d'expliquer, le jeune enfant n'évoquera pas le poids en tant que propriété physique, mais des raisons qui pourront relever de l'artificialisme: le caillou veut aller par terre, et il a d'autant plus de force (interne) pour le faire qu'il est lourd, qu'il a du poids. A contrario, le jeune enfant n'évoquera pas la légèreté d'un objet (relativement au milieu ambiant) pour expliquer pourquoi il monte: s'il monte, c'est parce que l'air le pousse (et non pas le fait qu'il est plus léger que l'air). Ce chapitre offre ainsi une première illustration de la façon dont la mentalité du jeune enfant donne une signification particulière à cette notion de poids : celle-ci ne prendra son sens proprement physique que lorsque sera abandonnée cette forme primitive d'explication qui réunit sans les différencier ce qui relève du physique (mécanisme), du vivant (animisme et dynamisme interne) et du conscient (artificialisme et finalisme).
Notons enfin la présence dans ce chapitre d'une expérience présentée qui anticipe une recherche ultérieure sur la chute des corps sur un plan incliné (JP55f): deux objets sont présentés aux enfants qui les reconnaissent correctement, l'un comme lourd et l'autre comme léger. Ces deux objets sont ensuite placés en haut d'un plan incliné et les enfants doivent anticiper lequel parviendra en bas en premier. Avant 6 ans, la plupart des enfants répondent que le plus léger arrivera le plus vite en bas. Dès 7 ans, ils répondront tous que le plus lourd arrivera plus vite en bas. Mais chez ces derniers, avant toute explication purement mécanique, c'est l'idée de force intérieure attribuée aux corps qui explique leur différence de vitesse. Si l'objet le plus lourd arrivera en premier en bas de la pente, c'est qu'étant plus lourd il a plus de force. Comme le résume Piaget, à ce niveau, «le poids implique simplement une force latente, à la fois poussée et résistance, et pouvant être utilisée pour toutes les fins» (p.125). Les enfants entre 7 et 10 ans pourront en effet affirmer, à propos de ces objets lointains que sont les nuages ou le soleil, que c'est parce qu'ils sont lourds, et donc forts, qu'ils ne tombent pas. C'est là tout le paradoxe des explications physiques encore teintées de dynamisme observées chez ces enfants (paradoxe que l'on retrouve d'ailleurs chez l'adulte en raison du caractère profondément anthropomorphique ou subjectif de la notion de poids!).
(Un petit extrait d'un film tourné par Inhelder et ses collaborateurs dans les années 1960 illustre ce que deviendra dans les années 1940-1950 l'expérience dite du plan incliné proposée aux enfants et aux adolescents: Gisèle, 11 ans, et le plan incliné; comme le montre ce film, il ne s'agit plus seulement d'étudier la mentalité enfantine qui sous-tend les explications des enfants, mais également de mettre à jour les "attitudes expérimentales" des enfants et des adolescents, la façon dont ils s'y prennent pour atteindre les lois et les facteurs explicatifs des phénomènes physiques auxquels l'épistémologiste psychologue les confronte…)
Un point retient particulièrement l'attention dans ce chapitre. Il concerne une première notion de poids que l'on voit apparaître chez les enfants. Dans le contexte de la chute des corps et plus généralement de la pesanteur, les jeunes enfants ne font pas appel à ce qui apparaît évident aux enfants plus avancés: le poids physique (absolu ou relatif) des objets considérés. Si le soleil, les nuages, etc., ne tombent pas, c'est pour des raisons artificialistes, ou animistes ou les deux: ils le veulent bien, ou ils sont assez fort pour rester en haut. Si, dans ce contexte, le poids peut être évoqué par un jeune enfant, c'est précisément dans le sens où être lourd signifie avoir la force de rester en l'air. Et si c'est la chute d'un caillou qu'il s'agit d'expliquer, le jeune enfant n'évoquera pas le poids en tant que propriété physique, mais des raisons qui pourront relever de l'artificialisme: le caillou veut aller par terre, et il a d'autant plus de force (interne) pour le faire qu'il est lourd, qu'il a du poids. A contrario, le jeune enfant n'évoquera pas la légèreté d'un objet (relativement au milieu ambiant) pour expliquer pourquoi il monte: s'il monte, c'est parce que l'air le pousse (et non pas le fait qu'il est plus léger que l'air). Ce chapitre offre ainsi une première illustration de la façon dont la mentalité du jeune enfant donne une signification particulière à cette notion de poids : celle-ci ne prendra son sens proprement physique que lorsque sera abandonnée cette forme primitive d'explication qui réunit sans les différencier ce qui relève du physique (mécanisme), du vivant (animisme et dynamisme interne) et du conscient (artificialisme et finalisme).
Notons enfin la présence dans ce chapitre d'une expérience présentée qui anticipe une recherche ultérieure sur la chute des corps sur un plan incliné (JP55f): deux objets sont présentés aux enfants qui les reconnaissent correctement, l'un comme lourd et l'autre comme léger. Ces deux objets sont ensuite placés en haut d'un plan incliné et les enfants doivent anticiper lequel parviendra en bas en premier. Avant 6 ans, la plupart des enfants répondent que le plus léger arrivera le plus vite en bas. Dès 7 ans, ils répondront tous que le plus lourd arrivera plus vite en bas. Mais chez ces derniers, avant toute explication purement mécanique, c'est l'idée de force intérieure attribuée aux corps qui explique leur différence de vitesse. Si l'objet le plus lourd arrivera en premier en bas de la pente, c'est qu'étant plus lourd il a plus de force. Comme le résume Piaget, à ce niveau, «le poids implique simplement une force latente, à la fois poussée et résistance, et pouvant être utilisée pour toutes les fins» (p.125). Les enfants entre 7 et 10 ans pourront en effet affirmer, à propos de ces objets lointains que sont les nuages ou le soleil, que c'est parce qu'ils sont lourds, et donc forts, qu'ils ne tombent pas. C'est là tout le paradoxe des explications physiques encore teintées de dynamisme observées chez ces enfants (paradoxe que l'on retrouve d'ailleurs chez l'adulte en raison du caractère profondément anthropomorphique ou subjectif de la notion de poids!).
(Un petit extrait d'un film tourné par Inhelder et ses collaborateurs dans les années 1960 illustre ce que deviendra dans les années 1940-1950 l'expérience dite du plan incliné proposée aux enfants et aux adolescents: Gisèle, 11 ans, et le plan incliné; comme le montre ce film, il ne s'agit plus seulement d'étudier la mentalité enfantine qui sous-tend les explications des enfants, mais également de mettre à jour les "attitudes expérimentales" des enfants et des adolescents, la façon dont ils s'y prennent pour atteindre les lois et les facteurs explicatifs des phénomènes physiques auxquels l'épistémologiste psychologue les confronte…)
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre V: La notion de force chez l'enfant
Texte PDF mis à disposition le 01.01.2009
- Présentation
Les chapitres précédents ont montré comment les enfants expliquent les phénomènes naturels en recourant à des formes d'interprétation artificialiste et animiste avant d'évoquer une forme de causalité mécanique semblable à celle qui domine la pensée commune contemporaine, en passant par une étape intermédiaire faite de dynamisme ou de vitalisme généralisé, lors de laquelle sont massivement évoquées des forces internes aux corps qui viennent s'ajouter aux forces extérieures par lesquelles ceux-ci agissent les uns sur les autres. D'où l'intérêt de ce cinquième chapitre qui aborde de front l'origine et l'évolution de la notion de force chez l'enfant.
Les observations faites par Piaget le conduisent à prendre le contre-pied de la conception de Maine de Biran, qui attribuait cette origine à la conscience première qu'aurait le moi de sa propre force. Dans les faits au contraire, pour expliquer les phénomènes physiques, l'enfant commencerait, "par prêter des forces à tous les corps [pour finir seulement] par découvrir en en lui le moi qui [serait] cause de sa propre force" (p. 142).
Les observations faites par Piaget le conduisent à prendre le contre-pied de la conception de Maine de Biran, qui attribuait cette origine à la conscience première qu'aurait le moi de sa propre force. Dans les faits au contraire, pour expliquer les phénomènes physiques, l'enfant commencerait, "par prêter des forces à tous les corps [pour finir seulement] par découvrir en en lui le moi qui [serait] cause de sa propre force" (p. 142).
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Introduction à la section II et Chapitre VI: La flottaison des bateaux
Texte PDF mis à disposition le 06.01.2009
- Présentation
Le présent document contient la brève introduction de la section II de “La causalité physique chez l’enfant” ainsi que le chapitre 6 de et ouvrage.
Alors que la première section de l’ouvrage portait sur le mouvement des corps, ainsi que sur le rôle de l’air ou du poids dans les explications données par les enfants à partir d’un certain niveau de développement, la deuxième section porte successivement sur la flottaison des corps (chapitre 6), les variations du niveau d’eau résultant de l’immersion d’un corps dans un verre d’eau (chapitre 7) et la formation de l’ombre (chapitre 8). En plus de la mise en évidence de stades d’explication relativement à ces trois sortes de phénomènes physiques, Piaget compare, dans cette section, l’évolution des explications avec celle des prévisions que les enfants interrogés sont capables de faire face à ces mêmes phénomènes. Les résultats recueillis dans cette section permettront à Piaget une première prise de position sur la question épistémologique du rapport entre légalité et causalité tel qu’il a été abordé en philosophie des sciences, et en particulier par Emile Meyerson (ce thème sera repris dans les années 1960, à l’occasion des recherches sur les explications causales réalisées au CIEG). La thèse qui sera soutenue ici est celle d’une suite d’actions réciproques entre les progrès des prévisions (donc de la légalité) et ceux des explications (donc de la causalité). On peut se demander si le modèle des interactions entre observations et coordinations qui sera exposé des décennies plus tard dans JP75 n’a pas un lien avec cette première tentative de mettre en rapport ces deux progressions? Mais il y a peut-être dans ces premières tentatives de cerner le rapport entre loi et causalité physiques de possibles apports théoriques qui mériteraient d’être actualisés, comme cette affirmation du chapitre VI (p.179) selon laquelle: «de toutes les relations qu’il a observées, l’enfant tire une notion nouvelle [par exemple la densité], caractéristique de ces relations et c’est cette notion qui sert de support à la déduction»…
En ce qui concerne ce chapitre 6 de “La causalité physique chez l’enfant”, en plus d’apporter des éléments de réponse quant à l’évolution des prévisions et des explications des enfants concernant la flottaison des corps, il contient d’intéressantes informations méthodologiques. Les faits recueillis le sont au moyen de deux démarches: l’une, uniquement verbale, dans laquelle l’expérimentateur psychologue se contente d’interroger les enfants sur la flottaison des bateaux, l’autre, plus concrète, dans laquelle il les confronte à de petites expériences physiques utilisant des bouts de bois, des cailloux, des clous, de petits bateaux en terre glaise construits par les enfants eux-mêmes, etc. Cette deuxième démarche aboutira plusieurs années plus tard aux travaux de Piaget et Inhelder sur la genèse de la dissociation du poids et du volume chez l’enfant (exposés en particulier dans le chapitre 2 de JP55, chapitre qui porte lui aussi sur “La flottaison des corps”). En ce qui concerne les explications recueillies en 1927 à propos de la flottaison des bateaux et autres objets, elles se distribuent en quatre niveaux proches de ceux observés pour les explications du mouvement examinées dans la première section. Le premier stade est celui des explications animistes et artificialistes (voire morales: les bateaux ne doivent pas couler…); le deuxième stade, celui des explications basée sur une notion dynamique de poids liée à celle de force intérieure (le poids des bateaux leur permet de ne pas couler); la troisième étape est celle des explications ne considérant encore que le poids absolu d’un corps, mais qui prennent le contre-pied des précédentes, dans la mesure où c’est au contraire la légèreté des corps qui, à côté de leur mouvement propre, est alors évoquée pour expliquer leur flottaison; enfin le quatrième niveau est celui lors duquel les sujets parviennent à rendre compte de l’ensemble des phénomènes de flottaison grâce au recours à la notion de poids relatif (le poids du corps plongé dans le liquide est mis en rapport avec celui de l’eau).
A noter que l’on trouve déjà dans ce chapitre, ceci en lien avec la question de la flottaison de bateaux en pâte à modeler, le recours à l’expérience —appelée à devenir classique— sur la conservation du poids chez l’enfant: une boule de plasticine change-t-elle de poids ou conserve-t-elle son poids lorsqu’on l’aplatit pour en faire une coupe ou qu’on l’allonge pour en faire un boudin (et qu’on la compare à une boule restée elle inchangée)? Mais trop peu de données sont alors recueillies pour savoir si l’enfant qui affirme que la coupe est plus légère le fait en considérant le poids relativement au volume apparent, espace vide inclus, ou en considérant au contraire une diminution du poids absolu de la plasticine utilisée, ce qui signifierait l’ignorance du principe de conservation du poids chez cet enfant… Piaget annonce déjà à ce propos (p. 174) “une enquête que nous ferons un jour et les résultats paraîtront ailleurs” (dans JP41a; voir aussi la présentation des quantités physiques sur ce site).
Alors que la première section de l’ouvrage portait sur le mouvement des corps, ainsi que sur le rôle de l’air ou du poids dans les explications données par les enfants à partir d’un certain niveau de développement, la deuxième section porte successivement sur la flottaison des corps (chapitre 6), les variations du niveau d’eau résultant de l’immersion d’un corps dans un verre d’eau (chapitre 7) et la formation de l’ombre (chapitre 8). En plus de la mise en évidence de stades d’explication relativement à ces trois sortes de phénomènes physiques, Piaget compare, dans cette section, l’évolution des explications avec celle des prévisions que les enfants interrogés sont capables de faire face à ces mêmes phénomènes. Les résultats recueillis dans cette section permettront à Piaget une première prise de position sur la question épistémologique du rapport entre légalité et causalité tel qu’il a été abordé en philosophie des sciences, et en particulier par Emile Meyerson (ce thème sera repris dans les années 1960, à l’occasion des recherches sur les explications causales réalisées au CIEG). La thèse qui sera soutenue ici est celle d’une suite d’actions réciproques entre les progrès des prévisions (donc de la légalité) et ceux des explications (donc de la causalité). On peut se demander si le modèle des interactions entre observations et coordinations qui sera exposé des décennies plus tard dans JP75 n’a pas un lien avec cette première tentative de mettre en rapport ces deux progressions? Mais il y a peut-être dans ces premières tentatives de cerner le rapport entre loi et causalité physiques de possibles apports théoriques qui mériteraient d’être actualisés, comme cette affirmation du chapitre VI (p.179) selon laquelle: «de toutes les relations qu’il a observées, l’enfant tire une notion nouvelle [par exemple la densité], caractéristique de ces relations et c’est cette notion qui sert de support à la déduction»…
En ce qui concerne ce chapitre 6 de “La causalité physique chez l’enfant”, en plus d’apporter des éléments de réponse quant à l’évolution des prévisions et des explications des enfants concernant la flottaison des corps, il contient d’intéressantes informations méthodologiques. Les faits recueillis le sont au moyen de deux démarches: l’une, uniquement verbale, dans laquelle l’expérimentateur psychologue se contente d’interroger les enfants sur la flottaison des bateaux, l’autre, plus concrète, dans laquelle il les confronte à de petites expériences physiques utilisant des bouts de bois, des cailloux, des clous, de petits bateaux en terre glaise construits par les enfants eux-mêmes, etc. Cette deuxième démarche aboutira plusieurs années plus tard aux travaux de Piaget et Inhelder sur la genèse de la dissociation du poids et du volume chez l’enfant (exposés en particulier dans le chapitre 2 de JP55, chapitre qui porte lui aussi sur “La flottaison des corps”). En ce qui concerne les explications recueillies en 1927 à propos de la flottaison des bateaux et autres objets, elles se distribuent en quatre niveaux proches de ceux observés pour les explications du mouvement examinées dans la première section. Le premier stade est celui des explications animistes et artificialistes (voire morales: les bateaux ne doivent pas couler…); le deuxième stade, celui des explications basée sur une notion dynamique de poids liée à celle de force intérieure (le poids des bateaux leur permet de ne pas couler); la troisième étape est celle des explications ne considérant encore que le poids absolu d’un corps, mais qui prennent le contre-pied des précédentes, dans la mesure où c’est au contraire la légèreté des corps qui, à côté de leur mouvement propre, est alors évoquée pour expliquer leur flottaison; enfin le quatrième niveau est celui lors duquel les sujets parviennent à rendre compte de l’ensemble des phénomènes de flottaison grâce au recours à la notion de poids relatif (le poids du corps plongé dans le liquide est mis en rapport avec celui de l’eau).
A noter que l’on trouve déjà dans ce chapitre, ceci en lien avec la question de la flottaison de bateaux en pâte à modeler, le recours à l’expérience —appelée à devenir classique— sur la conservation du poids chez l’enfant: une boule de plasticine change-t-elle de poids ou conserve-t-elle son poids lorsqu’on l’aplatit pour en faire une coupe ou qu’on l’allonge pour en faire un boudin (et qu’on la compare à une boule restée elle inchangée)? Mais trop peu de données sont alors recueillies pour savoir si l’enfant qui affirme que la coupe est plus légère le fait en considérant le poids relativement au volume apparent, espace vide inclus, ou en considérant au contraire une diminution du poids absolu de la plasticine utilisée, ce qui signifierait l’ignorance du principe de conservation du poids chez cet enfant… Piaget annonce déjà à ce propos (p. 174) “une enquête que nous ferons un jour et les résultats paraîtront ailleurs” (dans JP41a; voir aussi la présentation des quantités physiques sur ce site).
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre VII: Le niveau de l'eau
Texte PDF mis à disposition le 09.01.2009
- Présentation
Ce chapitre complète le précédent en interrogeant les enfants sur les effets que l’immersion de différents objets de poids et de volume variés dans un verre d’eau entraîne sur le niveau du liquide. On notera avec intérêt que cette expérience sur la genèse de la différenciation du poids et du volume, et du rôle (ou de l’absence de rôle) respectif que chacun joue dans l’élévation du niveau de l’eau sera reprise dans le cadre des expériences réalisées par B. Inhelder et ses collègues dans les années 1960 (voir par exemple la dissociation poids-volume (stade I)).
En ce qui concerne les réponses prédictives puis explicatives des enfants confrontés à cette expérience, elles se distribuent en trois étapes successives.
Dans la première étape, les enfants fondent non seulement leur explication mais également leur prédiction sur le rôle apporté au poids des objets plongés dans l’eau: un objet petit mais lourd fera monter davantage le niveau d’eau qu’un objet grand mais léger. Après constat, l’enfant n’aura qu’à corriger son jugement quant aux poids respectifs des deux objets pour rendre compatible prédiction (reformulée) et explication.
Dans une deuxième étape, tout en expliquant tout ce qui est observé par la force qu’exerce le poids des corps plongés dans l’eau sur le déplacement de celle-ci (et donc l’élévation de son niveau), l’enfant prédira correctement que l’immersion d’un objet volumineux fera plus monté l’eau que l’immersion d’un objet plus petit (dans cette expérience, à l’exception d’un morceau de bois, les poids relatifs des corps sont suffisamment grands pour que chacun des objets plongés délicatement dans l’eau glisse vers le fond du verre). Par contre, les explications de l’élévation du niveau d’eau reposeront toujours sur une notion dynamique de poids: le poids de l’objet est une force qui agit sur l’eau pour la faire monter. Dans cette deuxième étape, la prévision du phénomène est donc en avance sur son explication, ce que Piaget caractérise aussi comme une avance de l’ “intelligence motrice” par rapport à l’ “intelligence conceptuelle et verbale” (p.192).
Dans la troisième étape, enfin, l’enfant parviendra enfin à attribuer au volume du corps immergé l’explication de l’élévation du niveau d’eau. L’explication rejoint ainsi le niveau atteint par la prédiction, dont elle explicite le “schéma” inconscient qui la guidait.
Les trois dernières pages de ce chapitre contiennent les réponses des enfants confrontés à une expérience complémentaire portant sur l’élévation du niveau de l’eau dans le phénomène des vases communicants. Les conclusions rejoignent celles de la première expérience. L’intérêt principal de cette expérience complémentaire est d’annoncer la future recherche d’Inhelder et Piaget sur “Les vases communicants” (exposée dans le chapitre IX de JP55.
En ce qui concerne les réponses prédictives puis explicatives des enfants confrontés à cette expérience, elles se distribuent en trois étapes successives.
Dans la première étape, les enfants fondent non seulement leur explication mais également leur prédiction sur le rôle apporté au poids des objets plongés dans l’eau: un objet petit mais lourd fera monter davantage le niveau d’eau qu’un objet grand mais léger. Après constat, l’enfant n’aura qu’à corriger son jugement quant aux poids respectifs des deux objets pour rendre compatible prédiction (reformulée) et explication.
Dans une deuxième étape, tout en expliquant tout ce qui est observé par la force qu’exerce le poids des corps plongés dans l’eau sur le déplacement de celle-ci (et donc l’élévation de son niveau), l’enfant prédira correctement que l’immersion d’un objet volumineux fera plus monté l’eau que l’immersion d’un objet plus petit (dans cette expérience, à l’exception d’un morceau de bois, les poids relatifs des corps sont suffisamment grands pour que chacun des objets plongés délicatement dans l’eau glisse vers le fond du verre). Par contre, les explications de l’élévation du niveau d’eau reposeront toujours sur une notion dynamique de poids: le poids de l’objet est une force qui agit sur l’eau pour la faire monter. Dans cette deuxième étape, la prévision du phénomène est donc en avance sur son explication, ce que Piaget caractérise aussi comme une avance de l’ “intelligence motrice” par rapport à l’ “intelligence conceptuelle et verbale” (p.192).
Dans la troisième étape, enfin, l’enfant parviendra enfin à attribuer au volume du corps immergé l’explication de l’élévation du niveau d’eau. L’explication rejoint ainsi le niveau atteint par la prédiction, dont elle explicite le “schéma” inconscient qui la guidait.
Les trois dernières pages de ce chapitre contiennent les réponses des enfants confrontés à une expérience complémentaire portant sur l’élévation du niveau de l’eau dans le phénomène des vases communicants. Les conclusions rejoignent celles de la première expérience. L’intérêt principal de cette expérience complémentaire est d’annoncer la future recherche d’Inhelder et Piaget sur “Les vases communicants” (exposée dans le chapitre IX de JP55.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre VIII: Le problème des ombres
Texte PDF mis à disposition le 17.11.2008
- Présentation
Dans ce chapitre, Piaget examine l'évolution des prévisions et des explications de l'ombre données par des enfants, entre 6 et 10 ans. Dans les premières étapes de leur réponse, leur explication est substantialiste et leur prévision quelconque. L'ombre (par exemple de la main ou d'un livre) est une substance qui peut rester invisible (lorsqu'il fait nuit) et qui est produite soit par une réalité éloignée (le ciel, la nuit, les arbres), soit par l'objet directement concerné (la main, un livre), et ceci sans considération des relations existantes entre la source de la lumière, l'objet qui fait obstacle à sa diffusion et l'ombre elle-même. Lors de l'avant-dernière étape des réponses apportées par les enfants, les prévisions deviennent exactes: l'ombre apparaît du côté opposé à celui où se trouve la source lumineuse, par rapport à l'objet producteur de l'ombre, mais l'explication reste substantialiste: l'ombre est toujours conçue comme une substance produite par la main, le livre, etc., qui se dirige là où il n'y a pas de lumière. Enfin, lors de la dernière étape, le substantialisme cède sa place à une explication fondée sur les relations en jeu (la main, le livre, et., font obstacle à la diffusion de la lumière). Piaget souligne en outre que ces relations intervenaient déjà implicitement dans les prévisions correctes de l'avant-dernière étape. Le passage à l'explication correcte est dû à la conscience qu'en prennent les enfants les plus avancés, ainsi qu'à leur capacité de se décentrer de leur propre perspective pour concevoir le point de vue d'un observateur qui se placerait là où se trouve l'ombre et qui constaterait la présence de l'obstacle empêchant la lumière de se projeter à cette place.
On voit ici que cette enquête sur l'explication de l'ombre annonce les futures recherches sur la représentation de l'espace chez l'enfant, et plus particulièrement de l'espace projectif (JP48a), mais sans que soit déjà présent le modèle du groupement des opérations par lequel Piaget expliquera l'avènement d'une première forme de pensée objective.
On voit ici que cette enquête sur l'explication de l'ombre annonce les futures recherches sur la représentation de l'espace chez l'enfant, et plus particulièrement de l'espace projectif (JP48a), mais sans que soit déjà présent le modèle du groupement des opérations par lequel Piaget expliquera l'avènement d'une première forme de pensée objective.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Introduction à la section III et Chapitre IX: Le mécanisme des bicyclettes
Texte PDF mis à disposition le 27.01.2009
- Présentation
Dans cette troisième section, Piaget s'interroge sur les explications des machines chez les enfants (bicyclettes dans ce chapitre 9, machines à vapeur dans le chapitre 10, trains, automobiles et avions dans le chapitre 11) . Deux questions sont en particulier soulevées: (1) celle de savoir si l'on retrouve, au début de ces explications, des formes "précausales" (basées sur un mélange d'artificialisme, d'animisme et de dynamisme interne) telles qu'elles sont utilisées jusque vers 8-9 ans pour expliquer les phénomènes naturels (le mouvement des astres, etc.); (2) celle de savoir si l'importance que prend la machine dans la civilisation moderne accélère le développement de l'explication mécanique de ces machines et peut-être même influe sur le passage progressif des formes primitives d'explication vers le type d'explication dominant lié à l'essor de cette civilisation.
En ce qui concerne la bicyclette, c'est vers 8 ans en moyenne que les garçons parviennent à à donner des explications complètement basées sur le mécanisme entièrement visible par lequel l'action sur les pédales d'un tel engin entraîne le mouvement des roues et par là-même celui du véhicule. Chez les filles, un retard de deux trois ans est observé qui s'explique par un intérêt moindre pour ce genre de choses (du moins dans les années 1920!). Il y a donc bien accélération des explications mécaniques par rapport à ce qui est observé lorsque les enfants sont invités à expliquer (ou expliquent spontanément) le mouvement des réalités naturelles (comme les astres ou les nuages).
Notons encore une indication intéressante donnée par Piaget dans ce chapitre. Il y affirme que les faits présentés ici ont été recueillis à la fois à Paris et à Genève. Or, si l'on en croit la liste des collaborateurs présentée au début de l'ouvrage, ce chapitre 9 est le seul qui n'a pas fait l'objet d'une collaboration. Ce recueil a certainement été commencé par Piaget lui-même lors de son séjour d'étude à Paris au début des années vingt. Si cela est exact (comme le suggère d'ailleurs JP22_3, dans lequel il est déjà question de l'explication de la bicyclette chez les enfants), on aurait ici une nouvelle confirmation du caractère systématique et anticipateur du programme de recherches poursuivi par l'auteur en psychologie génétique.
En ce qui concerne la bicyclette, c'est vers 8 ans en moyenne que les garçons parviennent à à donner des explications complètement basées sur le mécanisme entièrement visible par lequel l'action sur les pédales d'un tel engin entraîne le mouvement des roues et par là-même celui du véhicule. Chez les filles, un retard de deux trois ans est observé qui s'explique par un intérêt moindre pour ce genre de choses (du moins dans les années 1920!). Il y a donc bien accélération des explications mécaniques par rapport à ce qui est observé lorsque les enfants sont invités à expliquer (ou expliquent spontanément) le mouvement des réalités naturelles (comme les astres ou les nuages).
Notons encore une indication intéressante donnée par Piaget dans ce chapitre. Il y affirme que les faits présentés ici ont été recueillis à la fois à Paris et à Genève. Or, si l'on en croit la liste des collaborateurs présentée au début de l'ouvrage, ce chapitre 9 est le seul qui n'a pas fait l'objet d'une collaboration. Ce recueil a certainement été commencé par Piaget lui-même lors de son séjour d'étude à Paris au début des années vingt. Si cela est exact (comme le suggère d'ailleurs JP22_3, dans lequel il est déjà question de l'explication de la bicyclette chez les enfants), on aurait ici une nouvelle confirmation du caractère systématique et anticipateur du programme de recherches poursuivi par l'auteur en psychologie génétique.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre X: Le moteur à vapeur
Texte PDF mis à disposition le 02.02.2009
- Présentation
Dans cette recherche sont examinées la progression des explications que les enfants donnent au fonctionnement d'une machine à vapeur (dont le mécanisme visible fait tourner une roue fixée sur un axe relié à la machine). Ce n'est que lorsque la mentalité ou la tendance explicative générale de l'enfant s'affranchit de l'artificialisme et de l'animisme initial que celui-ci s'intéresse au comment des choses. Ceci les conduira, après une étape intermédiaire, à rechercher le mécanisme physique qui relie une bougie vue dans le foyer de la machine à la roue extérieure tournant sur elle-même un certain temps après que la bougie a été allumée.
De manière anecdotique, on peut noter que Piaget lui-même, page 2 de son Autobiographie (années 1896-1914), nous rappelle l'intérêt qu'il avait, lorsqu'il n'était qu'un enfant, pour le fonctionnement des machines à vapeur.
De manière anecdotique, on peut noter que Piaget lui-même, page 2 de son Autobiographie (années 1896-1914), nous rappelle l'intérêt qu'il avait, lorsqu'il n'était qu'un enfant, pour le fonctionnement des machines à vapeur.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
Chapitre XI: Les trains, les automobiles et les avions
Texte PDF mis à disposition le 15.02.2009
- Présentation
Les résultats recueillis à propos de l'explication des mouvements des véhicules à moteur confirment ce qui a été observé pour les bicyclettes. En moyenne, chez les garçons, les explications correctes de ces mouvements précèdent celles des phénomènes naturels: dès 7 ans pour les bicyclettes, 7-8 ans pour les véhicules à moteur, les enfants cherchent à trouver les intermédiaires mécaniques pouvant expliquer les déplacements de ces machines. Pour Piaget, il y a là un indice très fort en faveur de la thèse selon laquelle ce serait "la compréhension des machines qui entraînerait […] la mécanisation de la causalité naturelle et le déclin de l'artificialisme".
On trouve aussi dans ce chapitre l'un des rares passages où Piaget recourt à des souvenirs personnels à des fins de justification. Il rappelle comment lui-même s'est vivement intéressé aux fonctionnement mécaniques des machines jusqu'à vouloir inventer, vers 8-9 ans, une automobile à vapeur. Ce n'est qu'un peu plus tard, vers 11 ans, que son intérêt se déplacera vers l'étude des phénomènes naturels, en y apportant le besoin d'explication hérité de la tournure d'esprit mécanique préalablement acquise.
On trouve aussi dans ce chapitre l'un des rares passages où Piaget recourt à des souvenirs personnels à des fins de justification. Il rappelle comment lui-même s'est vivement intéressé aux fonctionnement mécaniques des machines jusqu'à vouloir inventer, vers 8-9 ans, une automobile à vapeur. Ce n'est qu'un peu plus tard, vers 11 ans, que son intérêt se déplacera vers l'étude des phénomènes naturels, en y apportant le besoin d'explication hérité de la tournure d'esprit mécanique préalablement acquise.
1927.
La causalité physique chez l'enfant.
La réalité et la causalité chez l'enfant. Résumé et conclusions
Texte PDF mis à disposition le 23.02.2009
- Présentation
Cette dernière très longue section résume et conclut non seulement les enquêtes réalisées sur la "causalité physique chez l'enfant", mais également celles sur "la représentation du monde" (JP26". Il est dès lors d'autant plus curieux que Piaget n'ait pas jugé utile de rééditer l'ouvrage sur la causalité, contrairement à celui sur la représentation du monde, qui a connu une troisième édition complétée en 1947, elle-même plusieurs fois rééditée ultérieurement. Peut-être la raison en est-elle que dans les années 1960 plusieurs nouvelles recherches ont été lancées au CIEG sur la genèse des explications physiques chez l'enfant dans le but de déterminer les rapports entre cette genèse et celle des structures opératoires mise en lumière dès la fin des années trente et jusqu'au début des années soixante.
Il est aussi possible que Piaget n'ait pas souhaité une telle réédition en raison de premières suppositions erronées quant aux 2-3 premières années de la vie de l'enfant, période dont il annonce qu'elle devrait faire l'objet d'une enquête afin de déterminer les liens de continuité entre les mécanismes de l'adaptation biologique et les mécanismes de l'adaptation psychologique — en d'autres termes, entre l' "assimilation" et l' "imitation" biologiques d'un côté, et l'assimilation et l'imitation psychologiques de l'autre. (Notons, dans ces conclusions, l'usage du terme "imitation", alors emprunté à F. Le Dantec et à J.-M. Baldwin, en lieu et place de celui d'"accommodation", qui sera adopté dans les travaux sur la naissance de l'intelligence; le terme d'"accommodation" sera cependant déjà utilisé dans l'article sur "La première année de la vie de l'enfant" paru en 1927 qui marque le début de ces travaux!)
Quoi qu'il en soit des raisons pour lesquelles l'ouvrage de 1927 sur "la causalité physique chez l'enfant" n'a pas été réédité, les conclusions qu'il contient valent d'être lues attentivement, autant du point de vue des résultats obtenus quant aux transformations de la mentalité enfantine entre 4 et 11-12 ans, qu'au point de vue de la méthode utilisée pour les obtenir.
(I) En ce qui concerne tout d'abord le résumé et les conclusions relatives aux transformations de la mentalité enfantine, quand bien même ils seront amenés à être complétés par les futures enquêtes conduites au CIEG sur la genèse des explications causales chez l'enfant, ils sont riches de réflexions et de prises de position à plus d'un titre toujours valables.
Piaget présente dans cette dernière section les trois grandes étapes franchies par la mentalité enfantine dans les conceptions qu'elle se fait du réel; trois étapes au cours desquelles se chevauchent ou se succèdent 17 (!) types de causalité, dont, entre autres, (1) la pensée magique (qui mêle sans différenciation le psychologique au physique), le finalisme et le phénoménisme (n'importe quel lien perçu dans un événement peut expliquer cet événement), puis (2) l'animisme, l'artificialisme, et le dynamisme, enfin (3) le début de la causalité proprement physique avec la réaction environnante, premier pas vers la causalité mécanique, mais aussi la causalité par génération (encore teintée d'animisme et de dynamisme) appelée à se transformer en explication par composition atomistique, par raréfication, ou au contraire par condensation, cette évolution finissant par aboutir au type le plus élevé de causalité: "l'explication par déduction logique", qui repose sur des notions (par exemple la densité ou le poids spécifique) abstraites et construites à partir des lois observées dans les phénomènes physiques "en vue de la déduction" (des mêmes lois) et sans être "imposées par les faits" (p. 301).
Piaget revient ainsi sur la question épistémologique des rapports entre légalité et causalité (ou prévision et explication), en rappelant la solution exposée dans la deuxième section de l'ouvrage et en montrant comment légalité et causalité interagissent l'une avec l'autre comme le font l'induction et la déduction auxquelles il est d'ailleurs possible de les assimiler.
Il rappelle comment les lois, avant d'être déduites, entre autres, de notions abstraites telles que la densité ou le poids spécifique, sont engendrées par l'assimilation des faits observés à des "schémas" relevant de l'"intelligence corporelle" et non pas encore conceptuelle (voir à ce sujet le chapitre VII).
Enfin, il propose une interprétation de l'évolution de la mentalité et de la causalité enfantines qui implique aussi bien (1) les échanges sociaux (comme condition de passage de l'égocentrisme à la réciprocité sociale et au relativisme intelllectuel de la pensée) que (2) des mécanismes de construction intellectuelle tels que ceux observés dans la genèse de la déduction (Piaget évoque l'abstraction logique des "logisticiens" qui annonce la future abstraction logico-mathématique et réfléchissante).
(II) Quant aux considérations de méthode présentent dans ces conclusions, elles sont surtout intéressantes dans la mesure où elles permettent de cerner la conception que Piaget se fait alors des rapports entre psychologie et épistémologie. Tout en réaffirmant l'existence d'une continuité entre la psychologie génétique et l'épistémologie (celle-ci portant sur la totalité des connaissances du réel qui se succèdent dans l'histoire de la pensée humaine, mais aussi dans l'évolution de la mentalité enfantine), Piaget juge que les deux disciplines se distinguent par la conception que chacune se fait de la notion de réalité.
L'épistémologie, conçue ici dans la ligne des travaux philosophique et historico-critique de son maître Brunschvicg, aboutit à écarter tout référence à une réalité absolue. A chaque étape de l'histoire humaine comme à chaque étape du développement individuel, les sujets considèrent la réalité qui leur fait face et dont ils font partie comme étant la vraie et seule réalité. L'épistémologie conduit au contraire au relativisme critique en ce sens que le sujet prend conscience que la réalité reconnue comme telle à chaque étape est toujours dépendante de "schémas" de pensée intellectuellement construits pour saisir cette réalité (notons en passant qu'en 1927 encore, Piaget utilise le terme de schéma et non pas celui de "schème" utilisé par la suite).
Par contre, la psychologie génétique s'autorise par méthode à admettre comme réalité "absolue" celle que lui offre l'état actuel d'évolution des sciences de la nature. Ce faisant, et tout en sachant que cette réalité dépend elle aussi des schèmes d'assimilation du sujet) elle peut reprendre à son compte la démarche de la biologie de l'évolution, qui voit dans l'interaction entre les organismes et leur milieu la clé de l'explication de la transformation des espèces.
En d'autres termes, alors que l'épistémologie critique adopte une posture méthodologique qui relève de l'idéalisme critique, la psychologie adopte une posture réaliste-critique, tout en sachant que la connaissance qu'elle produit est aussi foncièrement relative à l'état d'avancement des sciences dont elle elle-même fait partie.
Cette distinction n'empêche par ailleurs nullement Piaget de souligner que les résultats, même limités, de la psychologie peuvent conforter des thèses proprement épistémologiques dans la mesure où ces résultats portent sur une partie — le développement psychogénétique de l'enfant contemporain — de la totalité toujours ouverte des étapes de construction du réel (les étapes appartenant au lointain passé et celles relevant de l'avenir échappant de fait ou de droit à tout examen).
Ainsi, même s'il ne concerne qu'une partie de la courbe totale de l'acquisition des connaissances, l'examen des stades franchis par les enfants suffit à réfuter l'empirisme (aussi bien physique que psychologique) autant que l'apriorisme (identifié ici avec le fixisme, peut-être en partie à tort si l'on considère que chez Kant déjà l'apriorisme n'est pas incompatible avec le constructivisme mathématique et que plus tard la composante historique y sera explicitement intégrée) au profit d'un interactionnisme sujet x milieu appelé à être ultérieurement profondément révisé et complété par un constructivisme issu des futures recherches sur la naissance de l'intelligence sensori-motrice, sur la genèse des structures opératoires de l'intelligence et sur les mécanismes de construction de ces structures.
Il est aussi possible que Piaget n'ait pas souhaité une telle réédition en raison de premières suppositions erronées quant aux 2-3 premières années de la vie de l'enfant, période dont il annonce qu'elle devrait faire l'objet d'une enquête afin de déterminer les liens de continuité entre les mécanismes de l'adaptation biologique et les mécanismes de l'adaptation psychologique — en d'autres termes, entre l' "assimilation" et l' "imitation" biologiques d'un côté, et l'assimilation et l'imitation psychologiques de l'autre. (Notons, dans ces conclusions, l'usage du terme "imitation", alors emprunté à F. Le Dantec et à J.-M. Baldwin, en lieu et place de celui d'"accommodation", qui sera adopté dans les travaux sur la naissance de l'intelligence; le terme d'"accommodation" sera cependant déjà utilisé dans l'article sur "La première année de la vie de l'enfant" paru en 1927 qui marque le début de ces travaux!)
Quoi qu'il en soit des raisons pour lesquelles l'ouvrage de 1927 sur "la causalité physique chez l'enfant" n'a pas été réédité, les conclusions qu'il contient valent d'être lues attentivement, autant du point de vue des résultats obtenus quant aux transformations de la mentalité enfantine entre 4 et 11-12 ans, qu'au point de vue de la méthode utilisée pour les obtenir.
(I) En ce qui concerne tout d'abord le résumé et les conclusions relatives aux transformations de la mentalité enfantine, quand bien même ils seront amenés à être complétés par les futures enquêtes conduites au CIEG sur la genèse des explications causales chez l'enfant, ils sont riches de réflexions et de prises de position à plus d'un titre toujours valables.
Piaget présente dans cette dernière section les trois grandes étapes franchies par la mentalité enfantine dans les conceptions qu'elle se fait du réel; trois étapes au cours desquelles se chevauchent ou se succèdent 17 (!) types de causalité, dont, entre autres, (1) la pensée magique (qui mêle sans différenciation le psychologique au physique), le finalisme et le phénoménisme (n'importe quel lien perçu dans un événement peut expliquer cet événement), puis (2) l'animisme, l'artificialisme, et le dynamisme, enfin (3) le début de la causalité proprement physique avec la réaction environnante, premier pas vers la causalité mécanique, mais aussi la causalité par génération (encore teintée d'animisme et de dynamisme) appelée à se transformer en explication par composition atomistique, par raréfication, ou au contraire par condensation, cette évolution finissant par aboutir au type le plus élevé de causalité: "l'explication par déduction logique", qui repose sur des notions (par exemple la densité ou le poids spécifique) abstraites et construites à partir des lois observées dans les phénomènes physiques "en vue de la déduction" (des mêmes lois) et sans être "imposées par les faits" (p. 301).
Piaget revient ainsi sur la question épistémologique des rapports entre légalité et causalité (ou prévision et explication), en rappelant la solution exposée dans la deuxième section de l'ouvrage et en montrant comment légalité et causalité interagissent l'une avec l'autre comme le font l'induction et la déduction auxquelles il est d'ailleurs possible de les assimiler.
Il rappelle comment les lois, avant d'être déduites, entre autres, de notions abstraites telles que la densité ou le poids spécifique, sont engendrées par l'assimilation des faits observés à des "schémas" relevant de l'"intelligence corporelle" et non pas encore conceptuelle (voir à ce sujet le chapitre VII).
Enfin, il propose une interprétation de l'évolution de la mentalité et de la causalité enfantines qui implique aussi bien (1) les échanges sociaux (comme condition de passage de l'égocentrisme à la réciprocité sociale et au relativisme intelllectuel de la pensée) que (2) des mécanismes de construction intellectuelle tels que ceux observés dans la genèse de la déduction (Piaget évoque l'abstraction logique des "logisticiens" qui annonce la future abstraction logico-mathématique et réfléchissante).
(II) Quant aux considérations de méthode présentent dans ces conclusions, elles sont surtout intéressantes dans la mesure où elles permettent de cerner la conception que Piaget se fait alors des rapports entre psychologie et épistémologie. Tout en réaffirmant l'existence d'une continuité entre la psychologie génétique et l'épistémologie (celle-ci portant sur la totalité des connaissances du réel qui se succèdent dans l'histoire de la pensée humaine, mais aussi dans l'évolution de la mentalité enfantine), Piaget juge que les deux disciplines se distinguent par la conception que chacune se fait de la notion de réalité.
L'épistémologie, conçue ici dans la ligne des travaux philosophique et historico-critique de son maître Brunschvicg, aboutit à écarter tout référence à une réalité absolue. A chaque étape de l'histoire humaine comme à chaque étape du développement individuel, les sujets considèrent la réalité qui leur fait face et dont ils font partie comme étant la vraie et seule réalité. L'épistémologie conduit au contraire au relativisme critique en ce sens que le sujet prend conscience que la réalité reconnue comme telle à chaque étape est toujours dépendante de "schémas" de pensée intellectuellement construits pour saisir cette réalité (notons en passant qu'en 1927 encore, Piaget utilise le terme de schéma et non pas celui de "schème" utilisé par la suite).
Par contre, la psychologie génétique s'autorise par méthode à admettre comme réalité "absolue" celle que lui offre l'état actuel d'évolution des sciences de la nature. Ce faisant, et tout en sachant que cette réalité dépend elle aussi des schèmes d'assimilation du sujet) elle peut reprendre à son compte la démarche de la biologie de l'évolution, qui voit dans l'interaction entre les organismes et leur milieu la clé de l'explication de la transformation des espèces.
En d'autres termes, alors que l'épistémologie critique adopte une posture méthodologique qui relève de l'idéalisme critique, la psychologie adopte une posture réaliste-critique, tout en sachant que la connaissance qu'elle produit est aussi foncièrement relative à l'état d'avancement des sciences dont elle elle-même fait partie.
Cette distinction n'empêche par ailleurs nullement Piaget de souligner que les résultats, même limités, de la psychologie peuvent conforter des thèses proprement épistémologiques dans la mesure où ces résultats portent sur une partie — le développement psychogénétique de l'enfant contemporain — de la totalité toujours ouverte des étapes de construction du réel (les étapes appartenant au lointain passé et celles relevant de l'avenir échappant de fait ou de droit à tout examen).
Ainsi, même s'il ne concerne qu'une partie de la courbe totale de l'acquisition des connaissances, l'examen des stades franchis par les enfants suffit à réfuter l'empirisme (aussi bien physique que psychologique) autant que l'apriorisme (identifié ici avec le fixisme, peut-être en partie à tort si l'on considère que chez Kant déjà l'apriorisme n'est pas incompatible avec le constructivisme mathématique et que plus tard la composante historique y sera explicitement intégrée) au profit d'un interactionnisme sujet x milieu appelé à être ultérieurement profondément révisé et complété par un constructivisme issu des futures recherches sur la naissance de l'intelligence sensori-motrice, sur la genèse des structures opératoires de l'intelligence et sur les mécanismes de construction de ces structures.
1929.
L'adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de la Suisse romande: étude biométrique et génétique. 0. Sommaire et introduction
Texte PDF mis à disposition le 02.08.2011
- Présentation
[Texte de présentation. Version du 11 août 2011.]
Ce document contient l’introduction d'un très long article (plus de 200 pages!), qui est l’une des deux ou trois principales contributions expérimentales et théoriques de Piaget au problème de la possible transmission héréditaire des caractères individuellement acquis (de nouveaux résultats de recherche seront exposés et discutés dans JP65_5 et JP67a, qui permettront à l’auteur de réviser et approfondir l’explication proposées dans les conclusions du texte de 1929).
Précédée d’une table des matières, cette introduction expose la problématique et la méthodologie de cette recherche. Piaget y annonce clairement qu’il compte relancer "les discussions relatives à l’influence du milieu sur le patrimoine héréditaire" des espèces, qui "en sont aujourd’hui à point mort", et donc la question (sinon la réponse) lamarckienne de "l’hérédité de l’acquis".
Ce document contient l’introduction d'un très long article (plus de 200 pages!), qui est l’une des deux ou trois principales contributions expérimentales et théoriques de Piaget au problème de la possible transmission héréditaire des caractères individuellement acquis (de nouveaux résultats de recherche seront exposés et discutés dans JP65_5 et JP67a, qui permettront à l’auteur de réviser et approfondir l’explication proposées dans les conclusions du texte de 1929).
Précédée d’une table des matières, cette introduction expose la problématique et la méthodologie de cette recherche. Piaget y annonce clairement qu’il compte relancer "les discussions relatives à l’influence du milieu sur le patrimoine héréditaire" des espèces, qui "en sont aujourd’hui à point mort", et donc la question (sinon la réponse) lamarckienne de "l’hérédité de l’acquis".
1929.
L'adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de la Suisse romande: étude biométrique et génétique. I. Les phénotypes dans la nature
Texte PDF mis à disposition le 21.08.2011
- Présentation
[Texte de présentation — version du 11 août 2011.]
Une première section de cette partie consacrée à l’examen des phénotypes en milieu naturel a pour objet les populations de Limnaea stagnalis vivant en milieu aquatique non lacustres (donc dans les mares, les étangs, les canaux, les fossés, etc.). Piaget y montre comment l’accommodation comportementale active de différentes variétés de limnées à différentes conditions de milieu (eaux plus ou moins stagnantes, nature plus ou moins accidentées des milieux aquatiques dans lequel les limnées se déplacent, etc.) agissent sur l’allongement ou la contraction de leur coquille lors du développement de ces mollusques. Cette analyse biométrique de populations de limnées vivant en milieu non lacustre ne permet toutefois pas de répondre à la question d’une modification non seulement du phénotype des individus observés, mais de leur génotype (c’est-à-dire des caractéristiques phénotypiques moyennes prédéterminées par le patrimoine héréditaire de chaque variété de lacustre).
Dans la deuxième section de cette première partie, ce seront cette fois les formes lacustres de Limnaea stagnalis qui seront soumises à une analyse biométrique, ce qui permettra de mettre en évidence l’existence de formes de Limnaea stagnalis à coquille plus contractée que l’on ne trouve pas dans les milieux non-lacustres (alors que toutes les formes observées en milieu non-lacustres existent en milieu lacustre). Ces observations ne permettent pas cependant pas à elles seules de déterminer si ces formes propres au milieu lacustre sont héréditaires ou non. Seules les expériences de culture en aquarium ainsi que de croisement mendélien des formes les plus typiques de limnées observées dans la première partie apporteront la preuve du caractère héréditaire de ces formes. Rapportées dans la deuxième partie de l’article, ces expériences ne permettront cependant à leur tour pas de se prononcer sur le mécanisme (lamarckien, darwinien ou autre) d’acquisition héréditaire de ces formes dont la première partie révèle le caractère adapté aux biotopes naturels dans lesquels vivent les différentes variétés de limnées. Seule la discussion conjointe des recherches de la première partie et de la deuxième apportera des éléments de réponse à cette question du mécanisme d’acquisition héréditaire de caractères individuellement acquis. Cette discussion sera l’objet central des conclusions de ce long article.
Une première section de cette partie consacrée à l’examen des phénotypes en milieu naturel a pour objet les populations de Limnaea stagnalis vivant en milieu aquatique non lacustres (donc dans les mares, les étangs, les canaux, les fossés, etc.). Piaget y montre comment l’accommodation comportementale active de différentes variétés de limnées à différentes conditions de milieu (eaux plus ou moins stagnantes, nature plus ou moins accidentées des milieux aquatiques dans lequel les limnées se déplacent, etc.) agissent sur l’allongement ou la contraction de leur coquille lors du développement de ces mollusques. Cette analyse biométrique de populations de limnées vivant en milieu non lacustre ne permet toutefois pas de répondre à la question d’une modification non seulement du phénotype des individus observés, mais de leur génotype (c’est-à-dire des caractéristiques phénotypiques moyennes prédéterminées par le patrimoine héréditaire de chaque variété de lacustre).
Dans la deuxième section de cette première partie, ce seront cette fois les formes lacustres de Limnaea stagnalis qui seront soumises à une analyse biométrique, ce qui permettra de mettre en évidence l’existence de formes de Limnaea stagnalis à coquille plus contractée que l’on ne trouve pas dans les milieux non-lacustres (alors que toutes les formes observées en milieu non-lacustres existent en milieu lacustre). Ces observations ne permettent pas cependant pas à elles seules de déterminer si ces formes propres au milieu lacustre sont héréditaires ou non. Seules les expériences de culture en aquarium ainsi que de croisement mendélien des formes les plus typiques de limnées observées dans la première partie apporteront la preuve du caractère héréditaire de ces formes. Rapportées dans la deuxième partie de l’article, ces expériences ne permettront cependant à leur tour pas de se prononcer sur le mécanisme (lamarckien, darwinien ou autre) d’acquisition héréditaire de ces formes dont la première partie révèle le caractère adapté aux biotopes naturels dans lesquels vivent les différentes variétés de limnées. Seule la discussion conjointe des recherches de la première partie et de la deuxième apportera des éléments de réponse à cette question du mécanisme d’acquisition héréditaire de caractères individuellement acquis. Cette discussion sera l’objet central des conclusions de ce long article.
1929.
L'adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de la Suisse romande: étude biométrique et génétique. II. Le génotype en aquarium
Texte PDF mis à disposition le 07.09.2011
- Présentation
[Texte de présentation — version du 11 août 2011.]
Alors que la 1ère partie portait sur l’étude taxonomique et biométrique des limnées peuplant les régions littorales, sublittorales et d’eaux profondes des lacs et autres étendues d’eau de Suisse romande et d’ailleurs —étude conduite dans le but de confirmer la réalité de l’adaptation des mollusques aux différents milieux avec lesquels ils interagissent—, la deuxième partie rapporte les résultats d’une expérience d’élevage en aquarium (durée 3 ans) et de mesure de caractéristiques biométriques de générations de différentes variétés de Limnaea stagnalis. Cette expérience a pour but de départager autant que faire se peut les accommodations phénotypiques, individuelles et non prédéterminées, de variétés de limnées colonisant différents milieux, du génotype héréditaire propres à chacune de ces variétés (c’est-à-dire de l’ensemble des phénotypes préadaptés ou non de chaque lignée pure et non pas mélangée de limnées dans chacun des milieux qu’elle est susceptible de peupler, que ce soit activement ou par accident), et de découvrir ainsi si les formes phénotypiques particulières observées dans les milieux lacustres appartiennent à des variétés héréditairement adaptées à ces milieux, ou bien sont seulement le résultat d’une accommodation développementale actuelle des individus ayant colonisé ces milieux lacustres, sans modifications de leur patrimoine génétique ni, donc, du génotype de la variété à laquelle chacun appartient (patrimoine et génétype qui prédétermineraient donc, si modification du patrimoine il y avait eu dans le passé) la forme finale typiques de ces organismes indépendamment du milieu colonisé).
Les résultats de cet élevage en aquarium (dans les conditions ou l’eau n’est pas agitée par quelque procédé mécanique) montre que, de manière très générale, les phénotypes d’individus appartenant à des variétés de limnées typiquement observées dans les milieux non-lacustres et lacustres se conservent lorsque ces individus et leurs descendants (jusqu’à 5 ou 6 générations) sont placés dans ces conditions artificielles (eau calme des aquarium), ce qui démontre la permanence des génotypes et donc le caractère héréditaire des variétés lacustres et non-lacustres utilisées dans l’expérience.
Cette expérience révèle en particulier et surtout l’existence de deux variétés héréditaires de Limneae stagnalis vivant sur le littoral, dont l’une dans des régions très exposées au vent du lac de Neuchâtel ainsi que d’autres lacs offrant les mêmes conditions de vie. Elevées en aquarium, plusieurs générations de cette variété se caractérise par la très forte contraction des coquilles, alors que les limnées vivant en nature dans des régions non lacustres (mares ou étangs) sont plus allongées (une expérience complémentaire, procédant par croisement puis ségrégation mendéliens de cette variété à forme très contractée avec une autre variété non lacustre et de forme très allongées, confirme le caractère héréditaire de cette très forte contraction des coquilles de la première, comme d’ailleurs de la forme très allongée de la seconde). Selon Piaget, cette très forte contraction (qui se conserve en aquarium) provient vraisemblablement de l’accommodation ancienne de générations de limnaea stagnalis au littoral lacustre très exposé aux vents, et plus précisément des efforts répétés de générations de ces mollusques pour s’agripper aux roches ou aux cailloux du littoral lorsque les eaux du lac sont agitées par les vents,efforts qui se traduisent par une modification de forme de leur coquille — une thèse qui sera au centre de la troisième et dernière partie de l’article dans laquelle sont présentées les différentes théories biologiques susceptibles de rendre compte de l’origine des variétés héréditaires de limnées lacustres.
Alors que la 1ère partie portait sur l’étude taxonomique et biométrique des limnées peuplant les régions littorales, sublittorales et d’eaux profondes des lacs et autres étendues d’eau de Suisse romande et d’ailleurs —étude conduite dans le but de confirmer la réalité de l’adaptation des mollusques aux différents milieux avec lesquels ils interagissent—, la deuxième partie rapporte les résultats d’une expérience d’élevage en aquarium (durée 3 ans) et de mesure de caractéristiques biométriques de générations de différentes variétés de Limnaea stagnalis. Cette expérience a pour but de départager autant que faire se peut les accommodations phénotypiques, individuelles et non prédéterminées, de variétés de limnées colonisant différents milieux, du génotype héréditaire propres à chacune de ces variétés (c’est-à-dire de l’ensemble des phénotypes préadaptés ou non de chaque lignée pure et non pas mélangée de limnées dans chacun des milieux qu’elle est susceptible de peupler, que ce soit activement ou par accident), et de découvrir ainsi si les formes phénotypiques particulières observées dans les milieux lacustres appartiennent à des variétés héréditairement adaptées à ces milieux, ou bien sont seulement le résultat d’une accommodation développementale actuelle des individus ayant colonisé ces milieux lacustres, sans modifications de leur patrimoine génétique ni, donc, du génotype de la variété à laquelle chacun appartient (patrimoine et génétype qui prédétermineraient donc, si modification du patrimoine il y avait eu dans le passé) la forme finale typiques de ces organismes indépendamment du milieu colonisé).
Les résultats de cet élevage en aquarium (dans les conditions ou l’eau n’est pas agitée par quelque procédé mécanique) montre que, de manière très générale, les phénotypes d’individus appartenant à des variétés de limnées typiquement observées dans les milieux non-lacustres et lacustres se conservent lorsque ces individus et leurs descendants (jusqu’à 5 ou 6 générations) sont placés dans ces conditions artificielles (eau calme des aquarium), ce qui démontre la permanence des génotypes et donc le caractère héréditaire des variétés lacustres et non-lacustres utilisées dans l’expérience.
Cette expérience révèle en particulier et surtout l’existence de deux variétés héréditaires de Limneae stagnalis vivant sur le littoral, dont l’une dans des régions très exposées au vent du lac de Neuchâtel ainsi que d’autres lacs offrant les mêmes conditions de vie. Elevées en aquarium, plusieurs générations de cette variété se caractérise par la très forte contraction des coquilles, alors que les limnées vivant en nature dans des régions non lacustres (mares ou étangs) sont plus allongées (une expérience complémentaire, procédant par croisement puis ségrégation mendéliens de cette variété à forme très contractée avec une autre variété non lacustre et de forme très allongées, confirme le caractère héréditaire de cette très forte contraction des coquilles de la première, comme d’ailleurs de la forme très allongée de la seconde). Selon Piaget, cette très forte contraction (qui se conserve en aquarium) provient vraisemblablement de l’accommodation ancienne de générations de limnaea stagnalis au littoral lacustre très exposé aux vents, et plus précisément des efforts répétés de générations de ces mollusques pour s’agripper aux roches ou aux cailloux du littoral lorsque les eaux du lac sont agitées par les vents,efforts qui se traduisent par une modification de forme de leur coquille — une thèse qui sera au centre de la troisième et dernière partie de l’article dans laquelle sont présentées les différentes théories biologiques susceptibles de rendre compte de l’origine des variétés héréditaires de limnées lacustres.
1929.
L’adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de la Suisse romande: étude biométrique et génétique. III. Essai d’explication
Texte PDF mis à disposition le 01.12.2011
- Présentation
[Texte de présentation — version du 15 août 2011.]
Ce document contient la troisième et dernière partie du long article de 1929 portant sur "L’adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de Suisse romande".
Une première section a pour objet un étude expérimentale approfondie de la "psychologie des limnées", c’est-à-dire des transformations et des acquisitions de comportements observées chez ces animaux selon les variations naturelles ou artificiellement créées de milieux dans lesquels elles vivent. Cette étude vise plus particulièrement à vérifier l’hypothèse selon laquelle des comportements nés en réaction à certaines caractéristiques du milieu (en l’occurrence une eau en aquarium artificiellement agitée provoquant le renforcement d’un réflexe d’agrippement) entraînent mécaniquement, chez de jeunes limnées en développement, une forte contraction de leur coquille comparativement à de jeunes limnées de même race élevées en eau non artificiellement agitée.
Une fois expérimentalement confirmée cette hypothèse au départ suggérée par les observations en milieu naturel, Piaget revient sur la thèse principale qui motive sa recherche sur l’adaptation de la Limnaea stagnalis, à savoir que les variétés héréditaires de limnées rencontrées dans certaines régions lacustres trouvent leur origine dans ces transformations mécaniquement induites sur les coquilles de certaines races de limnées non lacustres à la suite des modifications adaptatives actives de leur comportement aux conditions propres à ces régions lacustres (modifications qui peuvent s’accompagner d’un choix devenant préférentiel pour les conditions de vie ayant indirectement induit la naissance de ces variétés).
Si les observations en milieu naturel comme l’élevage en aquarium de certaines variétés de limnées tendent à conforter la thèse lamarckienne de "l’hérédité de l’acquis", il reste cependant à trouver une explication acceptable de ce passage des accommodations individuelles de limnées à une adaptation non plus individuelle mais héréditaire des nouvelles races, et c’est ce à quoi Piaget s’essaie dans la deuxième section de cette ultime partie de son article — dernière section dans laquelle il discute à cet effet les différentes solutions classiquement proposées au problème de l’origine et de la transformation des espèces.
Ce document contient la troisième et dernière partie du long article de 1929 portant sur "L’adaptation de la Limnaea stagnalis aux milieux lacustres de Suisse romande".
Une première section a pour objet un étude expérimentale approfondie de la "psychologie des limnées", c’est-à-dire des transformations et des acquisitions de comportements observées chez ces animaux selon les variations naturelles ou artificiellement créées de milieux dans lesquels elles vivent. Cette étude vise plus particulièrement à vérifier l’hypothèse selon laquelle des comportements nés en réaction à certaines caractéristiques du milieu (en l’occurrence une eau en aquarium artificiellement agitée provoquant le renforcement d’un réflexe d’agrippement) entraînent mécaniquement, chez de jeunes limnées en développement, une forte contraction de leur coquille comparativement à de jeunes limnées de même race élevées en eau non artificiellement agitée.
Une fois expérimentalement confirmée cette hypothèse au départ suggérée par les observations en milieu naturel, Piaget revient sur la thèse principale qui motive sa recherche sur l’adaptation de la Limnaea stagnalis, à savoir que les variétés héréditaires de limnées rencontrées dans certaines régions lacustres trouvent leur origine dans ces transformations mécaniquement induites sur les coquilles de certaines races de limnées non lacustres à la suite des modifications adaptatives actives de leur comportement aux conditions propres à ces régions lacustres (modifications qui peuvent s’accompagner d’un choix devenant préférentiel pour les conditions de vie ayant indirectement induit la naissance de ces variétés).
Si les observations en milieu naturel comme l’élevage en aquarium de certaines variétés de limnées tendent à conforter la thèse lamarckienne de "l’hérédité de l’acquis", il reste cependant à trouver une explication acceptable de ce passage des accommodations individuelles de limnées à une adaptation non plus individuelle mais héréditaire des nouvelles races, et c’est ce à quoi Piaget s’essaie dans la deuxième section de cette ultime partie de son article — dernière section dans laquelle il discute à cet effet les différentes solutions classiquement proposées au problème de l’origine et de la transformation des espèces.